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noms allégoriques. Le Traité de la Liberté mutilé dans quelques recueils, a été inséré, avec des corrections, par M. Naigeon dans son Dictionnaire de la philosophie, faisant partie de l'Encyclopédie méthodique. L'éditeur tient de d'Alembert et Duclos que Fontenelle a avoué être l'auteur de ce traité. Le même éditeur, dans son Recueil philosophique, Londres, 1770, et Condorcet, dans son édition des Pensées de Pascal, Londres, 1776, ont publié les Réflexions sur l'argument de M. Pascal et de M. Locke, concernant la possibilité d'une autre vie; réflexions que quelques personnes ont attribué à Fréret plutôt qu'à Fontenelle. La Lettre sur la Résurrection des corps se trouve dans la correspondance de Grimm, dans 60 exemplaires de l'édition faite en 1807 de la Relation de l'île Borneo, et dans des ouvrages plus anciens. Au sujet des ouvrages attribués à Fontenelle, nous ajouterons que l'abbé Trublet le croit aussi éditeur du Recueil des plus belles pièces des poëtes français, depuis Villon jusqu'à Benserade, qui parut pour la première fois en 1692.

RÉFLEXIONS SUR LA POÉTIQUE, SUR L'ÉGLOGUE,

POÉSIES PASTORALES, HÉROIDES, etc.

Nous comprendrons dans le troisième volume de cette édition toutes les poésies et le théâtre de Fontenelle. Les exemples suivront la théorie que l'auteur a développée dans ses réflexions. On verra dans son discours sur l'églogue, qu'il trouvait les bergers de Théocrite et de Virgile trop grossiers, et qu'il crut devoir donner aux siens tout son esprit, « On a reproché avec raison à Fontenelle, dit la Harpe, d'avoir dans ses églogues, trop peu de cette, simplicité qui sied bien aux amours cham→ pêtres, et de cette élégance que le talent poétique sait unir à la simplicité. On voudrait qu'il mît, à mieux faire ses vers, le soin qu'il emploie à donner de l'esprit à ses bergers; qu'il songeât plus à flatter l'oreille par des sons gracieux, et moins à nous éblouir de la finesse de ses pensées; ses bergers en savent trop en amour, et il en sait trop peu en poésie. On est également frappé du prosaïsme de ses vers, et du raffinement de ses idées... Fontenelle a cependant quelques églogues qui se lisent avec plai sir, particulièrement la première, la neuvième et la dixième. Dans plusieurs autres, il a une délicatesse qui peut plaire, pourvu qu'on oublie que la scène est au village, et qu'on fasse souvent grâce à la versification. »

A l'égard des héroïdes de Fontenelle, la Harpe est encore plus sévère. On pourra lire dans son Cours de littérature, ce qu'il en dit.

Un autre littérateur, M. Garat, a mieux su démêler dans les pastorales de Fontenelle les beautés d'avec les défauts. « Qui aurait cru, dit-il, que privé de tous les talens et presque de tous les sentimens que l'églogue exige, Fontenelle cependant devait faire des églogues qui sont des ouvrages charmans? Oui, ces églogues doivent plaire infiniment à tous ceux qui, dans les arts de l'esprit, consultent plus encore leurs plaisirs que leurs principes... Comment se défend-on d'estimer, d'admirer même dans ces églogues l'invention toujours heureuse des sujets, le dessin toujours ingénieux et simple de l'action? Quelle charmante idée que celle de l'églogue où une jeune bergère, qui brave l'amour dans l'âge qu'on doit lui consacrer, s'approche, sans être vue, du lieu où deux amans se croient séparés de l'univers, veut être témoin de leurs jeux, pour en rire, recueillit leurs entretiens, pour s'en moquer, et bientôt émue de leurs plus innocens badinages, attendrie de leurs discours, sort de ces lieux le cœur rempli du besoin de ce bonheur dont elle a vu l'image! Combien de fois on a rappelé l'églogue où une autre bergère, en donnant, sans s'en douter, des assurances du plus tendre amour, revient sans cesse avec tant de grâce à ce refrain: Mais n'ayons point d'amour, il est trop dangereux. Veut-il peindre l'amour tel qu'il est dans une âme timide et modeste, qui n'ose croire au bonheur d'être aimé? Il conduit un berger aux pieds d'une statue de l'amour, élevée non dans un temple, mais dans un bocage : le berger dans une prière, raconte au dieu les rigueurs dont il gémit, et dans ce récit, chaque rigueur est un témoignage d'amour. Le dieu sourit de tant d'erreur et d'innocence; et le berger, que ce sourire devrait rassurer, craint encore que ce ne soit un ris moqueur. Quel tableau charmant ! A-t-on jamais mieux peint l'amour avec la timidité que si souvent il inspire! Et ce qui est surprenant, les détails mêmes tirent de ces vues si fines,' de ces aperçus ingénieux qui leur ôtent le naturel et la naïveté de l'églogue, je ne sais quel agrément qui plaît, qu'on aime encore.... Il est des momens où les âmes les plus sensibles, fatiguées de leurs passions, en aiment mieux l'histoire qui les fait réfléchir avec intérêt, que le tableau énergique qui les remue et les agite encore, et alors Fontenelle dont les sentimens mêmes sont des aperçus profonds, qui peint les passions, mais à l'esprit, leur donne un plaisir mêlé, pour ainsi dire, de sensibilité et de réflexion; et alors l'homme de goût, le poëte même, malgré sa répugnance à parcourir des vers dépouillés de poésie, lit ces églogues avec un intérêt qui étonne son goût, et oublie que celui qui donne tant de plaisir à son esprit, blesse quelquefois ses organes. » Eloge de Fontenelle,

