Il met chez lui voisins, parents, amis, en fuite; Défier aux chansons les oiseaux dans les bois : L'homme seul, qu'elle éclaire, en plein jour ne voit goutte, Réglé par ses avis, fait tout à contre-temps, Et dans tout ce qu'il fait n'a ni raison ni sens. 4 Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l'oblige;" 1. Indoctum doctumque fugat recitator acerbus. 5 (HORACE, Art poétique, v. 474.) 2 L'abbé Cotin, dit Brossette, avait effectivement une servante et n'avait point de valet. Piron fait dire à Francaleu dans la Métromanie, acte III, scène xi Je me cramponne après le premier que j'attrape; L'auditeur entendra ma pièce jusqu'au bout. 2. Goutte se joint à la négation, pour lui donner plus d'énergie, comme pas point et anciennement mie, ces mots exprimant une petite quantité en général et voulant dire qu'il n'y a goutte, pas, point, miette de la chose dont il s'agit. (LITTRE, Dictionnaire de la langue française.) 3. « Moy qui m'espie de plus près, qui ay les yeulx incessamment tendus sur moy comme celuy qui n'a pas fort à faire ailleurs, à peine oserois-je dire la vanité et la foiblesse que je treuve chez moy: j'ay le pied si instable et si mal assis, je le treuve si aysé à crouler et si prest au branle et ma vue si desréglée, que à jeun je me sens aultre qu'après le repas; si ma santé me rid et la clarté d'un beau jour, me voylà honneste homme; si j'ay un cor qui me presse l'orteil, me voylà renfrongné, mal plaisant, et inaccessible. Un même pas de cheval me semble tantost rude, tantost aysé; et mesme chemin, à cette heure plus court, une aultre fois plus long; et une mesme forme, ores plus, ores moins agréable. Maintenant je suis à tout faire, maintenant à rien faire; ce qui m'est plaisir à cette heure me sera quelquefois peine. Il se faict mille agitations indiscrètes et casuelles chez moy; ou l'humeur mélancholique me tient, ou la cholérique; et c'e son auctorité privée, à cette heure le chagrin prédomine en moy, à cette heure l'alaigresse.» (MONTAIGNE, livre II, chap. XII.) 4. Diruit, ædificat, mutat quadrata rotundis. (HORACE, livre I, épître 1, v. 100.) 5. Bien des gens croient que, lorsqu'on se trouve treize à table, il y a toujours dans l'année un des treize qui meurt, et qu'un corbeau aperçu dans l'air présage quelque chose de sinistre. (BOILEAU, 1713.) Lui venir, comme au dieu des saisons et des vents, Trembler aux pieds d'un singe assis sur leurs autels Mais pourquoi, diras-tu, cet exemple odieux? Un stupide animal, sujet à mille maux; Dont le nom seul en soi comprend une satire! Oui, d'un âne : et qu'a-t-il qui nous excite à rire? 4 1. Desmarets et Pradon prétendaient qu'il fallait dire l'homme hypocondriaque, l'hypocondre étant le siège de la maladie. Longtemps après cette critique, Despréaux consulta l'Académie française à ce sujet. Ses confrères partagerent son opinion, à l'exception de l'abbé de Clérambaut, fils aîné du maréchal, et de Saci, traducteur de Pline le Jeune. « Je m'attendais bien, disait-il, à être condamné; car outre que j'avais raison, c'était moi... >> 2. Quis nescit, Volusi Bithynice, qualia demens 3. Garnis de rubans, passements, dentelles, velours, etc., etc. Chamarre, nom ancien que nous avons remplacé par simarre. Fût-il tout harnaché d'ordres et de chamarres. (VICTOR HUGO, Ruy Blas, acte I, scène 11.) 4. Cela fait image· il semble voir le hideux squelette galoper en croupe avec le médecin. (AMAR.) Ou qu'il voit la Justice, en grosse compagnie, 3 SATIRE IX3. (1667) LE LIBRAIRE AU LECTEUR. Voici le dernier ouvrage qui est sorti de la plume du sieur D***. L'auteur, apres avoir écrit contre tous les hommes en général 6, a cru qu'il ne pouvait mieux finir qu'en écrivant contre lui-même, et que c'était le plus beau champ de satire qu'il pût trouver. Peutêtre que ceux qui ne sont pas fort instruits des démêlés du Parnasse, et qui n'ont pas beaucoup lu les autres satires du même auteur, ne verront pas tout l'agrément de celle-ci, qui n'en est, à bien 1. C'est le jour des grandes audiences. (BOILEAU, 1713.) 2. La langue du XVIIe siècle admettait ce mot sans scrupule; nous sommes devenus plus délicats. 