Page images
PDF
EPUB

où elles sont présentées accessoirement sous une forme aussi attrayante. Nous disons accessoirement, car ces Entretiens roulent principalement sur le système du Monde, tel qu'il a été conçu par Copernic, et adopté par tous les astronomes. Fontenelle est le premier qui ait mis à la portée des gens du monde les principes de l'astronomie moderne, et qui ait rendu familières des notions qui auparavant étaient réservées aux savans. La jalousie a cherché à diminuer ce mérite, en déterrant un ouvrage publié à Rouen en 1656, sous le titre du Monde dans la Lune, deux parties en un volume in-8°., traduit de l'anglais de Wilkins. Mais elle n'a pas songé qu'il est peu important de savoir où se trouve le fond des idées sur la pluralité des mondes. C'est surtout par la forme que brille l'exposé de Fontenelle, et cette forme lui appartient entièrement; elle porte tout le cachet de son esprit; Fontenelle seul a pu traiter une matière naturellement sèche avec tant d'enjouement et de grâces. Son goût pour la galanterie, qui dégénère quelquefois en fadeur, se retrouve dans ces Entretiens d'un savant et d'une marquise, personnage qui n'est pas tout-à-fait imaginaire. Lecat nous apprend, dans son éloge, qu'en mettant en scène une marquise remplie de charmes, Fontenelle avait en vue madame de la Mésangère de Rouen. L'auteur des Entretiens racontait lui-même, que lorsqu'il fit à Rouen la lecture de son ouvrage à madame de la Mésangère, la femme de chambre reconnut sa maîtresse et le parc de la Mésangère, dès les premières pages; et cette dame eut si grand'peur d'être reconnue par le public dans la personne de la marquise, qu'elle engagea l'auteur à diminuer la ressemblance. Obéissant à ce désir, Fontenelle changea la marquise en blonde, de brune qu'elle était. Il n'est pas inutile d'ajouter, qu'en tendre berger, l'auteur des pastorales avait gravé sur l'écorce des hêtres de ce parc des vers amoureux, qu'on y a vus long-temps.

Il serait difficile d'énumérer toutes les éditions des Entretiens sur la pluralité des Mondes. Il faut distinguer dans le nombre l'édition faite à Dijon en 1793, sur papier vélin, petit in-8°., édition dont cinq exemplaires ont été tirés sur peau de vélin ; celle qui a été imprimée à Paris en 1796, par Didot le jeune sur papier vélin, grand in-4°., avec figures; enfin l'édition ornée des notes de M. Lalande, Paris, 1800. Un astronome allemand, M. Bode, a également enrichi de notes ces Entretiens. La traduction allemande qu'accompagnent ses remarques a eu trois éditions, dont la dernière a paru à Berlin, 1798. Presque toutes les nations de l'Europe ont traduit l'ouvrage de Fontenelle. Il en existe même une traduction en grec, par M. Kodrika, Vienne, 1794.

HISTOIRE DES ORACLES.

Dans la Biographie universelle, à l'article Fontenelle, on observe avec raison qu'une histoire des oracles est encore à faire. L'ouvrage de Fontenelle est une dissertation bien faite, qui à l'époque où elle parut, fut regardée par certaines personnes comme impie, et que le jésuite Le Tellier voulut faire condamner, aujourd'hui elle passerait presque pour un ouvrage religieux. On sait que l'écrit de Fontenelle est un abrégé élégant et lumineux d'un traité bien érudit, mais bien diffus, du hollandais Van-Dale. Le Précis de l'écrivain français parut en 1687. Van-Dale s'expliqua de la manière suivante sur le travail de Fontenelle : « J'ai lu avec bien du plaisir l'Histoire des Oracles, faite par un auteur français, où je suis copié fidèlement. J'approuve la liberté qu'il s'est donnée de tourner ce que j'avais avancé dans mes deux Dissertations sur ce sujet, au génie de sa nation.... Loin de le trouver mauvais, je le loue d'avoir facilité la connaissance de cette importante question aux honnêtes gens de l'un et de l'autre sexe de son pays, et j'avoue qu'il a eu raison de les décharger de la peine de lire quantité de citations ennuyeuses. Mais ce savant et galant homme me pardonnera si je dis qu'il a oublié des choses importantes, et qui pouvaient être plus décisives et moins ennuyeuses que d'autres dont il a fait emploi dans son ouvrage. C'est peut-être un malheur pour la cause qu'il soutient avec moi, qu'il ne soit pas dans un pays de liberté; car je ne puis imputer à une autre raison le silence qu'il a gardé, ou les déguisemens qui semblent l'avoir commandé sur des faits de conséquence. » Nouv. de la Républ. des Lettres, 1687. Vingt ans après, un jésuite, le P. Baltus, entreprit de le réfuter par sa Réponse à l'Histoire des Oracles, Strasbourg, 1707, et par la suite de sa Réponse, qui parut en 1708. Il soutint que les démons avaient fait des oracles, et qu'ils s'étaient tus à l'arrivée du Messie. Fontenelle n'eut garde de s'engager dans une querelle théologique. Il savait ce qu'il en coûtait souvent, dans son siècle, pour avoir raison dans de pareilles matières, et il laissa au temps le soin de réfuter les raisonnemens superstitieux de ses adversaires.