A l'égard des pièces fugitives, le même littérateur observe bien que Fontenelle a dû souvent réussir dans un genre qui exige bien plus d'esprit que de poésie, ou qui n'exige que ce degré de poésie auquel l'esprit peut s'élever.

THEATRE.

Voulant s'essayer dans tous les genres de poésie, à l'exception du poëme épique, qu'il n'osait aborder, et de la satire pour laquelle il ne se sentait pas de goût, Fontenelle a fait aussi des opéras, des comédies et même des tragédies. Le génie de son oncle ne l'a point inspiré dans ses essais comiques et tragiques, mais il a marché avec quelque succès sur les traces de Quinault. Il n'avait pas encore vingt ans lorsque son oncle, Thomas Corneille, le fit travailler aux opéras de Psyché et de Bellerophon; le neveu en composa la plus grande partie; mais ils furent représentés (en 1678 et 1679) sous le nom de l'oncle. Dix ans après, Fontenelle fit l'opéra de Thétis et Pélée, et puis celui d'Enée et Lavinie. Tous deux furent mis en musique par Colasse. Le premier eut beaucoup de succès; mais la révolution musicale qui s'opéra dans le dix-huitième siècle en France, et qui fit perdre à la nation le goût pour les anciennes psalmodies qu'on avait appelées musique, fit tomber aussi les deux compositions de Colasse. D'Auvergne, qui était encore trop près du temps de ce compositeur pour en différer beaucoup, refit la musique d'Enée et Lavinie malgré l'avis de Fontenelle, qui lui dit modestement : « Cet opéra n'a point réussi en 1690, et je n'ai pas entendu dire dans le temps que ce fût la faute de la musique. » L'opéra fut représenté avec la nouvelle musique de d'Auvergne un an après la mort de Fontenelle. Delaborde refit ensuite la musique de Thétis et Pélée, dont les paroles méritaient une meilleure musique que celle de Colasse. Cependant ces deux pièces refaites n'ont guère été goûtées du public. Fontenelle avait aidé mademoiselle Bernard dans la composition de la tragédie de Brutus, qui fut publiée sous le nom de cette demoiselle, quoique la pièce soit presque en entier de lui; il avait fait jouer sa comédie de la Comète sous le nom de Visé, tant il évitait toujours de compromettre sa réputation.

Fouchy, Solignac, Lebeau et Lecat avaient déjà fait l'éloge de Fontenelle lorsque l'académie française en fit le sujet d'un concours. Elle décerna en 1784 le prix, à M. Garat. Outre l'Éloge couronné (Paris 1784; 86 pages in-8°.), on vit paraître dans la même année les Éloges de Fontenelle par Leroi et Voiron ; l'abbé de Flers avait publié le sien en 1783, ainsi que M. de Cubières qui avait donné à son éloge de Fontenelle la forme du dialogue,

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sous le titre de Fontenelle jugé par ses pairs. Londres et Paris 1783 (réimprimé en 1803 avec des changemens et avec d'autres écrits sous le titre de Fontenelle, Colardeau et Dorat, ou Éloges de ces trois écrivains, etc., 1 vol. in-8°.).

