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jet de matière étrangère qui viendra frapper la terre par le pôle commun à la circulation et à la rotation; et certainement il doit produire quelque effet. Comme le mouvement apparent des fixes dure déjà depuis 2000 ans, qu'il a peut-être commencé longtemps avant que d'être observé, et qu'on ne sait quand il finira, l'action d'où il dépend doit être assez modérée, et ne va pas jusqu'à troubler les grands équilibres. Le jet dont il s'agit ici ne changera que la direction de l'un ou de l'autre des deux axes de la terre. Pour changer la direction de l'axe de circulation, il faudrait transporter la terre dans une autre couche du tourbillon, car il est aisé de voir qu'elles ont toutes cet axe différemment dirigé; et ce transport de la terre dans une autre couche, dont il faudrait vaincre la résistance, ne serait pas un médiocre effort. Le jet ne changera que la direction de l'axe de rotation, et rien ne s'y opposera. Cet axe n'est déterminé par les circonstances physiques, qu'à faire un certain angle avec celui de circulation, mais non pas à avoir sa direction est et ouest, plutôt que nord et sud. Il obéira sur cela à la moindre impulsion. On peut se rappeler ce qui a été dit sur la cause de la rotation dans l'article 68.

140. L'action du jet sur l'axe de rotation de la terre ne peut guère être continue: il serait difficile de concevoir qu'un tourbillon voisin agit pendant 2000 ans sur le nôtre, sans que le nôtre réagît sur lui. Il est vrai qu'il pourrait, pendant ce temps-là, réagir sur un autre voisin, et lui renvoyer autant de matière qu'il en aurait reçu; mais il paraît plus naturel que l'action du premier jet soit interrompue, et ne se fasse qu'à différentes reprises, telles cependant que son effet n'ait pas été entièrement détruit dans les intervalles de repos. On verra aisément que ces intervalles, quoique réels, n'empêcheront pas la continuité apparente d'un mouvement qui n'est qu'un degré en 70 ans, et dont la révolution entière serait de 25,200. C'est là le plus long, sans comparaison, de tous les mouvemens observés jusqu'ici, et celui dont la cause paraît le plus devoir être rapportée aux tourbillons environnans.

141. Les observations astronomiques plus exactes, plus assidues et plus nombreuses aujourd'hui que jamais, commencent à faire découvrir, ou du moins à faire soupçonner que l'angle de l'équateur avec l'écliptique, que l'on avait toujours cru constant, diminue, ou, ce qui est le même, que l'équateur et l'écliptique se rapprochent. Cela se lierait aisément avec notre hypothèse présente. L'axe de l'écliptique, ou celui de la circulation de la terre, que nous avions supposé immobile, ne le sera pas parfaitement, et participera un peu au mouvement de l'autre axe, qui

est celui de l'équateur et de la rotation; ce qui est vraisemblable, car certainement ce nouveau mouvement, tel qu'il devrait être sur le pied de ce qu'on en connaît jusqu'ici, serait très-lent par rapport à l'ancien : sa révolution ne pourrait être aux 25,200 ans du mouvement apparent des fixes, que comme 1 à 205.

142. Cela ne conclut pas que l'écliptique, qu'on supposerait partie d'abord d'une position perpendiculaire à l'équateur, dût, dans le cours de 5 millions 166,000 ans, qui sont le produit de 25,200 par 205, s'approcher toujours de l'équateur, se mettre dans son plan, passer ensuite au-delà, et se remettre dans sa première position. Il se peut très-bien que l'écliptique ne s'avance vers l'équateur que jusqu'à un certain point, qu'ensuite elle retourne au point d'où elle était partie, et toujours ainsi de suite, en faisant des oscillations qui dureront des milliers d'années. Mais d'en vouloir deviner toutes les causes, ce serait trop s'abandonner aux conjectures.

143. En général, il est certain que l'ordre, l'uniformité, la constance, la longue durée des mouvemens célestes demandent un grand équilibre universel, qui se subdivise même en plusieurs équilibres particuliers. Un équilibre ne peut être formé que par deux forces égales. D'ailleurs, ces équilibres ne sont pas des repos, des cessations de mouvement; au contraire, ils s'accordent avec des mouvemens très-vifs, très-rapides, toujours sub⚫sistans. Il faut donc que des forces égales ne laissent pas de se combattre perpétuellement, en se balançant les unes les autres, et devenant alternativement supérieures et inférieures, du moins pendant de longues suites de siècles. Les équilibres et les oscillations seront les deux grands principes de la formation artificielle de l'univers.

