Est de courir le jour de quartier en quartier 1 Un bigot orgueilleux, qui, dans sa vanité, Croit duper jusqu'à Dieu par son zèle affecté, Couvrant tous ses défauts d'une sainte apparence, Damne tous les humains de sa pleine puissance. 3 Un libertin d'ailleurs, qui, sans âme et sans foi, Tient que ces vieux propos de démons et de flammes Et qu'enfin tout dévôt a le cerveau perclus. 2. Bigot, dévot outré et superstitieux. 3. Molière a fait passer ce trait dans son Don Juan (act. V, sc. 11): « Je saurai déchaîner contre mes ennemis des zélés indiscrets, qui sans connaissance de cause erieront contre eux, qui les accableront d'injures, et les damneront hautement de Leur autorité privée. » 4. Libertin s'est dit d'abord de ceux qui affectaient sur les choses de la religion une indépendance entière d'esprit. Le libertinage désignait cette disposition. Les mœurs devaient en recevoir une atteinte; de là le sens étendu de ces termes pour désigner les désordres de la conduite. 5. Ce remède nouveau était accusé de faire beaucoup de victimes. Guy-Patin en tenait une liste et l'appelait le martyrologe de l'Antimoine. Promptins expediam.... Quot Themison ægros autemno occiderit uno. 63 JUVENAL, sat. x, v. 920. 1 Tous les hommes sont fous 1; et malgré tous leurs soins Comme on voit qu'en un bois que cent routes séparent' Les voyageurs sans guide assez souvent s'égarent, L'un à droit, l'autre à gauche, et, courant vainement, Et met toute sa gloire et son souverain bien 1. Desmarets de Saint-Solin avait essayé de mettre cette pensée en action dans sa comédie des Visionnaires. Molière y a pris l'idée de sa Bélise des femmes savantes. 2. Horace, 3 satire livre II : O major, tandem parcas, insane, minori! 3. Séparent n'est pas le mot propre d'Horace (livre II, satire 11, v. 48): Velut silvis, ubi passim Palantes error certo de tramite pellit. Ille sinistrorsum hic dextrorsum abit, unus utrique 4. L'un à droit expression conforme à celle du latin, dextrorsum; nous disons aujourd'hui à droite en sous-entendant le mot main, à main droite. 5. Ces rimes tortu et Vertu rappellent ces deux vers de Régnier (satire x). Toutefois, redressant leur entrepas tortu, Ils guidaient la jeunesse au chemin de vertn. 6. Boileau avait imité en treize vers le passage suivant d'Horace (livre II, satire, v. 109): Qui nummos aurumque recondit, nescius ut 7. Vers iambique cité par Sénèque (épître cv) : Desunt inopiæ multa, avaritiæ omnia., GERUZEZ. Edition Hachette. A grossir un trésor qui ne lui sert de rien. 1. << Sans mentir, l'avarice est une étrange rage 2 << L'un et l'autre, à mon sens, ont le cerveau troublé, ➤ Répondra chez Frédoc ce marquis sage et prude, 4 Et qui sans cesse au jeu, dont il fait son étude, 1. Horace (livre 1, satire 1, v. 68. Tantalus a labris sitiens fugientia captat Boileau avait ainsi traduit ce passage. Dites-moi, pauvre esprit, áme basse et vénale, Et tous ses vains trésors que vous allez cacher Desmarets critiqua ce passage dans la Défense du Poème héroique. Despréaux le supprima. Il fit bien surtout de ne pas accepter ces deux vers que Desmarets lui proposait : Tantale dans un fleuve a soif et ne peut boire. 2. Horace (livre II, satire III, v. 82): Danda est Hellebori,multo pars maxima avaris. On doit administrer aux avares la dose d'éllabore de beaucoup la plus forte. » 3. Horace (livre II, satire 1, v. 102): Lequel des deux est le plus fou? » 4. Frédoc tenait une académie de jeu très fréquentée en ce temps-là. 11 logeaità la place du Palais-Royal. BOILEAU. 5. Ici Despréaux se souvient de Régnier (satire xiv, v. 111): Gallet a sa raison et qui croira son dire Le hasard pour le moins lu promet un empire; Dessus sept et quatorze il assigne ses déttes. Que si d'un sort fâcheux la maligne inconstance Et les yeux vers le ciel de fureur élancés, Mais laissons-le plutôt en proie à son caprice. Lui faisant voir ses vers et sans force et sans grâces, Montés sur deux grands mots, comme sur deux échasses, Ses termes sans raison l'un de l'autre écartés, Et ses froids ornements à la ligne plantés? 6 Qu'il maudirait le jour où son âme insensée 1. Serments est ici pour jurements. 2. Chapelain n'était pas d'une vanité si ridicule. Il avait aussi quelque mérite; il s'était acquis l'estime des hommes de son temps par son savoir et la sagesse de sa critique. La reine de Suède qui avait, suivant Chevreau, des louanges pour les Homere et les Virgile, en réservait pour les Chapelain et les Ménage. Chapelain avait de l'érudition, il avait de plus l'esprit si agréable qu'il ne fournissait pas seulement à la conversation mais qu'il la remplissait seul. » Il était loin de se flatter et dans la préface de son poème il disait que son ouvrage n'avait rien à opposer dans la peinture parlante, au Moïse de Saint-Amant; dans la hardiesse et la vivacité au Saint-Louis du père Le Moine; dans l'abondance et dans la pompe à l'Alaric de M. de Scudéry; enfin dans la diversité et dans les agréments au Clovis de Desmarets. >> 3. On tenait toutes les semaines chez Ménage une assemblée où allaient beaucoup de petits esprits. Boileau. — Ménage réunissait chez lui, le mercredi, les gens de lettres. Tous ne wérifaient pas l'insulte de Boileau. Ménage dit de lui-même : « J'ai eu de grands avantages d'avoir eu la connaissance des plus savants hommes de l'Europe, et d'avoir fréquenté ce qu'il y avait de plus poli à Paris et à la Cour.» 6. On trouve dans le poème de Chapelain plusieurs vers composés de deux grands mots dont chacun remplit la moitié du vers. Voici comme Boileau en disposait un pour montrer que le mot principal était monté en quelque sorte sur deux échasses 6. Ce sont les comparaisons fréquentes que Chapelain a employées, qui ne manquent jamais de venir régulièrement après un certain nombre de vers et qui sont toujours enfermées en quatre ou huit vers. Perdit l'heureuse erreur qui charmait sa pensée ! Le guérit par adresse, ou plutôt par hasard ; J'approuve son courroux ; car, puisqu'il faut le dire, 2 Qui toujours nous gourmande, et, loin de nous toucher, En vain certains rêveurs nous l'habillent en reine. Pensent aller par elle à la félicité; C'est elle, disent-ils, qui nous montre à bien vivre. Que le plus fou souvent est le plus satisfait. 1. Boileau invente cette fable à l'imitation d'Horace (livre II, épître 11, v. 123): Fuit haud ignobilis Argis, Qui se credebat miros. audire tragædos, etc. 2. Malherbe : La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles. 3. Illustre prédicateur, alors curé de Saint-Nicclas-des-Champs, à Paris, depuis évêque d'Agen. (Note de Boileau.) |