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vient de l'extrême grandeur du diamètre du soleil, et de l'extrême vitesse qui règne dans l'endroit où il est placé.

122. Supposé qu'il n'y eût point eu de soleil, et que tout l'espace central égal à son globe n'eût été rempli que de matière éthérée, cette matière eût eu une circulation comme celle de tout le reste; et on trouvera que sa couche la plus élevée eût fait, selon la règle de Képler, sa circulation en deux heures 41'. Si le centre du soleil est jeté par les tourbillons environnans hors du centre de cet espace central, et jusqu'à la couche la plus élevée, le soleil aura une circulation de deux heures 41'. Mais une circulation si courte serait nulle pour nous. Il serait impossible de s'apercevoir que le soleil, revenu à la même place au bout de deux heures 41', en eût changé pendant cet intervalle de temps, sans compter qu'il n'y aurait aucun centre visible auquel on pût rapporter cette circulation. On ne s'est aperçu que depuis peu de la rotation du soleil, dont la durée est plus de deux cents fois plus longue.

123. Nous pouvons donc raisonnablement croire que le soleil fait quelque petite circulation, mais si petite, qu'on peut le supposer immobile à cet égard. C'est sur ce fondement que les Coperniciens établissent leurs calculs astronomiques qui procèdent fort bien. Le tourbillon est certainement elliptique (116), et ils mettent le soleil, non au centre, comme il serait dans un cercle, mais à un des deux foyers de l'ellipse. Il y a une infinité de différentes espèces d'ellipses : mais on prend l'ellipse ordinaire qui se règle par le simple rapport des deux axes; ce qui n'a pas empêché l'un des plus grands astronomes qui aient jamais été, Cassini, de proposer une ellipse d'une espèce plus composée, qui pouvait rendre les calculs plus exacts ou plus faciles, tant il reste encore d'incertitude sur ce sujet. Pour nous, il nous suffira de mettre le soleil dans un foyer d'une ellipse ordinaire, qui sera celle de tout notre tourbillon, mais sans savoir quel sera le rapport des deux axes de cette ellipse.

124. Peut-être croira-t-on d'abord que cette ellipse générale du tourbillon viendrait à se manifester par les orbites des planètes, qu'elle déterminerait à être de la même espèce qu'elle : mais il s'en faut bien, dans le fait, que cela soit ainsi.

La plus grande et la moindre distance de Mercure au soleil, sont entre elles à peu près comme 20 et 13; d'où il suit que son orbite est fort différente d'un cercle, et fort elliptique. Au contraire, dans l'orbite de Vénus ces deux distances sont à peu près comme 125 et 124'; ce qui fait le cercle presque parfait. Aussi les orbites de Mercure et de Vénus sont-elles, à cet égard, les deux extrêmes; et entre elles sont celles de Mars, de Saturne, de

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Jupiter, de la terre, ainsi rangées selon l'ordre de leur ellipticité décroissante. On entend bien que l'ellipticité générale du tourbillon solaire vient de la compression inégale des tourbillons environnans, et qu'il suffit, pour cet effet, que cette compression soit une simple tendance, dont il ne s'ensuivrait aucune action, aucun mouvement; mais il n'en va pas de même des ellipticités différentes des planètes; et il faut aller plus loin pour en entrevoir la cause.

125. Il faut se représenter les tourbillons environnans en nombre indéfini, grands et petits, ronds, ou à peu près; et à cause de cette figure et du plein, leurs interstices doivent être remplis de matière éthérée, qui apparemment y sera moins agitée que si elle avait son mouvement entièrement libre dans un seul tourbillon, comme le nôtre. Ce grand amas de tourbillons, et le nôtre y est compris, ont chacun leur force expansive particulière, différente, si l'on veut, de celle de tout autre; ils tendent tous à s'agrandir, et s'en empêchent tous réciproquement, du moins pendant quelque temps; mais il serait presque impossible que, dans un très-grand nombre de combats particuliers, l'équilibre parfait ne fût à la fin rompu en quelque endroit. Un tourbillon quelconque se sera étendu, en absorbant quelque portion de cette matière éthérée des interstices moins agitée; et dès lors le voilà devenu plus fort que tel autre tourbillon voisin, qui auparavant ne lui cédait pas; mais dans le même temps le tourbillon voisin, moins gêné par une moindre quantité de matière des interstices, peut en pomper assez pour devenir égal à l'autre, et l'équilibre est rétabli.

