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Tout reconnaît ses lois, ou brigue son appui.
De ses nombreux combats le Rhin frémit encore;
Et l'Europe en cent lieux a vu fuir devant lui
Tous ces héros si fiers, que l'on voit aujourd'hui
Faire fuir l'Ottoman au delà du Bosphore.

XIX

VERS POUR METTRE AU BAS DU PORTRAIT
DE M. RACINE (1699)

1

Du théâtre français l'honneur et la merveille,
Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits;
Et dans l'art d'enchanter les cœurs et les esprits,
Surpasser Euripide, et balancer Corneille.

XX

AUTRE MANIÈRE (1699)

Du théâtre français l'honneur et la merveille,
Il sut ressusciter Sophocle dans ses vers,
Et, sans se perdre dans les airs,
Voler aussi haut que Corneille.

XXI

VERS POUR METTRE AU BAS DU PORTRAIT

DE M. DE LA BRUYÈRE

AU DEVANT DE SON LIVRE DES CARACTÈRES DU TEMPS

3 (1687)

Tout esprit orgueilleux qui s'aime
Par mes leçons se voit guéri;

1. Perrault avait dit en 1687 dans le Siècle de Louis le Grand, vers 180 Mais quel sera le sort de l'illustre Corneille,

Du théâtre français l'honneur et la inerveille?

2. Boileau, selon Brossette, avait d'abord mis:

Balancer Euripide et surpasser Corneille,

et disait qu'il ne serait pas fàché que dans la suite quelque critique rétab.it son vers tel qu'il l'avait fait. (B.-S.-P.)

3. C'est un portrait in-S". peint par de Saint-Jean et gravé par Drevet. C'est lui qui parle. (BOILEAU, 1713.)

Et dans mon livre si chéri

Apprend à se haïr soi-même.

XXI BIS

1

VERS POUR LE PORTRAIT D'HOZIER (1660) 1

C'est ce fameux d'Hozier, d'un mérite sans prix,
Dont le vaste savoir et les rares écrits

Des illustres maisons ont publié la gloire.
Ses talents surprendront tous les âges suivants :
11 rendit tous les morts vivants dans sa mémoire,
Et ne mourra jamais dans celle des vivants.

XXII.

ÉJ ITAPHE DE M. ARNAULD, DOCTEUR DE SORBONNE

(1694)

Au pied de cet autel de structure grossièrc,
Git sans pompc, enfermé dans une vile bière,
Le plus savant mortel qui jamais ait écrit;
Arnauld, qui, sur la grâce instruit par Jésus-Christ
Combattant pour l'Église, a, dans l'Église même,
Souffert plus d'un outrage et plus d'un anathème.
Plein du feu qu'en son cœur souffla l'esprit divin,
Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin,

De tous les faux docteurs confondit la morale.
Mais, pour fruit de son zèle, on l'a vu rebuté,
En cent lieux opprimé par leur noire cabale,
Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté;
Et même par sa mort leur fureur mal éteinte
N'aurait jamais laissé ses cendres en repos,
Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte
A ces loups dévorants n'avait caché les os.

1. C'est un portrait in-4°, sans nom, gravé probablement par Jean Lenfant. Voir, sur Ch.-R. d'Hozier, satire v.

2

2. « Le corps d'Arnauld fut inhumé dans l'église Sainte-Catherine, par les soins du digne curé M. Van den Nesle; et de peur des ennemis, de peur des loups, on tiut longtemps cachée sa sépulture. Son cœur fut apporté à Port-Royal-desChamps. On demanda une épitaphe à Santeuil, qui la fit belle et digne du sujet. Cette epitaphe, ou on lisait qu'Arnauld rentrait de l'exil en vainqueur, exul hoste tr unphato; qu'il était le défenseur de la vérité et l'oracle du juste, veri defensor et arbiter æqui, fit graud vacarme... On sait l'épitaphe en vers frança s, par Bo leau, si ferme et si belle en tout point; mais il la garda après l'avoir faite, et eut la prudence de ne la point divulguer. Racine fit aussi quelques vers, mais plus élégants et justes que forts; Boileau disait qu'il avait molli. » (Sainte

