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préceptes qui en sont tirés. J'avais dessein d'y joindre aussi quelques dialogues en prose que j'ai composés; mais des considérations particulières m'en ont empêché. J'espère en donner quelque jour un volume à part. Voilà tout ce que j'ai à dire au lecteur. Encore ne sais-je si je ne lui en ai point déjà trop dit, et si, en ce peu de paroles, je ne suis point tombé dans le défaut que je voulais éviter.

III. PRÉFACE

POUR LES ÉDITIONS DE 1674 ET 1675, IN-12.

AU LECTEUR.

Je m'imagine que le public me fait la justice de croire que je n'aurais pas beaucoup de peine à répondre aux livres qu'on a publiés contre moi; mais j'ai naturellement une espèce d'aversion pour ces longues apologies qui se font en faveur de bagatelles aussi bagatelles que sont mes ouvrages. Et d'ailleurs ayant attaqué, comine j'ai fait, de gaieté de cœur, plusieurs écrivains célèbres, je serais bien injuste si je trouvais mauvais qu'on m'attaquât à mon tour. Ajoutez que, si les objections qu'on me fait sont bonnes, il est raisonnable qu'elles passent pour telles; et, si elles sont mauvaises, il se trouvera assez de lecteurs sensés pour redresser les petits esprits qui s'en pourraient laisser surprendre. Je ne répondrai donc rien à tout ce qu'on a dit, ni à tout ce qu'on a écrit contre moi; et, si je n'ai donné aux auteurs de bonnes règles de poésie, j'espère leur donner par là une leçon assez belle de modération. Bien loin de me rendre injures pour injures, ils trouveront bon que je les remercie ici du soin qu'ils prennent de publier que ma Poétique est une traduction de la Poétique d'Horace; car, puisque dans mon ouvrage, qui est d'onze cents vers, il n'y en a pas plus de cinquante ou soixante tout au plus imités d'Horace, ils ne peuvent pas faire un plus bel éloge du reste qu'en le supposant traduit de ce grand poëte; et je m'étonne après cela qu'ils osent combattre les règles que j'y débite. Pour Vida ',

'Marc-Jérôme Vida, né à Cremone en 1470, a composé un Art poétique en vers latins. Il mourut évêque d'Albe en 1866,

dont ils m'accusent d'avoir pris aussi quelque chose, mes amis savent bien que je ne l'ai jamais lu, et j'en puis faire tel serment qu'on voudra sans crainte de blesser ma conscience.

IV. PRÉFACE

POUR LES ÉDITIONS DE 1683, 1685 ET 1694.

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Voici une édition de mes ouvrages beaucoup plus exacte que les précédentes, qui ont toutes été assez peu correctes. J'y ai joint cinq épîtres nouvelles que j'avais composées longtemps avant que d'être engagé dans le glorieux emploi 2 qui m'a tiré du métier de la poésie. Elles sont du même style que mes autres écrits, et j'ose me flatter qu'elles ne leur feront point de tort: mais c'est au .ecteur à en juger, et je n'emploierai point ici ma préface, non plus que dans mes autres éditions, à le gagner par des flatteries, ou à le prévenir par des raisons dont il doit s'aviser de lui-même. Je me contenterai de l'avertir d'une chose dont il est bon qu'on soit instruit : c'est qu'en attaquant dans mes satires les défauts de quantité d'écrivains de notre siècle, je n'ai pas prétendu pour cela ôter à ces écrivains le mérite et les bonnes qualités qu'ils peuvent avoir d'ailleurs. Je n'ai pas prétendu, dis-je, que Chapelain, par exemple, quoique assez méchant poëte, n'ait pas fait autrefois, je ne sais comment, une assez belle ode3, et qu'il n'y eût point d'esprit ni d'agrément dans les ouvrages de M. Quinault, quoique si éloignés de la perfection de Virgile. J'ajouterai même, sur ce dernier, que, dans le temps où j'écrivis contre lui, nous étions tous deux fort jeunes, et qu'il n'avait pas fait alors beaucoup d'ouvrages 4 qui lui ont dans la suite acquis une juste réputation. Je veux bien aussi avouer qu'il y a du génie dans les écrits de Saint-Amand, de Brébœuf, de Scudéri, et de plusieurs autres que j'ai critiqués, et qui sont en effet, d'ailleurs, aussi bien que moi, très dignes de critique. En un mot, avec la même sincérité

'Les épîtres V, VI, VII, VIII et IX.