L'abbé Trublet avait recueilli avec un soin minutieux, dans le Mercure de France, tout ce qu'il avait pu apprendre de la vie et des ouvrages de l'illustre secrétaire de l'académie; ses notes réunies sous le titre un peu fastueux de Mémoires, font partie des éditions des OEuvres de Fontenelle, publiées au milieu du dernier siècle. Le Dictionnaire de la philosophie ancienne et moderne, dans l'Encyclopédie méthodique, contient l'éloge de Fontenelle par Duclos, suivi de l'exposé des principes de sa philosophie rationnelle. En publiant, en 1744, à la Haye, l'Esprit de Fontenelle, tiré de ses ouvrages, Prémontval avait mis en tête de ces extraits une apologie de l'auteur. L'abbé Desfontaines insinua que ce pouvait bien être une satire déguisée. Prémontval, affligé de ce soupçon, courut chez Fontenelle pour lui faire part de son chagrin : « Eh! quoi, répondit Fontenelle, après l'avoir tranquillement écouté, n'ai-je pas fait observer depuis long-temps qu'il n'y avait rien qui ne dût être dit? » Ces extraits de Prémontval furent réimprimés plusieurs fois, entre autres en 1744 et 1767, in-12. Sous le titre d'Esprit, Maximes et Principes de Fontenelle, M. Chas publia en 1788, à Paris, des extraits semblables, en un vol. in-12. Le même auteur avait donné trois ans auparavant ses Réflexions sur l'Eloge de Fontenelle par M. Garat. Londres et Paris 1785, in-8°.

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Quoique la vie de Fontenelle n'offre aucun événement saillant, on a néanmoins essayé de le mettre en scène. En 1814 MM. Dumolard et Capelle ont fait représenter, sur le théâtre du Vaudeville à Paris, la vieillesse de Fontenelle, comédie anecdote en

un acte.

Il n'existe que peu d'éditions du recueil des OEuvres de Fontenelle. Une des premières fut faite à Paris en 1724, sous le titre d'Euvres diverses de Fontenelle, et réimprimée en 1728 à la Haye, en 3 vol. in-fol., et 3 vol. in-4°., ornés des gravures de B. Picart. Une édition moins belle, mais plus complète, est celle qui parut sous les yeux de l'auteur à Paris en 1742 en 6 vol. in-12. (Les tomes 7 et 8 parurent en 1751.) On en publia une plus complète encore à Paris en 1758 et 1766, 11 vol. in-8°.; et Amsterdam, 1764, 12 vol. in-8°., dont deux renferment les Mémoires prolixes de l'abbé Trublet, rédigés sans goût et sans ordre. Depuis cette époque jusqu'en 1790, on ne réimprima que la partie des OEuvres de Fontenelle qui avait eu le plus de succès. La collection complète qui fut publiée à Paris en

1790, forme 8 vol. in-8°. ; cette édition bien imprimée et la dernière de toutes, laisse pourtant à désirer le texte a été altéré en plusieurs endroits, et il y manque plusieurs écrits sortis de la plume de Fontenelle. Ce n'est donc pas une entreprise inutile, de donner au public, après un intervalle de vingt-huit ans, une édition plus correcte, plus complète, bien moins volumineuse, et par conséquent plus économique que celles qui l'ont précédée. Nous avons rétabli le texte d'après les anciennes éditions; les morceaux que nous avons ajoutés ont été en partie indiqués plus haut. D'un autre côté nous avons retranché les lettres, réfutations, observations, etc., qui avaient été adressées à Fontenelle par divers écrivains. Nous avons divisé le tout en trois volumes, dont le premier contient particulièrement ses travaux académiques, le second ses autres ouvrages, à l'exception des poésies et du théâtre réservés pour le troisième volume. Nous y avons ajouté une table des matières, qui est indispensable pour un recueil d'écrits sur divers sujets et qui pourtant manque dans toutes les autres éditions. Si quelques personnes nous blâmaient de n'avoir pas fait un choix dans ces écrits, plutôt que de les avoir reproduits tous, nous serions obligés de nous prévaloir du motif par lequel Fontenelle s'est justifié lui-même très-modestement à cet égard, dans la préface qui suit cette notice. Le public, dit-il, ne souffre pas qu'on lui dérobe rien de ce qu'il a eu une fois en sa possession peut-être même sa malignité en serait-elle affligée, elle perdrait des sujets de s'exercer.

D.

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