Tu sais par quel conseil rassemblant le chapitre, Et comment le prélat, de ses respects content, Parle donc c'est à toi d'éclaircir ces merveilles. Et fait d'un vain pupitre un second Ilion. Finissons. Aussi bien, quelque ardeur qui m'inspire, Ariste, c'est ainsi qu'en ce sénat illustre Où Thémis par tes soins reprend son premier lustre, Cherche en vain son discours sur sa langue égaré; Il hésite, il bégaye; et le triste orateur Demeure enfin muet aux yeux du spectateur. FIN DU LUTRIN, DISCOURS SUR L'ODE. L'ode suivante a été composée à l'occasion de ces étranges dialogues' qui ont paru depuis quelque temps, où tous les plus grands écrivains de l'antiquité sont traités d'esprits médiocres, de gens à ètre mis en parallèle avec les Chapelains et avec les Cotins, et où, voulant faire honneur à notre siècle, on l'a en quelque sorte diffamé, en faisant voir qu'il s'y trouve des hommes capables d'écrire des choses si peu sensées. Pindare est des plus maltraités. Comme les beautés de ce poëte sont extrêmement renfermées dans sa langue, l'auteur de ces dialogues, qui vraisemblablement ne sait point de grec, et qui n'a lu Pindare que dans des traductions latines assez défectueuses, a pris pour galimatias tout ce que la faiblesse de ses lumières ne lui permettait pas de comprendre. Il a surtout traité de ridicules ces endroits merveilleux où le poëte, pour marquer un esprit entièrement hors de soi, rompt quelquefois de dessein formé la suite de son discours; et, afin de mieux entrer dans la raison, sort, s'il faut ainsi parler, de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons de sens qui ôteraient l'âme à la poésie lyrique. Le censeur dont je parle n'a pas pris garde qu'en attaquant ces nobles hardiesses de Pindare, il donnait lieu de croire qu'il n'a jamais conçu le sublime des psaumes de David, où, s'il est permis de parler de ces saints cantiques à propos de choses si profanes, il y a beaucoup de ces sens rompus, qui servent même quelquefois à en faire sentir la divinité. Ce critique, selon toutes les apparences, n'est pas fort convaincu du précepte que j'ai avancé dans mon Art poétique, à propos de l'ode : Son style impétueux souvent marche au hasard : Ce précepte, effectivement, qui donne pour règle de ne point 1 Parallèle des anciens et des modernes, en forme de dialogue. (BOIL.) — Ouvrage de Perrault, en quatre volumes, dont trois sculement avaient paru quand Boileau composa son ode. Le quatrième ne fut publié que trois ans après, en 1696 1 garder quelquefois de règles, est un mystère de l'art, qu'il n'est pas aisé de faire entendre à un homme sans aucun goût, qui croit que la Clélie et nos opéra sont les modèles du genre sublime; qui trouve Térence fade, Virgile froid, Homère de mauvais sens, et qu'une espèce de bizarrerie d'esprit rend insensible à tout ce qui frappe ordinairement les hommes. Mais ce n'est pas ici le lieu de lui montrer ses erreurs. On le fera peut-être plus à propos un de ces jours, dans quelque autre ouvrage1. Pour revenir à Pindare, il ne serait pas difficile d'en faire sentir les beautés à des gens qui se seraient un peu familiarisé le grec; mais comme cette langue est aujourd'hui assez ignorée de la plupart des hommes, et qu'il n'est pas possible de leur faire voir Pindare dans Pindare même, j'ai crụ que je ne pouvais mieux justifier ce grand poëte qu'en tåchant de faire une ode en français à sa manière, c'est-à-dire pleine de mouvements et de transports, ой l'esprit parût plutôt entraîné du démon de la poésie, que guidé par la raison. C'est le but que je me suis proposé dans l'ode qu'on va voir. J'ai pris pour sujet la prise de Namur, comme la plus grande action de guerre qui se soit faite de nos jours, et comme la matière la plus propre à échauffer l'imagination d'un poëte. J'y ai jeté, autant que j'ai pu, la magnificence des mots; et, à l'exemple des anciens poëtes dithyrambiques, j'y ai employé les figures les plus audacieuses, jusqu'à y faire un astre de la plume blanche que le roi porte ordinairement à son chapeau, et qui est en effet comme une espèce de comète fatale à nos ennemis, qui se jugent perdus dès qu'ils l'aperçoivent. Voilà le dessein de cet ouvrage. Je ne réponds pas d'y avoir réussi; et je ne sais si le public, accoutumé aux sages emportements de Malherbe, s'accommodera de ces saillies et de ces excès pindariques. Mais, supposé que j'y aie échoué, je m'en consolerai du moins par le commencement de cette fameuse ode latine d'Horace, Pindarum quisquis studet æmulari 2, etc., où Horace donne assez à entendre que, s'il eût voulu luimême s'élever à la hauteur de Pindare, il se serait cru en grand hasard de tomber. Au reste, comme parmi les épigrammes qui sont imprimées à la suite de cette ode, on trouvera encore une autre petite ode3 de Voyez les Réflexions critiques sur Longin. 2 Liv. IV, od. II. 3 Nous l'avons placée immédiatement après celle sur la prise de Namur. ma façon, que je n'avais point jusqu'ici insérée dans mes écrits, je suis bien aise, pour ne me point brouiller avec les Anglais d'aujourd'hui, de faire ici ressouvenir le lecteur que les Anglais que j'attaque dans ce petit poëme, qui est un ouvrage de ma première jeunesse, ce sont les Anglais du temps de Cromwell, J'ai joint aussi à ces épigrammes un arrêt burlesque donné au Parnasse, que j'ai composé autrefois, afin de prévenir un arrêt très-sérieux, que l'université songeait à obtenir du parlement contre ceux qui enseigneraient dans les écoles de philosophie d'autres principes que ceux d'Aristote. La plaisanterie y descend un peu bas, et est toute dans les termes de la pratique ; mais il fallait qu'elle fût ainsi pour faire son effet, qui fut très-heureux, et obligea, pour ainsi dire, l'université à supprimer la requête qu'elle allait présenter. Ridiculum acri Fortius ac melius magnas plerumque secat res1. ODE SUR LA PRISE DE NAMUR 2. Quelle docte et sainte ivresse Aujourd'hui me fait la loi ? Dans ses chansons immortelles, Mais, ô ma fidèle lyre, Si, dans l'ardeur qui m'inspire, 1 HORAT, lib. I, sat. x, v. 14. 2 Cette ode fut composée en 1693, un an environ après la prise de Namur. (Voyez la lettre de Boileau à Racine, du 4 juin 1693.) . Tu peux suivre mes transports, Est-ce Apollon et Neptune Et, par cent bouches horribles, Dix mille vaillants Alcides, Qui, soudain perçant son gouffre, De ses plus fiers combattants. C'est Jupiter en personne, Ou c'est le vainqueur de Mons 3. 'Hémus, Rhodope et Pangéc. (BOIL.) Ils s'étaient loués à Laoinédon, pour rebâtir les murs de Troie. (BOIL.) 3 Mons était tombée au pouvoir du roi l'année précédente. |