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75. La circulation et la rotation ne tiennent ensemble, et ne communiquent, pour ainsi dire, que par l'endroit marqué dans l'article 69: du reste, elles sont tout-à-fait indépendantes l'une de l'autre. La circulation sera très-prompte, et la rotation trèslente, et peut-être nulle, si le globe est placé fort près du centre du tourbillon, et n'a qu'un fort petit diamètre. Au contraire, la circulation sera très-lente et la rotation très-prompte, si le globe est placé loin du centre du tourbillon, et a un fort grand diamètre. Il peut se mêler encore à tout cela le principe inconnu de l'article précédent.

76. Si le globe était placé en tel lieu, ou que son diamètre fût tel par son peu de grandeur, qu'il ne pût recevoir des impulsions assez inégales pour causer une rotation parfaite, il n'y en aurait donc alors qu'une imparfaite, c'est-à-dire, des oscillations, des balancemens.

Je n'ai aucunement parlé de la rotation du soleil, parce que jusqu'ici il a toujours été supposé parfaitement immobile au centre d'un tourbillon parfaitement sphérique.

SECTION VI.

Du Tourbillon dans un Tourbillon.

77. JE suppose qu'un tourbillon de la même nature que notre tourbillon solaire, mais moindre, soit placé dans ce grand tourbillon ; et pour soulager l'imagination qui pourrait être elfrayée d'un fluide qui ne se mêlerait ni ne se confondrait avec un autre fluide plus grand et plus fort, je feins que le petit est enfermé dans une enveloppe quelconque, contre laquelle il exerce sa force particulière centrifuge ou expansive, qu'il a en tout sens. On voit que ce cas est fort différent de celui des articles 57, 58, etc.

Je conçois de plus que, dans quelque endroit du grand tourbillon où soit le petit, il a toujours, comme le corps solide de l'article 68, deux diamètres, le premier et le second, qui se coupent à angles droits, et les mêmes quatre points déterminés, occident, orient, nord et sud. Le haut et le bas se prendront toujours par rapport au centre du grand tourbillon, qui en est le lieu le plus bas; et par conséquent l'hémisphère du petit tourbillon, dont le point nord est le point du milieu, sera l'hémisphère supérieur de ce tourbillon, et l'autre l'inférieur.

78. Le petit tourbillon posé dans le grand, n'est pas absolument sans force, comme était le corps solide de la section précédente; il a nécessairement sa force centrifuge ou expansive, puisqu'il est tourbillon. Le grand a pareillement la sienne; et ce

sont deux forces de même espèce, qui peuvent, ou s'accorder ou se combattre. En quelque endroit du grand tourbillon que le petit soit posé, l'hémisphère supérieur de ce dernier exerce sa force expansive de bas en haut, selon ce qui a été dit dans l'article précédent, et le grand tourbillon exerce aussi la sienne selon la même direction. Les deux forces ne se combattent donc pas là ; elles s'uniraient plutôt. Mais l'hémisphère inférieur du petit tourbillon exerce sa force expansive de haut en bas, et le grand exerce toujours la sienne selon sa même direction de bas en haut. C'est là uniquement que les deux forces sont antagonistes. Si celle du petit tourbillon est la plus grande, les couches du grand, qui sont au-dessus de lui, lui cèdent, et il descend; si c'est le contraire, il monte.

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79. Il ne sera pas tout-à-fait hors dè propos de remarquer ici qu'il peut donc y avoir dans la nature une pesanteur entièrement fondée sur les mêmes principes que celle qui nous est si connue sous ce nom, et qui fasse monter les corps comme l'autre les fait descendre, tant ils sont indifférens d'eux-mêmes à l'un ou à l'autre mouvement.

80. La force du petit tourbillon contre le grand, est toujours égale, puisque c'est toujours la force expansive de tout son hémisphère inférieur, soit qu'il monte, soit qu'il descende. Mais. dans l'un et l'autre cas la force antagoniste du grand tourbillon varie; car il y a toujours un plus grand où un plus petit nombre de ses couches qui agissent.

