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Toutefois n'allez pas, goguenard dangereux,1
Faire Dieu le sujet d'un badinage affreux.
A la fin tous ces jeux que l'athéisme élève
Conduisent tristement le plaisant à la Grève. 2

Il faut, même en chansons, du bon sens et de l'art.
Mais pourtant on a vu le vin et le hasard.

Inspirer quelquefois une muse grossière,

Et fournir, sans génie, un couplet à Linière."

originales) et de Brossette, Souchay, Dumont, Saint-Marc, Saint-Surin. (BERRIAT-SAINT-PRIX.) Dans d'autres éditions on lit du plaisir.

1. Goguenard, qui plaisante en se moquant. Étym. dérivé de gogue, plaisanterie, divertissement. Origine incertaine. Bas-breton, gôguéa, tromper, se moquer; kimry, gogan, satire. (E. LITTRÉ, Dict. de la langue française.)

2. Ces deux vers ont trait à la triste fin de Petit, auteur du Paris ridicule, poëme d'un burlesque très-ingénieux et bien supérieur à la Rome ridicule de Saint-Amand, dont il est une imitation. Petit fut découvert assez singulièrement pour l'auteur de quelques chansons impies et libertines qui couroient dans Paris. Un jour qu'il étoit hors de chez lui, le vent enleva de dessus une table placée sous la fenêtre de sa chambre quelques carrés de papier, qui tombèrent dans la rue. Un prêtre, qui passoit par là, les ramasse, et, voyant que c'étoient des vers impies, il va sur-le-champ les remettre entre les mains du procureur du roi. Au moyen des mesures qui furent prises, Petit fut arrêté dans le moment qu'il rentroit, et l'on trouva dans ses papiers les brouillons des chansons qui couroient alors. Malgré tout ce que purent faire des personnes du premier rang que sa jeunesse intéressoit pour lui, il fut condamné à être pendu et brûlé. Ce poëte, très-bien fait de sa personne, étoit fils d'un tailleur de Paris, et très en état de se faire un grand nom par un meilleur usage de ses talents. Je tiens ce détail de quelqu'un qui l'avoit connu, lui et sa famille. (SAINT-MARC.) — Claude Petit, ou Lepetit, était né vers 1640, et mourut probablement à la fin de 1665. On a de lui: l'Ecole de l'intérêt et l'Université d'amour, songes véritables ou vérités songées; galanterie morale traduite de l'espagnol (d'A. P. Buena). Paris, 1662, in-12; l'Heure du berger, demy-roman comique, ou roman demy-comique. Paris, 1662, in-12; Chronique scandaleuse, ou Paris ridicule. Cologne (Amsterdam, Elzevir), 1668, petit in-12 de 47 pages; c'est probablement une seconde édition; les Plus belles pensées de saint Augustin, mises en vers françois. Paris, 1666, in-16; ouvrage posthume publié par Pierre du Pelletier, qui parle du supplice récent de son ami. (M. CHÉRON.)

3. Éd. 1674-1675, L***. 1674-1675, gr. in-12, jusqu'à 1685, Lo***. Voir sur Linière, t. I, notre Étude sur la vie de Boileau, ccxvn.)

Mais pour un vain bonheur qui vous a fait rimer,
Gardez qu'un sot orgueil ne vous vienne enfumer.
Souvent l'auteur altier de quelque chansonnette
Au mème instant prend droit de se croire poëte :
Il ne dormira plus qu'il n'ait fait un sonnet;
Il met tous les matins six impromptus au net.
Encore est-ce un miracle, en ses vagues furies,
Si bientôt, imprimant ses sottes rêveries,
Il ne se fait graver au-devant du recueil,
Couronné de lauriers par la main de Nanteuil.1

1. Fameux graveur. (BOILEAU, 1713.) Robert Nanteuil, né à Reims en 1630, mort à Paris le 18 de décembre 1678. Nanteuil a gravé en 1658 un portrait du père de Boileau. Cf. Robert-Dumesnil, tome IV, n. 43 de l'œuvre de Nanteuil. (M. CHÉRON.) - Boileau voulait terminer ce chant par les deux vers qui suivent, et qu'il supprima, selon Brossette, pour ne pas déplaire à MM. de l'Académie française :

Et dans l'Académie, orné d'un nouveau lustre,

Il fournira bientôt un quarantième illustre.

On regrettera toujours de ne trouver parmi ces définitions si justes et si vraies des petits genres de poésie aucune mention de la fable. C'est un oubli qu'il est aussi difficile d'expliquer que d'excuser.

CHANT III.

"

Il n'est point de serpent ni de monstre odieux Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux : D'un pinceau délicat l'artifice agréable

Du plus affreux objet fait un objet aimable."

1

1. « C'est dans le chapitre quatrième de sa Poétique (d'Aristote) que Boileau a puisé ces beaux vers. Voici ce que dit Aristote : « L'imitation et l'har«monie ont produit la poésie... Nous voyons avec plaisir, dans ses tableaux, « des animaux affreux, des hommes morts ou mourants, que nous regarde«rions avec chagrin et avec frayeur dans la nature. Plus ils sont bien imités, plus ils vous causent de satisfaction. » (VOLTAIRE, Dict. philosophique.) – Aristote dit encore dans sa Rhétorique, liv. I, chap. 1x, « que tout ce qui sera imité parfaitement sera très-agréable, comme sont les ouvrages de peinture, de sculpture, de poésie, en un mot, tout ce qui consiste en imitation, quand bien même ce qui auroit été imité seroit très-désagréable en soi ; car enfin, le plaisir qu'on a de voir une belle imitation ne vient point précisément de ce qui a été imité, mais bien de notre esprit, qui fait alors en luimême cette réflexion et ce raisonnement qu'en effet il n'est rien de plus ressemblant, et qu'on diroit que c'est la chose même et non pas une simple représentation. » Boileau ajoutait qu'il ne faut pas que l'imitation soit entière, parce qu'une ressemblance trop parfaite inspirerait autant d'horreur que l'original même. Voilà pourquoi introduit avec tant de goût dans ces vers les mots suivants : D'un pinceau délicat l'artifice agréable. « L'illusion, dit en effet M. Cousin, est si peu le but de l'art, qu'elle peut être complète et n'avoir aucun charme... Il y a plus, lorsque l'illusion va trop loin, le sentiment de l'art disparaît pour faire place à un sentiment purement naturel, quelquefois insupportable. Si je croyais qu'Iphigénie est en effet sur le point d'être immolée par son père à vingt pas de moi, je sortirais de la salle en frémissant d'horreur. » (Du vrai, du beau et du bien, p. 183.)

2. Vauquelin de la Fresnaye avait dit avant Boileau :

C'est un art d'imiter, un art de contrefaire,

Que toute poésie, ainsi que de pourtraire,
Et l'imitation est naturelle en nous :

Un autre contrefaire il est facile à tous :

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