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Qu'il semble que le système des Causes occasionnelles ne rend pas Dieu plus souverain, que le système commun de la force mouvante des corps.

LES défenseurs des Causes occasionnelles paraissent être bien fiers de ce que dans leur système il n'y a point d'autre moteur que Dieu, point de force mouvante qu'en lui : mais je crois que cet avantage nous pourra être commun avec eux, pourvu que le système commun de la force des corps soit bien expliqué. Je ne sais si les philosophes qui le soutiennent, m'avoueront du tour que je vais lui donner.

Il est certain que l'existence des créatures est une vraie existence, réellement distinguée de celle de Dieu; et cela n'est point contre sa grandeur ni contre sa souveraineté. Il pourrait donc bien aussi n'être pas contre sa souveraineté et sa grandeur, qu'il y eût dans les créatures une vraie force mouvante réellement distinguée de la sienne.

Jusques-là tout est égal; et tout ce que vous me direz contre la force des créatures, je vous le rétorquerai contre leur existence.

Mais comme l'existence des créatures étant dépendante et participée, a un caractère qui la met infiniment au-dessous de celle de Dieu, aussi leur force mouvante doit avoir quelque caractère qui la mette infiniment au-dessous de celle qui est en Dieu.

Cela se découvre sans peine. La force mouvante de Dieu est celle par laquelle il produit un mouvement qui n'était point : la force mouvante des créatures est celle par laquelle elles font passer d'un corps dans un autre, un mouvement qui était déjà, et qu'elles n'ont pas produit. Concevez Dieu et les créatures, l'égard du mouvement, comme le soleil et les corps transparens ou réfléchissans, à l'égard de la lumière.

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Qu'un corps envoie de la lumière en un certain lieu par réfraction ou par réflexion, ce n'est pas lui proprement qui éclaire ce lieu; c'est toujours le soleil qui seul a produit et a pu produire cette lumière.

Mais ce corps n'a pas laissé de faire comme Cause véritable, et précisément en vertu de sa nature, que cette lumière fût ici ou là.

Il y a une différence dans cette comparaison; c'est que comme l'action du soleil est naturellement déterminée à pousser la lumière sur la même ligne droite, un corps transparent ou opaque qui détermine la lumière à prendre une autre ligne, change quelque chose à l'action du soleil: mais l'action par laquelle

Dieu produit le mouvement, n'est déterminée qu'à produire tant de mouvement dans toute la masse de la matière, et non à en produire tant dans chaque corps particulier; et par conséquent les corps qui ne font que faire passer du mouvement dans d'autres corps particuliers, ne changent rien à l'action de Dieu, en tant qu'elle est déterminée.

C'est en cela que consiste la réponse que j'avais promise au raisonnement du père Malebranche, rapporté dans le chap. III. Il serait indigne de Dieu, et au-dessus de la portée des créatures, qu'elles pussent changer quelque chose à une action de Dieu déterminée, à celle, par exemple, par laquelle il produit et conserve tant de mouvement déterminément dans toute la matière; mais elles peuvent, sans sortir de leur bassesse, et sans blesser la puissance de Dieu, changer quelque chose à une action indéterminée, indifférente, et qu'il ne veut qui ait rien d'absolu ni de fixe, telle que celle par laquelle il conserve tant de mouvement en chaque corps particulier.

L'idée que nous donnons ici de la force mouvante des créatures, convient parfaitement avec le principe dont nous faisons dépendre cette force, qui est l'impénétrabilité : vous voyez que de l'impénétrabilité il ne peut pas s'ensuivre qu'un corps produira un mouvement qui n'était point, mais il s'en ensuivra qu'il fera passer du mouvement dans un autre corps. C'est à cet égard qu'il faut reconnaître les corps pour Causes véritables.

Ainsi Dieu est autant dans notre système le seul moteur, que dans celui des Causes occasionnelles; mais il me semble que ce système commun, qui n'est qu'égal à l'autre en ce point, est au-dessus de lui en tous les autres que nous avons traités. J'en fais juges tous ceux qui n'auront pas pris pour les opinions nouvelles la même préoccupation où l'on a été plongé si longtemps, et si ridiculement, à l'égard des anciennes. La vérité n'a ni jeunesse ni vieillesse; les agrémens de l'une ne la doivent pas faire aimer davantage, et les rides de l'autre ne lui doivent pas attirer plus de respect.

LETTRE

De l'Auteur des Doutes à M*** , pour répondre à une difficulté qui lui avait été objectée.

Je ne voudrais pas, Monsieur, pour toute la métaphysique du moude, avoir trouvé mauvais que vous ayez fait réponse à un de mes argumens. Ce serait une chose souverainement ridicule

:

que la question abstraite et spéculative des Causes occasionnelles fût en droit d'exciter des passions et des tempêtes dans le cœur humain quand serions-nous donc de sang-froid? Quelquefois, en voyant nos grands hommes disputer avec tant d'aigreur, et, qui pis est, avec si peu de bonne foi, j'admire leurs raisonne mens, et j'ai pitié de leur raison. Ils parlent de philosophie, mais ils ne parlent pas en philosophes.

