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Attaquent les erreurs dont nos âmes sont ivres,
La nécessité d'aimer Dieu

Ne s'y trouve jamais prêchée en aucun lieu,
Mes pères, non plus qu'en vos livres.

XXXVIII.

Aux mêmes. Sur le livre des Flagellants, composé par mon frère le docteur de Sorbonne.

Non, le livre des Flagellants

N'a jamais condamné, lisez-le bien, mes pères,
Ces rigidités salutaires

Que, pour ravir le ciel, saintement violents,
Exercent sur leurs corps tant de chrétiens austères.
Il blâme seulement cet abus odieux

Ce

D'étaler et d'offrir aux yeux

que leur doit toujours cacher la bienséance, Et combat vivement la fausse piété,

Qui, sous couleur d'éteindre en nous la volupté,
Par l'austérité même et par la pénitence

Sait allumer le feu de la lubricité.

XXXIX.

L'amateur d'horloges.

Sans cesse autour de six pendules,
De deux montres, de trois cadrans,
Lubin, depuis trente et quatre ans,
Occupe ses soins ridicules:

Mais à ce métier, s'il vous plaît,

A-t-il acquis quelque science?

Sans doute; et c'est l'homme de France

Qui sait le mieux l'heure qu'il est.

XL'.

Contre Mauroi.

Qui ne hait pas tes vers,

ridicule Mauroi,

Pourrait bien, pour sa peine, aimer ceux de Fourcroi.

Rapportée par Brossette, dans ses notes sur la satire III.

POÉSIES DIVERSES.

I.

Chanson à boire, que je fis au sortir de mon cours de philosophie, à l'âge de dix-sept ans.

Philosophes rêveurs, qui pensez tout savoir,
Ennemis de Bacchus, rentrez dans le devoir;
Vos esprits s'en font trop accroire.

Allez, vieux fous, allez apprendre à boire.
On est savant quand on boit bien :
Qui ne sait boire ne sait rien.

S'il faut rire ou chanter au milieu d'un festin,
Un docteur est alors au bout de son latin :

Un goinfre en a toute la gloire.
Allez, vieux fous, etc.

II.

Autre.

Soupirez jour et nuit sans manger et sans boire,
Ne songez qu'à souffrir;

Aimez, aimez vos maux, et mettez votre gloire
A n'en jamais guérir.
Cependant nous rirons
Avecque la bouteille,

Et dessous la treille
Nous la chérirons.

Si, sans vous soulager, une aimable cruelle
Vous retient en prison,

Allez aux durs rochers, aussi sensibles qu'elle,
En demander raison.

Cependant nous rirons, etc.

III.

Vers à mettre en chant.

Voici les lieux charmants où mon âme ravie

Passait à contempler Sylvie

Ces tranquilles moments si doucement perdus.
Que je l'aimais alors! que je la trouvais belle!
Mon cœur, vous soupirez au nom de l'infidèle :
Avez-vous oublié que vous ne l'aimez plus?
C'est ici que souvent errant, dans les prairies,
Ma main, des fleurs les plus chéries,
Lui faisait des présents si tendrement reçus.
Que je l'aimais alors! etc.

IV.

Chanson à boire. Faite à Baville, où était le père Bourdaloue.

Que Bâville me semble aimable,

Quand des magistrats le plus grand

Permet que Bacchus à sa table

Soit notre premier président!

Trois muses,

en habit de ville 2

Y président à ses côtés;
Et ses arrêts par Arbouville 3
Sont à plein verre exécutés.

Si Bourdaloue un peu sévère
Nous dit: Craignez la volupté;
Escobar, lui dit-on, mon père,
Nous la permet pour la santé.
Contre ce docteur authentique
Si du jeûne il prend l'intérêt,
Bacchus le déclare hérétique,
Et janséniste, qui pis est.

Voyez la lettre à Brossette du 18 juillet 1702.
Boileau avait mis d'abord :

Chalucet, Hélyot, la Ville.

C'est ainsi que se nomment ces trois muses.

3

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Gentilhomme, parent de monsieur le premier président. (BOLL.)

V.

Sonnet sur une de mes parentes, qui mourut toute jeune entre les mains d'un charlatan 1.

Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
A ses jeux innocents enfant associé,

Je goûtais les douceurs d'une amitié charmante:

Quand un faux Esculape, à cervelle ignorante,
A la fin d'un long mal vainement pallié,
Rompant de ses beaux jours le fil trop délié,
Pour jamais me ravit mon aimable parente.

Oh! qu'un si rude coup me fit verser de pleurs!
Bientôt, la plume en main, signalant mes douleurs,
Je demandai raison d'un acte si perfide.

Qui, j'en fis dès quinze ans ma plainte à l'univers;
Et l'ardeur de venger ce barbare homicide
Fut le premier démon qui m'inspira des vers.

VI.

Même sujet.

Parmi les doux transports d'une amitié fidèle,
Je voyais près d'Iris couler mes heureux jours:
Iris, que j'aime encore, et que j'aimai toujours,
Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle :

Quand, par l'ordre du ciel, une fièvre cruelle
M'enleva cet objet de mes tendres amours;
Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours,
Me laissa de regrets une suite éternelle.

Ah! qu'un si rude coup étonna mes esprits!
Que je versai de pleurs ! que je poussai de cris!
De combien de douleurs ma douleur fut suivie!

Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi;
Et, bien qu'un triste sort t'ait fait perdre la vie,
Hélas! en te perdant, j'ai perdu plus que toi!

Voyez la lettre à Brossette du 18 juillet 1702.

VII.

Stances à M. Molière, sur sa comédie de l'École des femmes, que plusieurs gens frondaient.

En vain mille jaloux esprits,

Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage :
Sa charmante naïveté

S'en va pour jamais, d'âge en âge,
Divertir la postérité.

Que tu ris agréablement!
Que tu badines savamment!
Celui qui sut vaincre Numance 2,
Qui mit Carthage sous sa loi,
Jadis, sous le nom de Térence,
Sut-il mieux badiner que toi?

Ta muse avec utilité

Dit plaisamment la vérité;
Chacun profite à ton école :

Tout en est beau, tout en est bon;
Et ta plus burlesque parole
Est souvent un docte sermon.

Laisse gronder tes envieux :

Ils ont beau crier en tous lieux
Qu'en vain tu charmes le vulgaire,
Que tes vers n'ont rien de plaisant :
Si tu savais un peu moins plaire,
Tu ne leur déplairais pas tant.

VIII.

Epitaphe de la mère de l'auteur3.

Epouse d'un mari doux, simple, officieux,

Par la même douceur je sus 4 plaire à ses yeux :

Nous ne sûmes jamais ni railler, ni médire.

1Cette pièce fut représentée, pour la première fois, vers la fin de 1668. Scipion. (BOIL.)

3 Anne Denielle mourut en 1637, à l'âge de vingt-trois ans.

4C'est elle qui parle. (BOIL.)

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