3. Esclave phrygien qu'on suppose avoir vécu au vi° siècle avant notre ère; on lui attribue des fables connues sous son nom. 4. Boursault critique aigrement cette fin. Il termine (Satire des satires) en disant: Par les bas sentiments de la dernière page Il avilit sa plume et salit son ouvrage. "Quel emportement, s'écrie Desmarets, faire jurer ma foi à un âne!... Ce n'est pas le moyen de parvenir à la réputation d'être bon poète que de vouloir si fort nous égaler aux bêtes. » -Le Brun dit au contraire que ce dernier trait est digre de La Fontaine. (BERRIAT-SAINT-PRIX.) 5. Cette satire est entièrement dans le goût d'Horace, et d'un homme qui se fait son procès à soi-même, pour le faire à tous les autres. (BOILEAU, 1713.) C'est une imitation d'IIorace, satire vII. livre II. Pradon dit: " Quoique ce soit le meilleur des ouvrages de Boileau, il y montre sa stérilité, en répétant toujours les mêmes noms des gens qu'il attaque. 6. Dans la satire VIII. : parler, qu'une suite. Mais je ne doute point que les gens de lettres, et ceux surtout qui ont le goût délicat, ne lui donnent le prix comme à celle où il y a le plus d'art, d'invention et de finesse d'esprit. Il y a déjà du temps qu'elle est faite l'auteur s'était en quelque sorte résolu de ne la jamais publier. Il voulait bien épargner ce chagrin aux auteurs qui s'en pourront choquer. Quelques libelles diffamatoires que l'abbé Kautain 1 et plusieurs autres eussent fait imprimer contre lui, il s'en tenait assez vengé par le mépris que tout le monde a fait de leurs ouvrages, qui n'ont été lus de personne, et que l'impression même n'a pu rendre publics. Mais une copie de cette satire étant tombée, par une fatalité inévitable, entre les mains des libraires, ils ont réduit l'auteur à recevoir encore la loi d'eux. C'est donc à moi qu'il a confié l'original de sa pièce, et il l'a accompagné d'un petit discours en prose 2, où il justifie, par l'autorité des poètes anciens et modernes, la liberté qu'il s'est donnée dans ses satires. Je ne doute point que le lecteur ne soit bien aise du présent que je lui en fais. A SON ESPRIT. C'est à vous, mon Esprit, à qui je veux parler. On croirait à vous voir dans vos libres caprices 1. Cotin. 3 1 2. Ce Discours sur la satire est dans les OEuvres en prose. Frédéric II, roi de Prusse, dans une Epître à son esprit, a essayé comme Boileau de justifier sa conduite. 3. Cette locution à vous... à qui, blâmée par tous les commentateurs, se retrouve dans Molière: «... Mais, madame, puis-je au moins croire que ce soit à vous à qui je doive la pensée de cet heureux stratagème... » (L'Amour médecin, acte III, scène vi), dans Buffon et dans d'autres écrivains. Dans le Misanthrope, acte II, scène v, on lit : Que de son cuisinier il s'est fait un mérite, Dans Sganarelle, 16: Et je le donnerais à bien d'autres qu'à moi, Cette construction est bien vieille : Par la croix où Dien s'estendy C'est à vous à qui je vendis Six aulnes de drap, maitre Pierre. (L'Avocat Palelin.) Il paraît, d'après Louis Racine, allégué par Le Brun, que Boileau préférait le vers plus naturel avec cette espèce de faute qui est un parisianisme. Décider du mérite et du prix des auteurs, Mais moi, qui dans le fond sais bien ce que j'en crois, Mais répondez un peu. Quelle verve indiscrète Que si tous mes efforts ne peuvent réprimer Cet ascendant malin qui vous force à rimer, 3 Sans perdre en vains discours tout le fruit de vos veilles, 1. Avocat célèbre et très mordant. (BOILEAU, 1713.) Il était surnommé Gautier-la-Gueule ; il mourut le 15 septembre 1666. (M. CHÉRON.) 2. Si paulum a summo discessit, vergit ad imum. (HORACE, Art poétique, v. 375.) 3. Voilà un des jugements de Boileau qui lui a été reproché avec beaucoup d'aigreur: « Le goût de Boileau pour Voiture est une énigme pour ceux qui adoptent ses autres jugements toujours si équitables. » (D'ALEMBERT.) On peut dire avec M. Victor Cousin, pour expliquer cette louange certainement outrée, que : Voiture a été admiré de ses contemporains les plus spirituels et les plus difficiles. La Fontaine le met au nombre de ses maîtres (mais avec une mauvaise note). Mme de Sévigné l'appelle un esprit libre, badin, charmant ». On peut voir dans la Jeunesse de madame de Longueville, chapitre II, une appréciation ingénieuse du talent de Voiture. - Boileau, dans sa lettre à Perrault, fait encore l'éloge de Voiture et particulièrement de ses légies Aut si tantus amor scribendi te rapit, aude (HORACE, livre II, satire 1, v. 10-15.) |