81. Il n'est guère possible que, dans la vaste étendue du tourbillon solaire, il n'y ait quelque endroit où un certain nombre de ses couches prises depuis le centre, aient une force expansive égale à celle de l'hémisphère inférieur du petit tourbillon. Quand il arrivera là, soit en montant, soit en descendant, il s'arrêtera, non pas dans le moment, mais parce qu'en montant ou en descendant il aura acquis de la vitesse; il fera quelques uscillations, c'est-à-dire, qu'il ira au-delà du point de l'équilibre, en reviendra, etc., jusqu'à ce qu'au bout de quelque temps il s'arrête parfaitement à ce point.

82. Je ne prétends pas que les choses se soient passées précisément de cette manière. Il y a infiniment plus d'apparence que, dès le premier temps de la création, tout a été mis dans les équilibres nécessaires pour la durée des grands mouvemens qui s'allaient exécuter. L'univers est un ouvrage de l'art, mais de l'art d'un Dieu.

83. Il n'est pas à craindre que le petit tourbillon, arrêté dans le grand, vienne à se confondre avec lui, ou à en être absorbé. Ce n'est point l'enveloppe supposée dans l'article 77, qui y met

obstacle; c'est que le grand et le petit tourbillon ont des forces égales précisément dans le seul endroit par où ils peuvent s'attaquer. L'enveloppe était purement imaginaire, et il la faut rejeter. Nous savons déjà, par une longue expérience, que les équilibres qui entrent dans la constitution de l'univers, sont d'une grande durée.

84. On peut imaginer aussi, si l'on veut, que les deux fluides sont analogues à l'eau et à l'huile, et immiscibles comme ces deux liqueurs. Il est certain que la matière éthérée du grand tourbillon est toute de la même nature (36): il serait fort possible que celle du petit fût tout entière aussi d'une autre nature, qui la rendrait immiscible avec celle du grand. Il semble même qu'il peut y avoir une infinité de fluides, qui, pris deux à deux, soient immiscibles, et cela encore à différens degrés.

85. Le petit tourbillon arrêté dans le grand par cet équilibre qu'il y a rencontré, peut encore n'être pas arrêté exactement : il ne changera pas de couche, l'équilibre ne le permet pas; mais il changera de cercle dans cette même couche, et voici pourquoi. Il faut se rappeler ici entièrement l'article 50. Si le centre du petit tourbillon était posé dans la couche du grand, qui passe par ce que nous avons nommé ses pôles, il est clair que la surface supérieure du petit tourbillon serait couverte d'arcs de cercles, qui tous, à compter depuis les pôles jusqu'à leur équateur, auront toujours des directions plus parfaites d'occident en orient; ce qui est le mouvement général du grand tourbillon. L'impulsion que recevra le petit d'occident en orient, sera donc inégale, quant à la perfection des différentes directions; et comme il en résultera une moyenne, qui sera certainement plus parfaite que la première qu'il a eue, il sera donc poussé vers l'équateur de la même couche où il était ; et il y arrivera, si rien ne l'en empêche.

86. Il pourrait même, sans obstacle étranger, n'arriver pas jusques-là; car, comme c'est l'inégalité de la perfection des directions qui fait l'effet dont il s'agit ici, et que cette inégalité va toujours en diminuant depuis les pôles, elle peut être devenue si petite un peu en deçà de l'équateur, qu'elle ne sera plus capable de cet effet, surtout si le tourbillon n'est pas assez grand pour recevoir deux impressions suffisamment inégales.

87. Voilà donc le petit tourbillon placé dans une certaine couche du grand, et dans un certain lieu de cette couche, d'où il ne peut plus sortir, et il ne peut plus qu'être emporté par cette couche, qui circule d'occident en orient. Mais pourvu qu'il soit d'une grandeur suffisante, ce qui apparemment ne manque jamais, il aura nécessairement les deux extrémités de son dia

mètre, que nous appelons le second, placées dans deux couches différentes en forces impulsives, et il sera précisément dans le cas du globe solide de l'article 68 : donc, il aura une rotation en même temps qu'il circulera.

