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Mais de la même main qui peignit Tullius,1
Qui d'affronts immortels couvrit Tigellius, *
Il sut fléchir Glycère, il sut vanter Auguste,3
Et marquer sur la lyre une cadence juste.
Suivons les pas fameux d'un si noble écrivain.
A ces mots, quelquefois prenant la lyre en main,
Au récit que pour toi je suis prêt d'entreprendre,*

détruite que quatre-vingt-six ans après Horace, sont écrits avec de l'encre. (Encycl. antiq., mot Encre.) (BERriat-Saint-Prix.) Les papyrus de l'Égypte, qui viennent de bien plus loin, sont écrits avec de l'encre. Il y en avait même une espèce dont nous ne connaissons plus le secret, c'était une encre blanche. D'ailleurs on aurait dù savoir qu'Horace parle lui-même d'encre dans ce vers :

Sed veluti tractata notam labemque remittunt
Atramenta.

(Livre II, ép. I, v. 236.)

Cet atramentum était un liquide noir employé à différents usages, comme vernis par les peintres (PLINE, Hist. nat., t. XXXV, 36, 18), par les cordonniers pour teindre leur cuir (PLINE, Hist. nat., t. XXXIV, 32); et aussi comme encre (Cic., ad Q. frat. 11-15) : Calamo et atramento temperato, charta etiam dentata res agetur. L'atramentarium, c'était notre encrier.

1. Sénateur romain. César l'exclut du sénat, mais il y rentra après sa mort. (BOILEAU, 1713.) Cf. Horace, livre I, satire VI, v. 23-25.

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Quo tibi, Tilli,

Sumere depositum clavum fierique tribuno?

On voit que le personnage dont parle Horace s'appelle Tillius. On pourrait donc admettre la critique de Rosel rapportée par Berriat-SaintPrix (mot imaginé pour la rime; il n'y a point de Tullius dans Horace), si l'on ne savoit pas que Tillius et Tullius sont des noms qui se confondent et se prennent l'un pour l'autre. Suétone, parlant de Tillius Cimber, peutêtre le frère de celui-ci, dit : « Illicoque Cimber Tullius qui primas partes susceperat.» (Cœs., 82.)

2. Fameux musicien, fort chéri d'Auguste. (Boileau, 1713.) - Cf. Horace, livre I, satire IV, v. 72, et satire X, v. 80.

3. Cf. Horace, livre I, ode XIX.

4. C'est le texte de 1683 à 1713. Un grand nombre d'éditeurs ont corrigé le texte de Boileau et mis près de. C'était méconnaître la tradition du XVIIe siècle, qui a toujours dit prêt de dans le sens de disposé à. « Psyché étoit honteuse de son peu d'amour, toute prête de réparer cette faute si son

Je crois voir les rochers accourir pour m'entendre;'
Et déjà mon vers coule à flots précipités,

Quand j'entends le lecteur qui me crie: Arrêtez:
Horace eut cent talents; mais la nature avare

Ne vous a rien donné qu'un peu d'humeur bizarre :
Vous passez en audace et Perse et Juvénal;
Mais sur le ton flatteur Pinchêne est votre égal.
A ce discours, grand roi, que pourrois-je répondre?
Je me sens sur ce point trop facile à confondre;
Et, sans trop relever des reproches si vrais,
Je m'arrête à l'instant, j'admire et je me tais.

mari le souhaitoit. » (LA FONTAINE, Psyché, I, p. 85.) — « Le voilà prêt de faire en tout vos volontés. » (MOLIÈRE, le Dépit amoureux, III, 8.)

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Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre;
Qu'il vienne me parler, je suis prêt de l'entendre.
(Phèdre, acte V, scène v.)

Aujourd'hui les grammairiens ont décidé qu'il fallait dire en ce sens prêt à. Cette décision est arbitraire, car l'usage admettait la préposition de; et il n'y a rien dans prêt qui exclue cette proposition. » (Littré, Diction. de la langue française.)

1. Allusion à ce passage de Virgile, églogue VI, 27. Silène commence à chanter :

Tum vero in numerum Faunosque ferasque videres
Ludere, tum rigidas motare cacumina quercus.

2. Neveu de Voiture. Il avait fait imprimer un gros recueil de poésies contenant « les éloges du roi, des princes et princesses de son sang et de

toute sa cour. »>

ÉPITRE IX.1

A M. LE MARQUIS DE SEIGNELAY

SECRÉTAIRE D'ÉTAT.

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Dangereux ennemi de tout mauvais flatteur,
Seignelay, c'est en vain qu'un ridicule auteur,
Prêt à porter ton nom « de l'Èbre 3 jusqu'au Gange,'
Croit te prendre aux filets d'une sotte louange.
Aussitôt ton esprit, prompt à se révolter,

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S'échappe, et rompt le piége où l'on veut l'arrêter. 3
Il n'en est pas ainsi de ces esprits frivoles,
Que tout flatteur endort au son de ses paroles,
Qui, dans un vain sonnet, placés au rang des dieux,
Se plaisent à fouler l'Olympe radieux;

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1. Composée au commencement de 1675, avant l'épître VIII.

2. Jean-Baptiste Colbert, ministre et secrétaire d'État, mort en 1690, fils de Jean-Baptiste Colbert, ministre et secrétaire d'État. (Boileau, 1713.) - Le fils aîné du grand Colbert, né à Paris en 1651, mourut le 3 de novembre 1690.