Vous prétendez que j'ai supposé ce qui était en question. Je ne répondrai point précisément à toutes vos paroles : cela commencerait une dispute où le public n'entendrait rien, et où peutêtre nous ne nous entendrions pas nous-mêmes. Il vaut mieux que je remette dans une nouvelle forme qui prévienne votre difficulté, l'argument que vous trouvez faux dans le livre des Doutes. Puisque, selon le P. Malebranche et vous, les corps n'ont nulle force de faire passer les uns dans les autres, par le choc, les mouvemens qu'ils ont reçus de Dieu, et qu'il a fallu que Dieu ait établi une Cause occasionnelle de la communication des mouvemens, il a pu établir pour Cause occasionnelle quelque au tre chose que le choc : car rien ne peut être de sa nature Cause occasionnelle de quoi que ce soit ; ce ne peut être que par insti

tution.

Je veux donc que Dieu, au lieu d'établir le choc Cause occasionnelle de la communication des mouvemens, en ait établi Cause occasionnelle le passage de deux corps à une certaine distance l'un de l'autre ; par exemple, à une ligne qui sera moyenne proportionnelle entre leurs diamètres. Tout l'ordre de l'univers matériel roulerait sur ce nouveau principe.

Alors quand je viendrais à examiner la question des Causes occasionnelles selon la méthode que j'ai tenue dans le troisième chapitre des Doutes, je dirais : Le passage de deux corps à cette distance supposée est-il véritablement la Cause occasionnelle de la communication de leurs mouvemens? Et pour le découvrir, je supposerais qu'avant que Dieu eût fait le décret qui établirait ce passage prétendu Cause occasionnelle de la communication des mouvemens, il voulût simplement mouvoir les deux corps A et B, tant que rien pris hors de lui ne s'y opposerait.

Je trouverais que les deux corps A et B seraient mûs toute l'éternité sans nul changement; et j'aurais beau les concevoir passant à une distance l'un de l'autre, qui serait moyenne proportionnelle entre leurs diamètres, je ne concevrais jamais que ce passage eût aucune liaison naturelle et nécessaire avec le changement de leurs mouvemens.

Je concluerais: Ce passage est donc une vraie Cause occasionnelle de la communication des mouvemens, puisqu'avant que

Dieu lui ait donné cette qualité, qui n'est que d'institution, il n'avait de lui-même nulle liaison avec la communication des

mouvemens.

Appliquez ce raisonnement au choc, vous trouverez tout le contraire.

Dieu, avant que d'avoir établi le choc Cause occasionnelle de la communication., veut mouvoir les deux corps A et B dans les circonstances que j'ai marquées ; et ce que je n'ai pas assez marqué, il les veut mouvoir tant que rien pris hors de lui ne s'y opposera. Remarquez bien, s'il vous plaît, qu'on peut supposer que Dieu ait fait un décret sur le mouvement de deux corps, sans en avoir fait un sur la communication de leurs mouvemens, parce que la première de ces deux choses n'enferme point la se

conde.

A et B viennent à se choquer. Jusqu'ici tout s'est pu faire par le simple décret qui a mis A et B en mouvement.

Mais ici, au point du choc, je vois qu'il faut de nécessité absolue qu'il arrive un changement, quel qu'il soit.

Et la nécessité de ce changement est prise, non de la volonté de Dieu, car, selon l'hypothèse, il remuerait enore A et B de la même façon, si rien pris hors de lui ne s'y opposait : mais elle est prise de la nature des corps et de leur impénétrabilité, qui s'oppose absolument à la continuation du mouvement de A et de B, tel qu'il était.

Il y a donc une liaison nécessaire entre la nature de A et de B, et un changement, quel qu'il soit.

La nature des corps, ou le choc, ce qui revient au même, sera donc Cause véritable, et non pas Cause occasionnelle de ce changement.

Voilà le raisonnement que j'avais fait dans les doutes; mais rendu plus clair et plus sensible par le parallèle que j'ai imaginé du choc et du passage à une ligne, etc. Attachez-vous, je vous prie, à ce parallèle d'opposition, et examinez attentivement d'où naît la différence. Je vous prie de mettre dans le même journal où vous insérerez tout ceci, la réponse que vous y ferez, et de me marquer bien précisément le point où je me serai trompé. Est-il possible que jamais, à force de dispute, on ne conviendra de rien? Je voudrais avoir vu cela arriver une fois en ma vie, fût-ce à mes dépens.

FIN DU PREMIER VOLUME.

CONTENUES DANS CE VOLUME.

PREFACE de l'Histoire de l'académie des sciences, depuis 1666 jusqu'en 1699.

Page

PRÉFACE de l'Analyse des Infiniment petits, du marquis de
l'Hôpital.

PREFACE des Élémens de la Géométrie de l'Infini.
DISCOURS prononcé par Fontenelle à l'acad. des sciences, etc.
PRÉFACE sur l'utilité des mathématiques et de la physique, etc.
HISTOIRE du renouvellement de l'académie royale des sciences
en 1669.

RÉGLEMENT ordonné par le roi pour l'académie royale des
sciences.

ÉLOGES des Académiciens de l'académie royale des sciences,

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du marquis de Dangeau.

304

de Viviani.

54

de l'abbé des Billettes.

309

du marquis de l'Hôpital.

de d'Argenson.

311

de Bernoulli.

de Couplet.

321

de Amontons.

de Mery.

324

de du Hamel.

de Varignon.

330

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du Czar Pierre Ier.

338

du maréchal de Vauban.

95

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