SECTION IX.

Sur les Atmosphères des Corps célestes.

144. Nous avons vu que plusieurs planètes ont certainement des tourbillons particuliers, et qu'apparemment elles en ont toutes (95 et 96).

Outre cette enveloppe, quelques globes solides en ont certainement encore une autre. La terre, par exemple a son atmosphère formée tant par l'air, si nécessaire à tous les animaux que par les vapeurs et les exhalaisons qui sortent incessamment de la terre échauffée, soit par les feux souterreins, soit par le soleil, et s'élèvent jusqu'à une certaine hauteur qui n'est pas encore déterminée.

Au lieu que la matière éthérée, qui compose en général le

tourbillon solaire, est extrêmement fine, déliée et homogène, la matière atmosphérique est grossière, tantôt plus, tantôt moins, inégale en ses parties, inégale en différens temps, inégalement agitée. Une atmosphère est la région des orages et des tempêtes, des changemens les plus brusques et les plus violens, tandis que le mouvement de la matière éthérée est, quoique très-rapide, si égal et si réglé, qu'il imite le plus profond repos.

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Le globe de la terre ne peut avoir qu'une circulation solide et par conséquent tout ce qui en sortira, ou en sera élancé, prendra cette sorte de mouvement; et même ce qui ne fera que le toucher, ou n'en sera qu'à une certaine distance, prendra nécessairement aussi cette même circulation.

Le fait paraît bien certain. Si l'atmosphère de la terre a la même circulation que le globe qu'elle environne, elle aura dans ses différentes couches d'autant plus de vitesse, qu'elles seront plus élevées, et précisément dans la même raison. Si c'est le contraire, une couche supérieure ira plus ou moins vite que l'inférieure, selon quelque autre raison; et celui qui sera sur le sommet d'une montagne fort haute, sentira un vent qu'il n'aurait pas senti au pied de la montagne. Or, on sait par expérience que cela n'est pas. Donc l'atmosphère a la même circulation que le globe, ce qui est en effet très-naturel.

145. Les cercles concentriques de l'atmosphère, ceux, par exemple, que l'on imaginera tous dans le plan de l'équateur de. la terre prolongé, auront toujours des vitesses croissantes comme leurs rayons, que l'on doit concevoir croissans comme les nombres naturels. Il suffira ici de considérer seulement ces cercles posés dans le même plan que l'équateur terrestre, et qui ont la circulation solide. Certainement ils ne peuvent monter que jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du centre de la terre ; car il faut nécessairement que la circulation fluide de la pure matière éthérée recommence en quelque endroit. Il est possible et très-apparent qu'avant cela les deux circulations se seront mêlées, modifiées, altérées l'une l'autre ; car la matière éthérée est partout en plus ou moins grande quantité; mais enfin il y a quelque hauteur où elle recommence à être sans mélange de matière atmosphérique; et il faut voir si cette hauteur peut être en quelque sorte déterminée, ou seulement conjecturée.

146. Puisque le passage de la circulation solide de l'atmosphère à la fluide de la pure matière éthérée se fait perpétuellement et constamment, il faut qu'il se fasse sans trouble, sans chocs de mouvemens contraires, par des degrés les plus doux qu'il se puisse. D'abord la matière atmosphérique est plus atmosphérique à mesure qu'elle est plus basse, et toujours plus mêlée

de matière éthérée à mesure qu'elle s'élève davantage, ce qui, comme on voit, dispose tout le reste à n'être plus que matière éthérée.

D'un autre côté, il faudrait que la vitesse de la circulation solide et celle de la circulation fluide pussent venir à s'accorder dans quelqu'un des cercles supposés, c'est-à-dire, à y être égales, ou du moins peu inégales; et alors il y aurait une certaine hauteur, un certain cercle où se ferait le passage de la circulation solide, ou mêlée à la circulation entièrement fluide.

