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génie oratoire ont marqué cette époque. Les parlements qui gardèrent long-temps, avec une courageuse intégrité, le dépôt imparfait des libertés publiques, firent plus d'une fois entendre de nobles accents. L'éloquence judiciaire fut ellemême honorée par un beau monument, les Mémoires de Pélisson pour un ami malheureux.

Enfin, pour dernier trait de cette illustre époque, si la puissance oratoire ne s'est montrée avec toute sa grandeur que dans la chaire évangélique, l'éloquence est dans tous les ouvrages célèbres du dix-septième siècle: elle a mis sa véhémence et sa rapidité dans l'immortel Discours de Bossuet sur l'histoire; elle s'unit à la muse d'Homère pour inspirer le Télémaque; elle anime la morale de Nicole qu'admirait Sévigné; elle donne à Sévigné de vives peintures, et de soudains mouvements de l'ame; elle éclate dans La Bruyère par l'audace des figures et du langage: elle inspire à Pascal ces étonnantes pensées où le génie paraît grand de tous les secours qu'il dédaigne, où le sublime est plus simple qu'ailleurs, et semble le langage naturel d'une raison si puissante, qu'elle ne pouvait pas s'exprimer

autrement.

Que de réflexions, messieurs, ne vous offrira pas cette revue peu nombreuse d'écrivains si grands et si divers dans leur génie! Quelles ins

pirations avaient-ils empruntées à l'antiquité? Que recevaient-ils de leur siècle? Comment, et avec quelle bonne foi, leurs études étaient-elles modifiées par l'esprit de leur temps? Quel était pour eux le terme de l'imitation, le commencement de l'originalité? Comment sont-ils souvent des Grecs et des Romains par l'élégance, par le style, et donnent-ils, en même temps, l'expression la plus fidèle d'une grande époque de la société moderne ? Questions intéressantes, messieurs, heureuses et paisibles recherches où l'imagination se plaît, et qui, ramenant sous nos yeux les plus beaux modèles de l'antiquité, nous feront jouir de tous les trésors de l'esprit humain, en étudiant l'éloquence française. N'agréez-vous pas, messieurs, cette étude qui déja vous est familière, et que nous recommençons ensemble?

Quelle passion plus salutaire que l'amour des lettres! quel meilleur emploi des loisirs de la jeunesse! et dans des temps encore agités, quelle préoccupation plus conciliatrice et plus douce! Les lettres sont comme toutes les choses grandes et pures, comme la justice, comme la vertu; elles ont le privilége d'élever l'ame tout ensemble, et de la calmer. Elles inspirent à la fois l'enthousiasme et la paix.

Venez donc, messieurs, dans cette enceinte pour écouter, non pas la voix d'un rhéteur, mais

celle des grands génies qui nous serviront de maîtres. Au lieu de vous contenter d'une froide et solitaire lecture, venez dans cette réunion nombreuse écouter ces voix immortelles qui paraîtront plus sonores et plus vivantes, à mesure que l'admiration de chacun s'augmentera de celle de tous.

Nourrissez maintenant vos ames de ces grandes pensées, de ces souvenirs ineffaçables, de ces émotions d'éloquence et de génie, belle passion de la jeunesse, qui, dans un âge plus avancé, dans une vie plus sérieuse, se retrouvent au fond de l'homme et donnent au talent développé la vigueur et la grace. Cette éloquence, que l'occasion fait naître, mais que l'étude a préparée, est devenue l'un des ressorts de notre institution politique. Elle peut conduire aux premiers honneurs du pouvoir et de la tribune. Chaque jour plus nécessaire, elle sera l'instrument de l'ambition, de la gloire et du bien public; elle est attachée à notre liberté même. Ce monarque héritier de Louis XIV, et, comme lui, protecteur des lettres, mais surtout ami des lumières et des lois, en donnant à notre siècle un nouvel ordre politique, a fait bien plus que d'honorer l'éloquence; il a ouvert pour elle la plus noble carrière dans l'avenir; et, se confiant au patriotisme du soin de perpétuer les talents, il a préparé des occasions

pour le génie français dans ces mêmes institutions qui doivent renouveler la grandeur et affermir la durée glorieuse du trône et de la France.

ESSAI HISTORIQUE

SUR MILTON.

MILTON

ILTON naquit à Londres, le 9 décembre 1608. Son père, homme instruit, passionné pour les arts, ayant même un talent distingué pour la musique, exerçait dans cette ville la profession de notaire. Le jeune Milton reçut l'éducation la plus savante; et, dès l'âge de douze ans, son application à l'étude et ses veilles prolongées avaient commencé d'affaiblir sa vue. Il suivit avec éclat les cours de l'université de Cambridge: l'imagination de l'auteur du Paradis perdu s'annonçait par des poésies latines, où l'on ne peut méconnaître une élégance et une douceur bien rares parmi les latinistes du Nord. Mais son humeur altière lui attira quelques inimitiés qui l'éloignèrent de Cambridge, après cinq ans de séjour. Le ministère ecclésiastique avait été sa première vocation : il

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