A

XXIII

MADAME LA PRÉSIDENTE DE LAMOIGNON,
SUR LE PORTRAIT

DU PÈRE BOURDALOUE QU'ELLE M'AVAIT ENVOYÉ (1704) ♣

Du plus grand orateur dont la chaire se vante
M'envoyer le portrait, illustre présidente,

C'est me faire un présent qui vaut mille présents.
J'ai connu Bourdaloue; et dès mes jeunes ans
Je fis de ses sermons mes plus chères délices.
Mais lui, de son côté lisant mes vains caprices,
Des censeurs de Trévoux n'eut point pour moi les yeux.**
Ma franchise surtout gagna sa bienveillance.
Enfin après Arnauld, ce fut l'illustre3 en France
Que j'admirai le plus et qui m'aima le mieux.

XXIV

ÉNIGME (1653)

Du repos des humains implacable ennemie,
J'ai rendu mille amants envieux de mon sort.
Je me repais de sang, et je trouve ma vie
Dans les bras de celui qui recherche ma mort.

XXV

QUATRAIN SUR UN

PORTRAIT DE ROCINANTE,
CHEVAL DE DON GUICHOT (1660) 5

Tel fut ce roi des bons chevaux,
Rocinante, la fleur des coursiers d'lbérie,

BEUVE, Port-Royal, t. V, p. 314.) — Brossette, dans son Journal, à la date du dimanche 22 octobre 1702, écrivait : « Despréaux m'a dit, avec plus de mystère encore, qu'il avait fait une épitaphe pour M. Arnauld, mais qu'elle était si forte et si marquée, qu'il ne voulait point qu'elle parût avant sa mort, de peur que les jésuites ne lui fissent des affaires fâcheuses à ce sujet. » (SAINTE-BEUVE, PortRoyal, t. V, p. 316.)

1. Bourdaloue est mort le 13 d'août 1704, et son portrait n'a été gravé qu'apres sa mort, par P. de Rochefort, d'après E. S. Chéron. (M. CHERON.)

2. Voir une épigramme contre les RR. PP. jésuites rédacteurs du Journal de

Trévoux.

3. On employait cet adjectif avec le sens d'un substantif.

4. Une puce. (BOILEAU, 1713.)

L'auteur fit cette énigme à l'âge de dix-sept ans, dans une maison que son père avait à Clignancourt, au pied de Montmartre. (BROSSETTE.)

5. Texte de 1701 et de 1713. On écrit aujourd'hui Rossinante et Don Quichotte.

Qui, trottant nuit et jour et par monts et par vaux,
Galopa, dit l'histoire, une fois en sa vie. 1

XXVI

FRAGMENT DE LA RELATION D'UN VOYAGE A SAINT-PRIX

(1660)

J'ai beau m'en aller à Saint-Prit :

Ce saint, qui de tous maux guérit,

Ne saurait me guérir de mon amour extrême.
Philis, il le faut avouer,

Si vous ne prenez soin de me guérir vous-même,
Je ne sais plus du tout à quel saint me vouer.

XXVII

VERS POUR METTRE AU DEVANT

DE LA MACARISE,

ROMAN ALLEGORIQUE DE L'ABBÉ D'AUBIGNAC,
OU L'ON EXPLIQUAIT

TOUTE LA MORALE DES STOÏCIENS (1664)

Lâches partisans d'Épicure,

Qui, brûlants d'une flamme impure, Du Portique fameux 3 fuyez l'austérité, Souffrez qu'enfin la raison vous éclaire. Ce roman plein de vérité

1. L'auteur fait ici le portrait d'un très méchant cheval, sur lequel, étant fort jeune, il avait été voir au village de Saint-Prix (Seine-et-Oise, arrondissement de Pontoise), près Saint-Denis, une personne qui lui était chère. Il avait fait de ce voyage une relation en vers et en prose, et M. de La Fontaine, auquel il la moutra, s'arrêta principalement aux quatre vers qui sont ici. L'auteur supprima le reste; il se souvenait pourtant d'une autre épigramme qui faisait partie de cette relation, mais ne la récitait que pour s'en moquer lui-même, et pour en faire voir le ridicule. « Quand je mourrai, disait-il en riant, je veux la laisser à M. de Benserade. Elle lui appartient de droit : j'entends pour le style.» (BROSSETTE.) C'est la pièce suivante no xxvi.

