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VIII

CONTRE LINIÈRE (1669)1

Linière apporte de Senlis,

Tous les mois trois couplets impies.
A quiconque en veut dans Paris
Il en présente des copies :

Mais ses couplets, tout pleins d'ennui,
Seront brûlés même avant lui.

IX

SUR UNE SATIRE TRÈS MAUVAISE, QUE L'ABBÉ COTIN AVAIT FAITE,

ET QU'IL FAISAIT COURIR SOUS MON ΝΟΜ

(1670)

En vain par mille et mille outrages
Mes ennemis, dans leurs ouvrages,

Ont cru me rendre affreux aux yeux de l'univers.
Cotin, 2 pour décrier mon style,

A pris un chemin plus facile :
C'est de m'attribuer ses vers.

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A quoi bon tant d'efforts, de larmes et de cris,
Cotin, pour faire ôter ton nom de mes ouvrages
Si tu veux du public éviter les outrages,
Fais effacer ton nom de tes propres écrits.

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1. Voir satire Ix; épître vi; Art poétique, chant II, vers 194.

2. On lisait d'abord Kautain, 1685.

3. Cette épigramme, selon Brossette, avait été faite contre Quinault parce qu'il demandait au roi que son nom fût ôté des satires; mais, après la réconciliation, Boileau supprima le nom de Quinault et substitua celui de Cotin.

4. Il y avait d'abord :

Saint-Pavain, guindé sur sa chaise.

Peut bien médire aussi de moi. 1
Je ris de ses discours frivoles :
On sait fort bien que ses paroles
Ne sont pas articles de foi.

XII

VERS EN STYLE DE CHAPELAIN, POUR METTRE A LA FIN
DE SON POÈME DE LA PUCELLE (1677)

Maudit soit l'auteur dur, dont l'âpre et rude verve,
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve;
Et, de son lourd marteau martelant le bon sens,
A fait de méchants vers douze fois douze cents. 2

XIII

LE DÉBITEUR RECONNAISSANT (1681)

Je l'assistai dans l'indigence :

Il ne me rendit jamais rien;

Mais, quoiqu'il me dût tout son bien,
Sans peine il souffrait ma présence.
Oh! la rare reconnaissance! 3

1. Choqué de se voir cité comme un incrédule dans la première satire, SaintPavin, dit Berriat-Saint-Prix, avait critiqué Boileau dans un sonnet qui, selon Saint-Marc et M. Daunou, est meilleur que l'épigramme ci-dessus, et dont voici le dernier tercet:

En vérité, je lui pardonne:

S'il n eût mal parié de personne,

On n'eut jamnaís parlé de lui.

M. Daunou (t. I, p. 68) cite de Saint-Pavin ces vers, où il se dépeint luimême :

Je n'ai l'esprit embarrassé

De l'avenir ni du passé :

Ce qu'on dit de moi peu me choque.
De force choses je me mocque ;
Et, sans contraindre mes désirs,

Je me donne entier aux plaisirs;

Le jeu, l'amour, la bonne chère...

2. La Pucelle a douze livres, chacun de deux cents vers. (BOILEAU, 1713.) «Boileau ne savait pas que ce grand homme en fit douze fois vingt-quatre cents, mais que, par discrétion, il n'en fit imprimer que la moitié. >> (VOLTAIRE.)

3. Brossette a cru qu'il s'agissait ici de Patru; rien ne le prouve. L'amitié la plus vive unissait Boileau à Patru. Le poète n'a peut-être exprimé là qu'une pensée générale sur les ingrats. Pascal dit : « Trop de bienfaits irri tent nous voulons avoir de quoi surpayer la dette: Beneficia eo usque læta sunt dum videntur exsoivi posse; ubi multum antevenere, pro gratia odium redditur. » C'est un passage de Tacite (Ann., IV, 18), cité par Montaigne dans le chapitre de l'Art de conférer. (III.)

XIV

A MESSIEURS PRADON

ET BONNE CORSE,

QUI FIRENT EN MÊME TEMPS PARAITRE CONTRE MOJ CHACUN UN VOLUME D'INJURES (1686)1

Venez, Pradon et Bonnecorse,
Grands écrivains de même force,
De vos vers recevoir le prix;
Venez prendre dans mes écrits
La place que vos noms demandent:
Linière et Perrin vous attendent

XV

A LA FONTAINE DE BOURBON, 9

OU L'AUTEUR ÉTAIT ALLÉ PRENDRE LES EAUX,

ET OU IL TROUVA

UN POÈTE MÉDIOCRE QUI LUI MONTRA DES VERS DE
SA FAÇON (IL S'ADRESSE A LA FONTAINE) (1687)

Oui, vous pouvez chasser l'humeur apoplectique,
Rendre le mouvement au corps paralytique,

Et guérir tous les maux les plus invétérés ;

Mais, quand je lis ces vers par votre onde inspirés,

Il me paraît, admirable fontaine,

Que vous n'eûtes jamais la vertu d'Hippocrène.

XVI

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SUR LA MANIÈRE DE RÉCITER DU POÈTE S' (SANT UL)

(1690) 3

Quand j'aperçois sous ce portique
Ce moine au regard fanatique,

Lisant ses vers audacieux

Faits pour les habitants des cieux, *

1. Pradon fit, en 1684, les Nouvelles remarques sur tous les ouvrages de M. D***; et Bonnecorse, en 1686, le Lutrigot, parodie du Lutrin.