3. Rivière d'Espagne. (BOILEAU, 1713.)

4. Rivière des Indes. (BOILEAU, 1713.)

5.

Nisi dextro tempore, Flacci

Verba per attentam non ibunt Cæsaris aurem,
Cui male si palpere, recalcitrat undique tutus.

(HORACE, liv. II, sat. I, v. 18-20.)

6. Allusion plaisante à ces vers de Virgile où Daphnis vient prendre sa

place parmi les dieux :

Candidus insuetum miratur limen Olympi,

Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis.

(VIRGILE, églogue V, v. 55-56.)

Et, fiers du haut étage où la Serre1 les loge,
Avalent sans dégoût le plus grossier éloge.
Tu ne te repais point d'encens à si bas prix.
Non que tu sois pourtant de ces rudes esprits
Qui regimbent toujours, quelque main qui les flatte. *
Tu souffres la louange adroite et délicate,
Dont la trop forte odeur n'ébranle point les sens.
Mais un auteur novice à répandre l'encens,
Souvent à son héros, dans un bizarre ouvrage,
Donne de l'encensoir au travers du visage; 3
Va louer Monterey d'Oudenarde forcé,
Ou vante aux électeurs Turenne repoussé.5

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1. Boileau, dans la satire III, a déjà donné une atteinte à cet auteur ridicule. Il met lui-même en note sur ce nom : « Écrivain célèbre pour son galimatias. » Outre sept tragédies jouées de 1641 à 1644, il a laissé le Secrétaire de la cour ou Manuel de lettres, qui a eu trente éditions. C'était, dit Saint-Marc, un fade panégyriste qui se flattait d'être fort capable de composer des éloges, suivant l'usage où l'on était en ce temps-là de faire des portraits en vers ou en prose. « Il faut accorder, dit Sorel dans sa Bibliothèque françoise, p. 157, que M. de la Serre s'est trouvé très-propre à ces sortes d'ouvrages, et qu'il a un génie particulier pour cela, soit qu'il leur laisse la forme d'éloges, ou qu'il les insère dans les épîtres dédicatoires de quelques livres. Il en faut retrancher les pensées trop hardies ou trop irrégulières, et les paroles peu convenables... »

2. C'est proprement le vers et l'image d'Horace cités plus haut:

Cui male si palpere, recalcitrat undique tutus.

(Livre II, sat. I, v. 20.)

3. Encens, encensoir, images tirées des cérémonies de l'église où l'on encense les hauts dignitaires du chœur; de là hommages et flatteries excessives :

L'autre jour, suivant à la trace

Deux ânes qui, prenant tour à tour l'encensoir,
Se louoient tour a tour, comme c'est la manière.

(LA FONTAINE, Fables, XI, 5.)

4. Gouverneur des Pays-Bas. (BOILEAU, 1713.) Condé força Monterey de lever le siége d'Oudenarde le 12 de septembre 1674. Jean-Dominique de Haro, comte de Monterey, après la mort de sa femme, en 1710, prit les ordres en 1712, et mourut en février 1716, âgé de soixante-sept ans.

5. Il les avait battus à la bataille de Turckheim en Alsace le 5 de jan

Tout éloge imposteur blesse une âme sincère.
Si, pour faire sa cour à ton illustre père,

Seignelay, quelque auteur, d'un faux zèle emporté,
Au lieu de peindre en lui la noble activité,
La solide vertu, la vaste intelligence,

Le zèle pour son roi, l'ardeur, la vigilance,
La constante équité, l'amour pour les beaux-arts,
Lui donnoit les vertus d'Alexandre ou de Mars,
Et, pouvant justement l'égaler à Mécène,

Le comparoit au fils de Pélée ou d'Alcmène : 2
Ses yeux, d'un tel discours foiblement éblouis,3
Bientôt dans ce tableau reconnoîtroient Louis; "
Et glaçant d'un regard la muse et le poëte,

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vier 1675. « Le poëte, pour démasquer la flatterie, la suppose stupide et grossière, absurde et choquante au point de louer un général d'armée sur la défaite... Est-ce là présenter le miroir aux flatteurs? » (MARMONTEL, Elem. de litter., t. III, p. 255.) – - « M. Daunou répond avec raison que le poëte a pu attribuer à la flatterie qu'il qualifie de novice quelques faux pas et quelques bévues. » (BERRIAT-Saint-Prix. ) — D'Alembert remarque que quelques années auparavant on avait osé dire, dans une relation de l'expédition malheureuse de Gigery (petit château fort de l'État d'Alger, province de Constantine, à l'entrée du golfe de Bougie; les Français s'en emparèrent en 1664), que cette affaire pouvait être mise en parallèle avec les plus belles actions du roi.

1. Achille. (BOILEAU, 1713.)

2. Hercule. (BOILEAU, 1713.)

3.

De maitre Petit-Jean m'éblouit...

L'éloquence éclatante

(RACINE, les Plaideurs, acte III, scène m.)

Cette citation est pour répondre à la critique de Le Brun, qui ne veut pas qu'on puisse être ébloui d'un discours. Il est vrai que Racine prépare mieux son image par le mot éclatante.

4.

Si quis bella tibi terra pugnata marique

Dicat, et his verbis vacuas permulceat aures

Te ne magis salvum populus velit, an populum tu,

Servet in ambiguo qui consulit et tibi et urbi

Jupiter; Augusti laudes agnoscere possis...

(HORACE, liv. I, épît. XVI, v. 24-28.)

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