Mais sur cet article des vitesses, il ne paraît pas d'abord que les deux circulations puissent jamais se concilier. La solide est croissante comme les nombres naturels, la seconde décroissante en raison inverse des racines carrées de ces nombres, de sorte que l'une est toujours d'autant plus petite par rapport à l'autre, qu'elles sont plus avancées dans leur cours.

147. Cela sera toujours exactement vrai, et les deux vitesses ne pourront jamais s'accorder, si on conçoit qu'elles commencent l'une et l'autre par un même degré, c'est-à-dire, si la vitesse de la rotation du corps central, qui produit la circulation solide de l'atmosphère, est la même vitesse que celle qu'aurait eu la surface d'un globe de matière éthérée mis en la place du corps central, et mû, comme faisant partie du reste du tourbillon dont la vitesse est connue; mais la chose n'est pas dans ces termes-là. Le globe central de matière éthérée aurait eu une vitesse plus grande que celle du corps central qui détermine le premier degré de la circulation solide de l'atmosphère. Par exemple, la terre n'ayant par sa rotation en 24 heures que 1 de vitessse, on trouvera aisément que la dernière surface d'un globe égal de matière éthérée mis en sa place, aurait fait sa circulation en une heure, à en juger par la circulation que la lune, satellite de la terre, fait en 30 jours. Or, une heure est à 24 : : 1. 16. Donc, la dernière surface de matière éthérée aurait eu, par sa circulation fluide, 16 fois plus de vitesse que n'en a la terre par sa rotation. Or, il est possible que la vitesse croissante, qui commence par I, et la décroissante qui commence par 16, viennent à se rencontrer; du moins y aura-t-il un point de leur cours où elles seront moins inégales que partout

ailleurs.

148. Pour voir ce qui en est, ayant d'un côté tous les rayons et les vitesses de la circulation solide, qui sont 1, 2, 3, 4, 5, etc., je prends les mêmes rayons pour ceux de la circulation fluide, et j'ai pour vitesse correspondante à la vitesse i de la circulation solide, la vitesse 16 par ma supposition. De là je tire aisément,

16

par la règle de Képler, la vitesse, expression de la vitesse de la circulation fluide qui répond au cercle dont le rayon est 2. Enfin, toutes les vitesses de la circulation fluide, correspondantes 16 16 16 16 16

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etc.

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aux cercles 1, 2, 3, etc., sont suite toujours décroissante comme elle doit l'être, dont le numérateur constant est le nombre dont le rapport à 1 marque de combien la circulation fluide commencerait par une plus grande vitesse que la solide, et dont les dénominateurs sont les racines carrées des rayons des cercles communs aux deux circulations. Cela posé, il est visible que quand la vitesse de la circulation fluide est 8, elle est encore plus grande que 4, qui est √4

16

16

la vitesse correspondante de la circulation solide. Mais quand la première de ces vitesses est. = 5, elle est plus petite que la seconde qui est 9; et par conséquent entre les deux termes 4 et 9 de la circulation solide, et les correspondans de la fluide

16

16

et les vitesses des deux circulations ont passé par l'égalité.

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Ce passage a dû se faire entre les cercles qui avaient 6 et 7 pour

rayons.

149. Dans l'exemple présent, le rayon du premier cercle est le demi-diamètre de la terre, qui est de 1500 lieues; et par conséquent le rayon du sixième cercle, jusqu'où s'éten-, drait pour le moins l'atmosphère de la terre, sera de 9000 lieues.

150. Cette hauteur de l'atmosphère terrestre paraît excessive, surtout si on la compare aux 20 lieues qu'on lui a données d'abord sur le fondement de quelques expériences du baromètre. Mais il est certain que dans la suite on a été obligé, par différentes observations et par de nouvelles considérations, d'augmenter toujours cette hauteur, et qu'enfin un très-habile astronome vivant a osé la porter jusqu'à 10,000 lieues. Le tourbillon sera encore près de dix fois plus étendu ou plus haut, n'allât-il que jusqu'à la lune, où il pourrait bien ne se pas terminer; et sa grandeur peut empêcher que celle de l'enveloppe de la terre ne paraisse disproportionnée.

151. Mais on peut faire encore une réflexion plus appuyée sur la nature même des choses. L'atmosphère n'est presque, dans sa partie basse, qu'un amas confus d'air, de vapeurs et d'exhalaisons, le tout mêlé seulement d'autant de matière éthérée

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