2 Boileau et Racine avaient été nomiaés historiographes du roi en 1677.

3 Adressée au cardinal de Richelieu, et recueillie dans la Bibliothèquc poetique, t. II, p. 183.

4 Quinault n'était encore connu que par quelques mauvaises tragédies, lorsque Boileau le nomma dans ses satires.

que j'ai raillé de ce qu'ils ont de blåmable, je suis prêt à convenir de ce qu'ils peuvent avoir d'excellent. Voilà, ce me semble, leur rendre justice, et faire bien voir que ce n'est point un esprit d'envie et de médisance qui m'a fait écrire contre eux. Pour revenir à mon édition, outre mon Remerciement à l'Académie et quelques épigrammes que j'y ai jointes, j'ai aussi ajouté au poëme du Lutrin deux chants nouveaux qui en font la conclusion. Ils ne sont pas, à mon avis, plus mauvais que les quatre autres chants, et je me persuade qu'ils consoleront aisément les lecteurs de quelques vers que j'ai retranchés à l'épisode de l'horlogère, qui m'avait toujours paru un peu trop long. Il serait inutile maintenant, etc. '.

V. PRÉFACE OU AVIS

MIS DANS L'ÉDITION DE 1694,

APRÈS LA IV PRÉFACE.

AU LECTEUR.

2

J'ai laissé ici la même préface qui était dans les deux éditions précédentes, à cause de la justice que j'y rends à beaucoup d'auteurs que j'ai attaqués. Je croyais avoir assez fait connaitre par cette démarche, où personne ne m'obligeait, que ce n'est point un esprit de malignité qui m'a fait écrire contre ces auteurs, et que j'ai été plutôt sincère à leur égard que médisant. M. Perrault néanmoins n'en a pas jugé de la sorte. Ce galant homme, au bout de près de vingt-cinq ans 2 qu'il ya que mes satires ont été imprimées la première fois, est venu tout à coup, et dans le temps qu'il se disait de mes amis, réveiller des querelles entièrement oubliées, et me faire sur mes ouvrages un procès que mes ennemis ne me faisaient plus. Il a compté pour rien les bonnes raisons que j'ai mises en rimes pour montrer qu'il n'y a point de médisance à se moquer des méchants écrits; et, sans prendre la peine de réfuter ces raisons, a jugé à propos de me traiter dans un li

'Boileau mit depuis le reste de cette préface devant le Lutrin.

2 Brossette fait remarquer que, la première édition des Satires étant de 1000, Il fallait dire près de trente ans.

vre', en termes assez peu obscurs, de médisant, d'envieux, de calomniateur, d'homme qui n'a songé qu'à établir sa réputation sur la ruine de celle des autres. Et cela fondé principalement sur ce que j'ai dit dans mes satires que Chapelain avait fait des vers durs, et qu'on était à l'aise aux sermons de l'abbé Cotin.

