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se trouva; ear peut-êtré n'est-il pas hors de propos de rapporter les plus petites choses, surtout parce qu'en fait de compagnies elles peuvent devenir importantes, il se trouva que les savans de différentes espèces, un géomètre, par exemple, et un anatomiste furent voisins; et comme ils ne parlent pas la même langue, les conversations particulières en furent moins à craindre.

Dans cette assemblée, qui fut la première de la nouvelle académie, le premier soin fut celui de la reconnaissance que l'on devait à M. de Pontchartrain. Il fut résolu unanimement que la compagnie en corps, présidée par M. l'abbé Bignon, irait le remercier très-humblement du réglement qu'il avait eu la bonté d'obtenir du roi, et lui demander la continuation de sa protection. Ce ministre engagea encore la compagnie à une nouvelle reconnaissance par la manière dont il la reçut. Quand elle s'en alla, il lui fit l'honneur de la reconduire jusqu'à sa cour, et de ne point rentrer dans son appartement, qu'elle n'en fût entièrement

sortie.

Quelques jours après, on résolut que l'académie irait par députés remercier aussi M. l'abbé Bignon de la part qu'il avait eue au nouveau réglement, et des extrêmes obligations qu'on lui avait depuis long-temps. On prit, pour proposer et pour régler cette députation, un jour qu'heureusement M. l'abbé Bignon n'était pas à l'assemblée, et l'on jugea nécessaire d'arrêter que le secret serait inviolablement gardé jusqu'à l'exécution,

I1 y eut d'abord quelques séances qui se passèrent uniquement à se mettre dans la nouvelle forme que le réglement prescrivait.

On travailla ensuite à trouver un sceau et une devise pour la compagnie.

Le sceau fut un soleil, symbole du roi et des sciences, entre trois fleurs-de-lys; et la devise une Minerve environnée des instrumens des sciences et des arts, avec ces mots latins, invenit et perficit.

Mais entre toutes ces séances, où il ne fut question que de préliminaires, la plus remarquable fut celle où tous les académiciens, pensionnaires déclarèrent par écrit quel était l'ouvrage auquel ils travailleraient, et en quel temps ils espéraient l'avoir fini. Ce fut une espèce de vœu qu'ils firent à cette nouvelle naissance de la compagnie ; et la plupart des associés et des élèves en firent autant, quoiqu'ils n'y fussent pas obligés. Quelques académiciens ont déjà satisfait à leur engagement, et leurs ouvrages ont paru.

Tous les académiciens présens nommèrent aussi les différentes personnes avec qui ils seraient en commerce sur les matières de

sciences, soit dans les provinces, soit dans les pays étrangers; et le secrétaire expédia de la part de la compagnie des lettres à tous ces correspondans, pour les prier d'entretenir ce commerce avec régularité.

On s'apercevait aisément que ces préliminaires, quoiqu'indispensables, paraissaient languissans à la compagnie, impatiente d'en venir à un travail sérieux. Elle y vint enfin, et désormais son histoire ne roule plus que sur des observations et des raisonnemens proposés dans les assemblées.

Il reste cependant encore un fait que la reconnaissance, et même la gloire de l'académie, rendent absolument nécessaire dans son histoire. C'est une nouvelle grâce qu'elle reçut du roi. Il lui donna un logement spacieux et magnifique dans le Louvre, au lieu de la petite chambre serrée qu'elle occupait dans la bibliothéque; et la première assemblée d'après Pâques, qui, selon le réglement donné en février, fut publique, se tint dans ce nouveau logement.

ÉLOGES

DES ACADÉMICIENS

DE

- L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,

MORTS DEPUIS L'AN M. DC. XCIX.

AVERTISSEMENT.

CHACUN des Éloges suivans a été lu dans la première assemblée publique qui s'est tenue après la mort de l'académicien. Ainsi l'on y peut trouver certaines choses qui n'aient rapport qu'au temps de cette lecture.

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CLAUDE BOURDELIN, né d'honnêtes parens à Ville-Franche près de Lyon en 1621, perdit son père et sa mère étant encore trèsjeune, et fut amené à Paris. Abandonné à sa propre conduite dans un âge et dans un pays fort dangereux, il apprit de luimême le grec et le latin, dans la vue de s'attacher à la pharmacie et à la chymie, qui ont fait ensuite son unique occupation pendant près de cinquante-six années.

Il s'acquit en assez peu de temps une grande réputatión, nonseulement pour l'exacte et fidèle préparation des remèdes qu'il distribuait à tout le monde à un prix égal et très-modique, mais encore pour la connaissance des maladies, sur lesquelles il donnait, sans aucune récompense, des conseils modestes, et souvent heureux. Quoiqu'il ne promît jamais la santé à un malade, avec une certaine assurance, on ne laissait pas d'avoir une extrême confiance en lui. Il n'approuvait point la saignée, hormis dans l'apoplexie de sang; et on lui a vu guérir, sans ce secours, quantité de maladies aigües, inflammatoires, comme des pleurésies, des fluxions de poitrine, des esquinancies, etc.

Quand l'académie royale des sciences fut formée en 1666 par Colbert, qui apporta tous ses soins au choix des sujets, Bourdelin y fut mis en qualité de chymiste, et aussitôt il travailla avec du Clos à l'examen des eaux minérales du royaume. Il fit ensuite un très-grand nombre d'expériences sur les mélanges des sucs des plantes, ou des esprits et des sels minéraux, avec le sang artériel ou veineux, ou avec la bile, le fiel, la lymphe des animaux. Il a suivi avec toute la diligence et l'exactitude possible l'analyse de toutes les plantes qu'il a pu recouvrer, et a beaucoup contribué à la perfection de cette méthode, dont l'académie a voulu voir le fond. Il a même tenté l'analyse des huiles par des moyens de son invention, et qui peuvent beaucoup servir à connaître cette partie des mixtes. Enfin il a fait voir à l'académie près de deux mille analyses de toutes sortes de corps, et a exécuté ou inventé la plus grande partie des opérations chymiques qui ont été faites dans cette compagnie pendant plus de trente-deux ans.

Il mourut le 15 octobre 1699, âgé de près de quatre-vingts ans. Il reçut la mort avec toute la fermeté d'un homme de bien. Il a laissé deux fils, tous deux académiciens, l'un de l'académie des sciences, l'autre de celle des inscriptions.

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