88. Nous n'avons point encore considéré l'intérieur du petit tourbillon; mais puisqu'il est tourbillon, il a par lui-même une circulation générale, selon une direction quelconque qui lui est propre. Si la rotation qu'il reçoit du grand, et qui ne peut être que d'occident en orient, est très-forte, et si sa circulation particulière était d'orient en occident, et assez forte aussi, il serait impossible que la rotation extérieure et la circulation intérieure ne s'altérassent mutuellement. On voit assez l'infinité de cas moyens qui naîtraient de la combinaison de ces principes mais dans ceux même où la rotation et la circulation seraient fort différentes, un autre principe empêcherait que cela ne pût subsister long-temps. C'est l'extrême différence qu'il y aurait toujours entre la masse du petit tourbillon et la masse du grand, conspirante toute entière à donner au petit, jusques dans son intérieur, la direction d'occident en orient. Le petit tourbillon de Jupiter est le seul auquel nous puissions appliquer cette considération. Qu'on en prenne le demi-diamètre, en le poussant même au-delà du quatrième satellite, et qu'on le compare au demi-diamètre du tourbillon solaire, qui est au moins de trois cent millions de lieues, et l'on verra quelle sera l'énorme différence des cercles, ou des sphères formées sur ces deux demidiamètres. Aussi la rotation et la circulation du tourbillon de Jupiter ont-elles à très-peu près la même direction que le tourbillon solaire.

89. En ce cas-là même où le grand tourbillon changerait entièrement la direction propre et originaire du petit, ce changement ne porterait que sur cette direction, et non sur la vitesse de la circulation du petit, si ce n'est que dans le temps où le changement s'opérerait, il arriverait quelque légère perte de vitesse aux deux tourbillons; mais cela fait, le petit pourrait conserver une vitesse de circulation intérieure, fort différente de celle du grand. Il suffira que sa force expansive totale soit égale à celle d'un volume égal de matière éthérée dans l'endroit du grand tourbillon où il sera placé. Tous les mouvemens les plus violens qu'on puisse faire dans un vaisseau, et les plus opposés à la route, n'y nuisent point.

90. Rien n'empêche que le petit tourbillon ne porte à son centre un globe solide qui y sera immobile, comme nous avons toujours supposé jusqu'à présent que l'était le soleil au centre de notre tourbillon. Seulement il faut considérer que ce globe solide,

qui ne contribue rien à la force expansive du tourbillon, et tient la place d'une matière éthérée qui y eût contribué, affaiblit donc le tourbillon à cet égard, et d'autant plus qu'il est gros, et par conséquent qu'il faut que ce petit tourbillon en ait d'autant plus de matière éthérée, ou soit plus grand.

91. Rien n'empêche non plus que le petit tourbillon n'ait partout ailleurs qu'à son centre un globe solide; et il donnera à ce globe son mouvement de circulation. Le petit tourbillon est parfaitement, à cet égard, de la même condition que le grand. C'est ainsi que la lune, renfermée dans le tourbillon de la terre, circule autour d'elle. La lune est appelée satellite de la terre.

92. Un petit tourbillon peut même avoir plusieurs satellites qui circulent autour du globe central, ou de la planète principale. Le tourbillon de Jupiter en a quatre, et celui de Saturne cinq.

93. C'est par les satellites que l'on juge sûrement que les planètes qui en ont, ont aussi un tourbillon particulier : un seul satellite suffira pour cette preuve; mais pour savoir si les satellites suivent dans leur circulation autour de leurs planètes principales les mêmes lois que les planètes principales dans leur circulation autour du soleil, dont elles sont véritablement satellites, il en faut plus d'un. Ainsi, il n'y a que ceux de Jupiter et de Saturne qui puissent servir à cette recherche. Or, il est sûr, , par les observations, que, dans l'un et l'autre tourbillon, les satellites suivent la règle de Képler. Donc (36), dans chacun de ces deux tourbillons la matière éthérée y est, ou absolument homogène, ou de la même hétérogénéité.

94. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'elle soit, ou la même que la matière du grand tourbillon, ou de la même hétérogénéité, et encore moins qu'elle soit la même dans les deux petits tourbillons.

95. Mercure, Vénus et Mars n'ont point de satellites; mais ce n'est pas une preuve que ces planètes n'aient pas de tourbillon. Il est évident que les satellites ne sont nullement nécessaires pour en constituer un, mais seulement pour nous marquer qu'il y en a un. Si ces planètes manquaient de satellites, elles seraient absolument dans le cas du globe solide de l'article 57, et pourraient venir à se trouver dans celui de l'article 66, c'est-à-dire qu'elles n'auraient point de tourbillon mais il est plus apparent et plus conforme à l'analogie générale, qu'elles n'en soient pas dépourvues.

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96. La même raison aura lieu pour les satellites des planètes. 97. Si la terre avait un second satellite, il y a toute apparence que les révolutions des deux garderaient entre elles la

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