Fran

2. Macarise ou la Reine des iles fortunées, Paris, 1664, 2 vol. in-8°. çois Hédelin, abbé d'Aubignac, petit-fils d'Ambroise Paré par sa mère, né à Paris le 4 d'août 1604, mort à Nemours le 27 juillet 1676.

3. L'École de Zénon. (BOILEAU, 1713.) - «Ce roman allégorique s'appelait Macarize ou la Reine des iles fortunées; l'auteur, l'abbé d'Aubignac, prétendait que toute la philosophie stoïcienne y était renfermée. La vérité est qu'il n'eut aucun succès, et qu'il ne fit de chez Sercy qu'un saut chez l'épicier. Je fis l'épigramme pour être mise au devant de son livre, avec quantité d'autres ouvrages que l'auteur avait exigés de ses amis pour le faire valoir; mais heureusement je lui portai l'épigramme trop tard, et elle n'y fut point mise. Dieu en soit loué, etc.» (Lettre de Boileau à Brossette du 19 avril 1702.)

Dans la vertu la plus sévère

Vous peut faire aujourd'hui trouver la volupté.

FABLE D'ÉSOPE : LE

XXVIII

BUCHERON

ET LA MORT (1670)1

Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l'extrême vieillesse,
Marchait en haletant de peine et de détresse.
Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau,
Plutôt que de s'en voir accablé de nouveau,
Il souhaite la Mort, et cent fois il l'appelle.
La Mort vint à la fin: Que veux-tu? cria-t-elle
Qui? moi, dit-il alors, prompt à se corriger :
Que tu m'aides à me charger.

XXIX

SUR HOMERE (1702)

*Ηειδον μὲν ἐγών, ἐχάρασσε δὲ θεῖος Όμηρος. Cantabam quidem ego, scribebat autem divus Homerus. 3

Quand la dernière fois, dans le sacré vallon,

La troupe des neuf sœurs, par l'ordre d'Apollon,

1. La Fontaine a fait suivre sa fable intitulée la Mort et le Malheureux de la note suivante : Ce sujet a été traité d'une autre façon par Esope, comme la fable suivante le fera voir. Je composai celle-ci par une raison qui me contraignait de rendre la chose ainsi générale; mais quelqu'un me fit connaitre que j'eusse beaucoup mieux fait de suivre mon original, et que je laissais passer un des plus beaux traits qui fût dans Esope. Cela m'obligea d'y avoir recours. D'après Brossette, ce quelqu'un serait Boileau, qui mit à son tour la fable d'Esope en vers. Racine le fils dit à ce propos : « Il composa la fable du Bûcheron dans sa plus grande force, et, suivant ses termes, dans son bon temps. Il trouvait cette fable languissante dans La Fontaine. Il voulut essayer s'il ne pourrait pas mieux faire, sans imiter le style de Marot, désapprouvant ceux qui écrivent dans ce style. Pourquoi, disait-il, emprunter une autre langue que la sienne? » On approuve assez ce que dit d'Alembert: « On ne conçoit pas où est la langueur que Despréaux trouvait dans la fable de La Fontaine, encore moins en quel endroit de cette fable La Fontaine a employé le style de Marot. Le jugement qu'on prête ici à Despréaux est si étrange, qu'il est très vraisemblable que Racine le fils a été mal servi par sa mémoire. » Inférieur à La Fontaine, Despréaux est cependant supérieur à J.-B. Rousseau, qui a refait à son tour cet apologue de la manière suivante :

Le malheur vainement à la mort nous dispose:
On la brave de loin; de près c'est autre chose.
Un pauvre bûcheron, de inal exténué,

Chargé d'ans et d'ennuis, de forces dénué,
Jetant bas son fardeau, inaudissait ses souffrances,
Et mettait dans la mort toutes ses espérances.
Il l'appelle elle vient. Que veux-tu, villageois ?
Ah! dit-il, viens m'aider à recharger mon bois.

2. Vers grec de l'Anthologie. (BOILEAU, 1713.).

3. Cette traduction latine est ainsi placée dans le manuscrit et dans l'édition

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