Ce sont en effet les deux grands crimes qu'il me reproche, jusqu'à me vouloir faire comprendre que je ne dois jamais espérer de rémission du mal que j'ai causé, en donnant par là occasion à la postérité de croire que, sous le règne de Louis le Grand, il y a eu en France un poëte ennuyeux et un prédicateur assez peu suivi. Le plaisant de l'affaire est que, dans le livre qu'il fait pour Justifier notre siècle de cette étrange calomnie, il avoue lui-même que Chapelain est un poëte très peu divertissant, et si dur dans ses expressions, qu'il n'est pas possible de le lire. Il ne convient pas ainsi du désert qui était aux prédications de l'abbé Cotin. Au contraire, il assure qu'il a été fort pressé à un des sermons de cet abbé; mais en même temps il nous apprend cette jolie particularité de la vie d'un si grand prédicateur, que sans ce sermon, où heureusement quelques-uns de ses juges se trouvèrent, la justice, sur la requête de ses parents, lui allait donner un curateur, comme à un imbécile. C'est ainsi que M. Perrault sait défendre ses amis, et mettre en usage les leçons de cette belle rhétorique moderne inconnue aux anciens, où vraisemblablement il a appris à dire ce qu'il ne faut point dire. Mais je parle assez de la justesse d'esprit de M. Perrault dans mes Réflexions critiques sur Longin, et il est bon d'y renvoyer les lecteurs.

Tout ce que j'ai ici à leur dire, c'est que je leur donne dans cette nouvelle édition, outre mes anciens ouvrages exactement revus, ma Satire contre les Femmes, l'Ode sur Namur, quelques Épigrammes, et mes Reflexions critiques sur Longin. Ces réflexions, que j'ai composées à l'occasion des Dialogues de M. Perrault, se sont multipliées sous ma main beaucoup plus que je ne croyais, et sont cause que j'ai divisé mon livre en deux volumes. J'ai mis à la fin du second volume les traductions latines qu'ont faites de mon ode les deux plus célèbres professeurs en éloquence de l'Université, je veux dire M. Lenglet et M. Rollin. Ces traductions ont été généralement admirées ; et ils m'ont fait en cela tous

'La Parallèle des anciens et des modernes.

deux d'autant plus d'honneur qu'ils savent bien que c'est la seule lecture de mon ouvrage qui les a excités à entreprendre ce travail. J'ai aussi joint à ces traductions quatre épigrammes latines que le révèrend père Fraguier', jésuite, a faites contre le Zoile moderne. Il y en a deux qui sont imitées d'une des miennes. On ne peut rien voir de plus poli ni de plus élégant que ces quatre épigrammes, et il semble que Catulle y soit ressuscité pour venger Catulle j'espère donc que le public me saura quelque gré du présent que je lui en fais.

Au reste, dans le temps que cette nouvelle édition de mes ouvrages allait voir le jour, le révérend père de la Landelle', autre célèbre jésuite, m'a apporté une traduction latine qu'il a aussi faite de mon ode; et cette traduction m'a paru si belle, que je n'ai pu résister à la tentation d'en enrichir encore mon livre, où on la trouvera avec les deux autres.

VI. PRÉFACE

POUR L'ÉDITION DE 1701.

Comme c'est ici vraisemblablement la dernière édition de mes ouvrages que je reverrai, et qu'il n'y a pas d'apparence qu'âgé comme je suis de plus de soixante et trois ans, et accablé de beaucoup d'infirmités, ma course puisse être encore fort longue, le public trouvera bon que je prenne congé de lui dans les formes, et que je le remercie de la bonté qu'il a eue d'acheter tant de fois des ouvrages si peu dignes de son admiration. Je ne saurais attribuer un si heureux succès qu'au soin que j'ai pris de me conformer toujours à ses sentiments, et d'attraper, autant qu'il m'a été possible, son goût en toutes choses. C'est effectivement à quoi il me semble que les écrivains ne sauraient trop s'étudier. Un ouvrage a beau être approuvé d'un petit nombre de connaisseurs, s'il n'est plein d'un certain agrément et d'un certain sel propre à piquer le goût général des hommes, il ne passera jamais pour un bon ouvrage, et il faudra à la fin que les connaisseurs eux

'Claude-François Fraguier, de l'Académie des belles-lettres et de l'Académie française, mort le 13 mai 1728.

2 Connu depuis sous le nom de Saint-Remi,

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