126. Il suit de là que la matière éthérée des interstices des. tourbillons peut n'être pas oisive et inutile au tout.

127. Il y a un second cas. Un tourbillon qui en touche un autre, ne peut tendre à s'agrandir, sans tendre en même temps à jeter de sa matière propre dans ce voisin ; et si cette tendance se réduit en acte, le plus fort s'affaiblit donc, et le plus faible se fortifie d'autant; et l'équilibre qui avait été rompu, se retrouve par la cause même qui l'avait rompu, tant la nature a été attentive et ingénieuse à le conserver.

128. On peut donc imaginer que l'univers, autant qu'il nous est connu, est un amas de grands ballons, de grands ressorts bandés les uns contre les autres, qui s'enflent et se désenflent, et ont une espèce de respiration et d'expiration successives, analogues à celles des animaux ; ce qui fera la vie de ce grand corps immense.

Il se pourrait même que ce que nous appelons ici la vertu élastique des corps, que nous observons fort en petit, fût quel

que chose de tout pareil; mais ce n'est pas le temps d'en parler. 129. Le plein ne permet pas que les tourbillons s'enflent tous, ou se désenflent tous en même temps; il faut nécessairement que les uns s'enflent, tandis que les autres se désenflent, et cela avec toute la précision possible; mais on voit bien que c'est le plein même qui la cause. De plus, il se peut fort bien qu'un même tourbillon s'enfle d'un côté, et se désenfle du côté opposé le tourbillon qui le touche à l'est, sera plus fort que lui; et celui qui le touche à l'ouest, plus faible.

130. Dans les petites machines des animaux, l'inspiration ne dure qu'un temps fort court, et l'expiration un autre temps égal. Mais il ne serait nullement impossible qu'il y eût un animal dont l'inspiration et l'expiration durassent chacune un quartd'heure, une demi-heure, etc. Cela n'a point de bornes, et il semble qu'il ne faudrait qu'augmenter à proportion les organes et la machine de l'animal. Du moins est-il certain que, quand notre tourbillon serait terminé à Saturne, ce qui pourrait bien n'être pas, un espace de trois cent millions de lieues ne sera pas traversé en peu de temps: il en faudra d'autant plus, que ces jets de matières étrangères dans notre tourbillon, n'y peuvent pénétrer, sans combattre et sans surmonter un mouyement très-rapide de sa matière propre.

131. Cela même pourrait faire naître quelque difficulté ; mais on ý répondrait suffisamment par l'exemple des grosses rivières qui pénètrent dans la mer, lors même que son mouvement est le plus contraire au leur, et qui y forment des courans bien sensibles et bien marqués dans l'étendue de quelques lieues.

132. On ne peut imaginer ces jets de matière étrangère, que comme étant d'un assez gros volume, et du moins dans la proportion des courans des rivières à la mer où ils entrent. Mais nous ne proposons jusqu'à présent que de simples conjectures sur la communication des tourbillons étrangers, avec le nôtre; et il faut attendre la connaissance de quelques faits bien constatés, pour arriver à quelque chose de moins vague et de plus déterminé. Qu'il nous soit permis cependant de suivre notre hypothèse jusqu'où elle peut aller, et de voir quel est son degré de vraisemblance.

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133. Le tourbillon solaire reçoit, non de toutes parts, mais de plusieurs endroits de sa circonférence, des jets de matière étrangère, qui ont des directions différentes, et souvent oppo

sées, ou, à peu près, prises deux à deux. Lui-même il en peut

rendre aux tourbillons environnans, différens de ceux dont il en reçoit ; et au lieu que les premiers jets avaient leur direction de sa circonférence à son centre, ces seconds auront la leur du

centre à la circonférence. Ces courans, qui ne doivent faire qu'un petit volume par rapport au volume total du tourbillon, sont séparés les uns des autres par d'assez grands intervalles ; ils peuvent avoir des vitesses différentes jusqu'à un certain point. Maintenant, que l'on conçoive les couches qui portent nos six planètes, et qui, dans un milieu parfaitement uniforme, auraient eu un cours parfaitement circulaire; peuvent-elles l'avoir encore dans un milieu inégal et mêlé, tel que nous venons de le représenter? Pourraient-elles même conserver leur figure sphérique sans altération, surtout quand elles seraient attaquées par des courans différens de la manière exposée dans les articles 117 et 120? Voilà le principe général des différentes ellipticités des planètes, promis dans l'article 124. Il est aisé de voir en gros, d'un seul coup d'œil, qu'il en doit naître un prodigieux nombre de variétés possibles. C'en sera une, et peut-être la plus singulière de toutes, que l'ellipse ou orbite de Vénus seule restée cercle presque parfait (124).