« Je ne répondrai point au jésuite de Strasbourg, écrivait-il à Leclerc, quoique je ne croie pas l'entreprise impossible. Mais l'Histoire de l'académie des sciences me donne trop d'occupation, et tourne toutes mes études sur des matières trop différentes de celles-là. Ce serait plutôt à M. Van-Dale à répondre qu'à moi; je ne suis que son interprète, il est mon garant. Eufin je n'ai

point du tout l'humeur polémique, et toutes les querelles me déplaisent. J'aime mieux que le diable ait été prophète, puisque le P. jésuite le veut, et qu'il croit cela plus orthodoxe. »

Un auteur à qui Fontenelle refusa son approbation en qualité de censeur royal, lui témoigna sa surprise de ce que l'historien des oracles se montrait si difficile. Monsieur, répartit Fontenelle, si j'avais été le censeur des oracles, je n'aurais pas ap prouvé l'ouvrage.

DIALOGUES DES MORTS:

A l'exemple de plusieurs écrivains célèbres, Fontenelle a fait des Dialogues des morts anciens et modernes. Ils parurent l'an 1683, en deux volumes, et jetèrent les fondemens de la réputation de l'auteur, qui à cette époque n'avait fait paraître encore aucun ouvrage. On admira l'esprit que montraient tous les interlocuteurs, vieux et modernes qui figurent dans ces entretiens, les rapprochemens inattendus, les pensées fines et les réflexions piquantes dont leur conversation est assaisonnée. Les gens de goût trouvèrent, il est vrai, que l'esprit y est prodigué, et que malgré les divers caractères des personnages mis en scène, c'est le plus souvent l'auteur qui parle. Les pensées y deviennent quelquefois trop subtiles et dégénèrent en puerilités. L'année d'après, on vit paraître un Jugement de Pluton, qui en défendant le Lucien moderne contre diverses critiques, et en le condamnant sur plusieurs autres, le persiflait avec esprit, et il faut l'ajouter, avec raison. On fut bien étonné lorsqu'on apprit que Fontenelle lui-même était l'auteur du jugement sur ses Dialogues.

HISTOIRE DU THEATRE FRANÇAIS,
VIE DE CORNEILLE.

Accoutumé à ne cueillir, que des fleurs dans le champ des lettres, Fontenelle sut choisir dans l'histoire de l'art dramatique en France, les détails les plus piquans, et les présenta avec son talent accoutumé. La vie de Corneille avait d'abord paru sous le titre d'Eloge, dans les Nouvelles de la République des Lettres, en 1685. Fontenelle la retoucha pour l'Histoire de l'académie française, où l'abbé d'Olivet inséra ce morceau en 1729. L'auteur y fit de nouveaux changemens, avant de joindre la Vie de son oncle à ses œuvres. Si en parlant du théâtre français, on n'entend jamais Fontenelle louer Racine, il faut se souvenir de ce que nous avons dit plus haut de la jalousie littéraire qui l'empêcha d'être juste à cet égard.

DIGRESSION SUR LES ANCIENS ET MODERNES. DISCOURS SUR LA PATIENCE, LE BONHEUR, etc.

Nous avons dit que Fontenelle , peu sensible aux beautés des auteurs classiques des anciens, prit le parti de Perrault dans la fameuse dispute sur les anciens et les modernes, et qu'il le défendit avec esprit. En retournant une de ses phrases, on pourrait dire qu'il rabaisse les anciens, pour mettre ses contemporains bien haut. Le discours sur l'existence de Dieu tire de la génération des animaux une nouvelle preuve de l'existence d'un Être Suprême. Par le discours sur la patience, Fontenelle conquit une palme académique. Ses préceptes sur le bonheur, il les a pratiqués et s'en est bien trouvé toute sa vie. Ce petit traité a été imprimé séparément à Paris, 1806, in-24.