2. Bourbon-l'Archambault, chef-lieu de canton du département de l'Allier. 3. Il a fait des hymnes latines à la louange des saiuts. (BOILEAU, 1713.) 4. Brossette raconte que cette épigramme fut d'abord faite impromptu en préBence de Louis XIV et de Santeul, que le roi avait admis à lui réciter des vers

Ouvrir une bouche effroyable,
S'agiter, se tordre les mains;

Il me semble en lui voir le diable
Que Dieu force à louer les saints

XVII

IMITÉE DE CELLE DE MARTIAL QUI COMMENCE
PAR NUPER ERAT MEDICUS,

ETC.

Paul, ce grand médecin, l'effroi de son quartier,
Qui causa plus de maux que la peste et la guerre,
Est curé maintenant, et met les gens en terre :
Il n'a point changé de métier.

XVIII

2

SUR CE QU'ON AVAIT LU A L'ACADÉMIE DES VERS
CONTRE HOMÈRE ET CONTRE VIRGILE (1687) 3

Clio vint, l'autre jour, se plaindre au dieu des vcrs
Qu'en certain lieu de l'univers

On traitait d'auteurs froids, de poètes stériles,
Les Homères et les Virgiles."

latins. Ce récit est peu vraisemblable, car Louis XIV ne savait pas le latin. L'épigramme, toujours d'après Brossette, n'avait d'abord que cinq vers :

A voir de quel air effroyable

Roulant les yeux, tordant les mains,
Santeul nous lit ses hymnes vains,
Dirait-on pas que c'est le diable

Que Dieu force à louer les saints?

(M. CHÉRON.)

1. Boursault (Lettres, II, 277) rapporte ainsi l'épigramme sans en désigner

l'auteur :

Qui ne dirait, à voir sa grimace effroyable,
Et ses contorsions et des pieds et des mains,

Que c'est Dieu qui force le diable

A faire l'éloge des saints?

(B.-S.-P.)

Nuper erat medicus, nunc est vespillo Diaulus :

Quod vespillo facit, fecerat et medicus.

(MARTIAL, liv. I, épigr. XLVII.)

Hoplomachus nunc es, fueras ophthalmicus ante;

Fecisti medicus, quod facis hoplomachus.

(MARTIAL, liv. VIII, épigr. LXXIV.)

La Monnoye a fait une imitation assez plaisante de ces vers de Martial :

De méchant médecin, Clitandre

Est devenu bon spadassin :

Et soldat il fait dans la Flandre

Ce qu'en France il fit médecin.

3. Le poème intitulé le Siècle de Louis le Grand, par Charles Perrault, lu à l'Académie française le 27 de janvier 1687.

4. Voici quelques-uns des vers auxquels Despréaux fait allusion :

Menandre, j'en conviens, eut un rare génie,

Et, pour plaire au théâtre, une adresse infinie;

Cela ne saurait être ; on s'est moqué de vous,
Reprit Apollon en courroux :

Où peut-on avoir dit une telle infamie?
Est-ce chez les Hurons, chez les Topinamboux ?
C'est à Paris. C'est donc dans l'hôpital des fous?

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- Non, c'est au Louvre, en pleine Académie 1.

XIX

SUR LE MÊME SUJET (1687)

J'ai traité de Topinamboux

Tous ces beaux censeurs, je l'avoue,

Qui, de l'antiquité si follement jaloux,

Aiment tout ce qu'on hait, blâment tout ce qu'on loue;
Et l'Académie, entre nous,
Souffrant chez soi de si grands fous,
Me semble un peu Topinamboue. 2

XX

SUR LE MÊME SUJET (1692)

Ne blâmez pas Perrault de condamner Homère,
Virgile, Aristote, Platon.

Il a pour lui monsieur son frère,

G...., N...., Lavau, Caligula, Néron,
Et le gros Charpentier, dit-on. 3

Virgile, j'y consens, mérite des autels;
Ovide est digue encor des honneurs immortels :
Mais ces rares auteurs, qu'aujourd'hui l'on adore,
Etaient-ils adorés quand ils vivaient encore?
Ecoutons Martial: Ménandre, esprit charmant,
Fut du théâtre grec applaudi rarement.
Virgile vit les vers d'Ennius, le bon homme.
Lus, chéris, estimés des connaisseurs de Rome,
Pendant qu'avec langueur on écoutait les siens;
Tant on est amoureux des auteurs anciens.

Et malgré la douceur de sa veine divine
Ovide était connu de la seule Corinne.

1. Le prince de Conti trouvait cette épigramme la meilleure de toutes celles de Boileau.

2. Boileau dit au sujet de l'épigramme précédente et de celle-ci : « ... J'ai supprimé cette épigramme (Clio vint l'autre jour), et ne l'ai point mise dans mes ouvrages (édit. de 1694), parce qu'au bout du compte je suis de l'Académie, et qu'il n'est pas honnête de diffamer un corps dont on est. Je n'ai jamais montré à personne une badinerie que je fis ensuite pour m'excuser de cette épigramme. Je vais la mettre ici pour vous divertir; mais c'est à la charge que vous me garderez le secret, et que ni vous ne la retiendrez par cœur, ni ne la montrerez à personne... C'est une folie, comme vous voyez, mais je vous la donne pour telle... » (Lettre à Maucroix, 29 avril 1695.)

3. On ne sait qui était G..., on croit que N... est le duc de Nevers. M. Livet,

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