134. On sait par observation à quels lieux du firmament répondent dans les orbites planétaires les aphélies, ou plus grandes distances de chaque planète au soleil. Ceux de Mercure, de Vénus et de Saturne sont dans le sagittaire; celui de Mars dans la vierge, de la Terre dans le capricorne, de Jupiter dans la balance. Ainsi, tous les aphélies sont compris dans la région du ciel, qui s'étend depuis la vierge jusqu'au capricorne; et il n'y en a point hors de ces cinq signes, c'est-à-dire, que les jets ou courans ont plus de force dans toute cette grande partie du ciel que dans l'autre presque égale, puisqu'il y en a une correspondante où les ellipses planétaires sont le plus ellipses par rapport au soleil. Cela est assez conforme à l'hypothèse des jets.

135. Les aphélies sont fixes, ce qui marque qu'il y a partout des équilibres établis, du moins pour de longues durées.

136. Il n'est pas impossible, et peut-être est-il nécessaire pour l'espèce de vie qu'a l'univers, que ces équilibres finissent, tantôt dans un endroit, tantôt dans l'autre. Un tourbillon qui, pendant plusieurs siècles, aura jeté dans les tourbillons voisins et reçu d'eux une égale quantité de matière, viendra enfin, par quelque cause que ce soit, à en jeter plus qu'il n'en recevra, et à se vider peu à peu. Alors il ne pourra plus se soutenir comme les autres; et le corps solide ou soleil qu'il avait à son centre, et qui certainement sera demeuré le dernier en sa place, en sera chassé, et ira errant par les interstices des tourbillons, où il ne trouvera presque aucune résistance. Ce sera là une comète; et l'on pourrait suivre cette idée, si l'on voulait, et la rendre assez vraisemblable; mais je doute que l'on sache encore assez l'histoire

des comètes; du moins, pour moi, je suis dans le cas de ne l'avoir pas assez étudiée. Je ne puis cependant m'empêcher de dire que, quand on fait décrire aux comètes des ellipses infinies ou presque infinies, dont notre soleil est un des foyers, il me semble que c'est là un reste du système de Ptolomée, bien naturel à la vérité, où l'on se fait le centre de tout. Il n'y a point de mouvement céleste qui ne puisse être rapporté par nous à tel point du ciel qu'il nous plaira : mais afin qu'il s'y rapporte naturellement, il faut du moins que ce point soit dans le plan d'une couche décrite autour de lui par le corps mû. Or, on ne peut savoir qu'une courbe soit circulaire, ou au moins rentrante, si l'on n'a vu le même corps y revenir; mais on n'est pas encore sûr d'avoir vu deux fois la même comète. Maintenant que l'on observe, et en plus de lieux, et mieux que jamais, on commence à croire qu'il y a des comètes tous les cinq ans et demi : en voilà beaucoup; et plus il y en aura, moins il y aura d'apparence qu'elles décrivent toutes des courbes autour du soleil, et plus il sera difficile de reconnaître celles qui seraient les mêmes. Ne précipitons rien, s'il se peut.

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137. Il y a un fait bien constaté en astronomie, dont la cause telle que nous l'imaginons, en conséquence de tout ce qui a été dit, serait l'émission des jets.

Anciennement on croyait les étoiles fixes, absolument ; et on y était assez bien fondé : mais on s'est aperçu, il y a environ deux mille ans, qu'elles ont un mouvement, non pas mouvement qui les fasse changer de place entre elles, mais qui les fait aller toutes ensemble d'occident en orient, toujours parallélement à l'écliptique ou orbite de la terre ; de sorte que l'étoile de la constellation d'Aries, qui était autrefois à l'intersection de l'écliptique et de notre équateur, n'y est plus, mais s'est avancée vers l'orient, sans sortir du cercle de l'écliptique, et ainsi de toutes les autres étoiles du firmament. Cela est assez connu.

138. Si l'on conçoit que les plans de la circulation et de la rotation de la terre, qui naturellement ne doivent être le que même (114), viennent à se détacher l'un de l'autre, et par con→ séquent aussi leurs axes, il n'importe encore comment. Si, de plus, on conçoit que l'axe de l'équateur se meuve et décrive un cercle autour de l'axe de l'écliptique immobile, il est certain que le mouvement des fixes sera vu de la terre, tel qu'il a été représenté dans l'article précédent; il sera toujours parallèle à l'écliptique; les fixes ne conserveront point les mêmes distances à l'égard de l'équateur, etc. Il ne faut qu'un peu d'attention pour s'en

convaincre.

139. Mais quelle sera la cause qui séparera les deux axes? Un

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