Les divers fragmens qui viennent à la suite de ces discours, ont été trouvés après sa mort parmi ses papiers. Nous avons eu aussi occasion de voir des fragmens d'un manuscrit de Fontenelle contenant une traduction d'Horace, en prose. Malheureusement une grande partie de cette traduction ayant été confiée à un homme de lettres, à Paris, a été égarée.

Le petit Mémoire sur le nombre 9, que nous insérons à la suite de ces traités, est un essai de la jeunesse de Fontenelle; il manque dans toutes les éditions de ses OEuvres, quoique Bayle l'eût publié dès l'année 1685 dans ses Nouvelles de la Républ. des Lettres.

LETTRES DU CHEVALIER D'HER**.

de vogue,

Ces lettres parurent en 1685. Elles eurent beaucoup mais elles furent critiquées vivement; il est vrai que dans aucun de ses ouvrages, Fontenelle n'a abusé autant de son esprit facile que dans cette correspondance. Avec sa prudence ordinaire, il les avait publiées d'abord sans nom d'auteur, vraisemblablement pour attendre l'approbation du public. L'ouvrage se répandit, et l'on apprit que Fontenelle en était l'auteur. Vinrent ensuite les critiques, et l'on entendit Fontenelle nier qu'il fût l'auteur des Lettres du chevalier d'Her**. Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'il a flotté toute sa vie entre l'amour paternel pour cet enfant de sa muse, et entre le désir de désavouer un écrit blâme par les gens de goût. On attribua ces lettres à un M. d'Hermainville; Fontenelle se garda bien de contredire cette assertion. A Rennes il y eut un pari au sujet du véritable auteur des lettres, et l'on s'adressa à Fontenelle pour dissiper tous les doutes. Il répondit, selon l'abbé Trublet, en Normand, sans avouer que

ces lettres fussent de lui, et sans nier qu'elles fussent de M. d'Hermainville, et conclut par ces mots : « Mon avis serait, si vous me faisiez l'honneur de me le demander, que votre pari fât nul. » Dans la préface même du recueil de ses œuvres, Fontenelle dit qu'il y admet ces lettres, parce que dans le public on les lui a toujours attribuées, quoiqu'il ne les ait pas avouées. Il n'y a peut être que Fontenelle à qui il soit arrivé d'admettre au nombre de ses écrits un ouvrage, sans oser avouer qu'il l'avait fait. Dans l'intimité de la conversation il est pourtant quelquefois convenu de la vérité.

CORRESPONDANCE.

Les lettres adressées par Fontenelle à diverses personnes, ne sont pas dans le goût de celles du chevalier d'Her**. Elles sont, pour la plupart, écrites d'un style agréable et facile. Nous les avons rangées, dans cette édition, par ordre chronologique. On doit s'étonner qu'un écrivain centenaire, qui jouissait d'une si grande célébrité dans toute l'Europe, en ait laissé si peu. Probablement il s'en faut beaucoup qu'elles aient été toutes publiées.

ÉCRITS ATTRIBUÉS A FONTENELLE.

Nous joignons au second volume divers écrits qui sont attribués à Fontenelle, tels que la Relation de l'île de Borneo, le Traité de la Liberté, la Lettre de la Résurrection des corps, etc.

Il n'existe, il est vrai, aucune preuve positive que Fontenelle en soit l'auteur. Nous venons de voir par l'exemple des Lettres du chevalier d'Her **, qu'aucun homme de lettres n'a fait violence, comme lui, à l'amour-propre de l'écrivain, lorsque quelque motif de prudence l'y engageait. Mais il y a beaucoup de probabilités que ces écrits sont sortis de la même plume que les ouvrages dont nous venons de parler. Fontenelle avait l'esprit très-philosophique, et devançait à cet égard ses contemporains, ceux du moins avec lesquels il a passé la première moitié de sa vie. Il ne serait donc pas étonnant qu'il se fût exprimé librement sur des sujets qui exerçaient sa pensée, mais qu'il n'aurait pas voulu traiter en public. Nous ne croyons pas commettre d'indiscrétion en réunissant ces écrits aux ouvrages de Fontenelle, puisque déjà ils ont été imprimés sous son nom. La Relation de l'ile de Bornéo fut d'abord publiée par Bayle qui la prit à la lettre, et n'y soupçonna aucune allégorie. On a fait en 1807, à Paris, de cette Relation une belle édition tirée à 94 exemplaires sur papier vélin, 2 sur papier rose, 2 sur papier bleu, 3 sur peau de vélin et un sur satin. Cette édition a des additions et une clef des

« PreviousContinue »