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tance: quelque nom qu'on lui donne, ou de quelque maniere qu'on la confidere c'est toujours la même idée fimple & uniforme de l'efpace, qui nous eft venue par le moyen des objets dont nos fens ont été occupés; de forte qu'en ayant établi des idées dans notre efprit, nous pouvons les réveiller; les répéter & les ajouter l'une à l'autre auffi fouvent que nous voulons, & ainsi confidérer l'espace ou la distance, soit comme remplie de parties folides, en forte qu'un autre corps n'y puiffe point venir, fans déplacer & chaffer le corps qui étoit auparavant; foit comme vuide de toute chofe folide, en forte qu'un corps d'une dimention égale à ce pur efpace, puiffe y être placé, fans en éloigner ou chaffer aucune chofe qui y foit déja. Mais pour éviter la confufion en traitant cette matiere, il feroit peut-être à fouhaiter qu'on appliquât le nom d'étendue qu'à la matiere ou à la distance qui eft entre les extrémités des corps particuliers, & qu'on donnât le nom d'expansion, à l'efpace en général, foit qu'il fût plein où vuide de matiere folide; de forte qu'on dît l'espace a de l'expansion & le corps eft étendu.

Mais en ce point, chacun eft maître d'en ufer comme il lui plajra. Je ne propofe ceci que comme un moyen de s'exprimer plus clairement & plus diftinctement.

Les hommes different peu entr'eux fur les idées fimples qu'ils conçoivent clai

rement.

S. 28. Pour moi, je m'imagine que dans cette occafion auffi-bien que dans plufieurs autres, toute la difpute feroit bientôt terminée fi nous avions une connoiffance précise & diftincte de la fignification des termes dont nous nous fervons. Car, je fuis porté à croire que ceux qui viennent à réfléchir fur leurs propres penfées, trouvent qu'en général leurs idées fimples conviennent enfemble, quoique dans les difcours qu'ils ont ensemble, ils les confondent par différens noms: de forte que ceux qui font accoutumés à faire des abftractions, & qui examinent bien les idées qu'ils ont dans l'efprit, ne fauroient penfer fort différemment, quoique peut-être ils s'embarraffent par des mots, en s'attachant aux façons de parler des académies, ou des fectes

dans lesquelles ils ont été élevés. Au contraire, je comprends fort bien, que les difputes, les criailleries & les vains galimathias doivent durer fans fin parmi les gens qui n'étant point accoutumés à penfer, ne fe font point une affaire d'examiner fcrupuleufement&avec foin leurs propres idées, & ne les diftinguent point d'avec les fignes que les hommes employent pour les faire connoître aux autres, & fur-tout, fi ce font des favans de profeffion, chargés de lecture, dévoués à certaines fectes, accoutumés au langage qui y eft en ufage, & qui fe font fait une habitude de parler après les autres fans favoir pourquoi. Mais enfin, s'il arrive que deux personnes fenfées & judicieufes aient des idées différentes, je ne vois pas comment ils peuvent difcourir ou raifonner enfemble. Au refte, ce feroit prendre fort mal ma penfée que de croire que toutes les vaines imaginations qui peuvent entrer dans le cerveau des hommes, foient précisément de cette espece d'idées dont je parle. Il n'eft pas facile à l'efprit de fe débarraffer des notions confufes, & des préjugés dont il a été

imbu par la coutume, par inadvertance, ou par les converfations ordinaires. Il faut de la peine & une longue & férieufe application pour examiner fes propres idées, jufqu'à ce qu'on les ait réduites à toutes les idées fimples, claires & diftinctes dont elles font compofées & pour démêler parmi ces idées fimples celles qui ont, ou qui n'ont point de liaison & de dépendance néceffaire entr'elles; car, jufqu'à ce qu'un homme en foit venu aux notions premieres & originales des chofes, il ne peut que bâtir fur des principes incertains, & tomber fouvent dans de grands mécomptes.

Fin du Tome premier.

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