Pour régler ma balance et dispenser mes lois. Allumèrent l'ardeur de ses nobles pensées. Sent renaître la joie en son âme calmée. Que me sert, lui dit-elle, Ariste, qu'en tous licux Elle sort à ces mots. Le héros 3 en prière 2 Et mande au même instant le chantre et le prélat. 1. Paraître et cloître rimaient ensemble à cause de la prononciation alors en usage. 2. Insulte, masculin. Voir chant V, p. 497. 3. Le mot héros s'employait alors « quelquefois pour un homme qui excelle en quelque vertu, » dit le Dictionnaire de l'Académie de 1694. (DB SaintSURIN.) Dans sa course élevée a besoin qu'on le guide, Mais plutôt, toi qui fis ce merveilleux ouvrage, 1 Parle donc c'est à toi d'éclaircir ces merveilles. Et fait d'un vain pupitre un second Ilion. Finissons. Aussi bien, quelque ardeur qui m'inspire, Ariste, c'est ainsi qu'en ce sénat illustre Où Thémis, par tes soins, reprend son premier lustre, Vient combattre en champ clos aux joutes du barreau, Cherche en vain son discours sur sa langue égaré; Il hésite, il bégaye; et le triste orateur 1. Tour prosaïque, dit Daunou. du spectateur. 4 J'aime bien mieux pour moi, qu'en épluchant ses herbes..... 2. Version originale, et édition 1701, in-4°, et 1713; qui me reste est une leçon adoptée par Brossette et tous les autres éditeurs. 3. Brossette prétend que Boileau veut désigner l'avocat Barbier d'Aucour, qui perdit la mémoire au milieu de son premier plaidoyer et quitta dès lors le barreau pour les lettres. 4. L'orateur demeurant muet, il n'y a plus d'auditeurs: il reste seulement des spectateurs. (BOILEAU, 1713.) En general, les critiques ont blamé ce chant VI. « Le seul défaut de ce chef d'oeuvre, dit La Harpe en terminant l'examen du Lutrin, c'est que le derni chant ne répond pas aux autres: il est tout entier sur le ton sérieux, et la fiction y change de nature... » POÉSIES DIVERSES 2 DISCOURS SUR L'ODE1 L'ode suivante a été composée à l'occasion de ces étranges dialogues qui ont paru depuis quelque temps, où tous les plus grands écrivains de l'antiquité sont traités d'esprits médiocres, de gens à être mis en parallèle avec les Chapelains et avec les Cotins, et où 1. Ce discours fut composé et publié séparément avec l'ode en 1693. 2. Parallèle des anciens et des modernes, en forme de dialogue. (BOILEAU, 1713.) Les trois premiers volumes du Parallèle de Charles Perrault ont paru en 1688, et le quatrième en 1699 seulement. (M. CHÉRON.) Voici, d'après le texte du Parallèle de Charles Perrault, quelques-unes de ses idées que Despréaux dénaturait un peu. Il dit dans la préface du tome Ier: «En un mot, je suis très convaincu que, si les anciens sont excellents, comme on ne peut pas en disconvenir, les modernes ne leur cèdent en rien, et les surpassent même en bien des choses. Voilà distinctement ce que je pense et ca que je prétends prouver dans mes Dialogues... Si nous avons un avantage visible dans les arts, dont les secrets se peuvent calculer et mesurer, il n'y a que la seule impossibilité de convaincre les gens dans les choses de goût et de fantaisie, comme sont les beautés de la poésie et de l'éloquence, qui empèche que nous ne soyons reconnus les maîtres dans ces deux arts, comme dans tous les autres. >> Dans son III Dialogue, on lit ceci : « Il y a deux choses dans tout artisan, qui contribuent beaucoup à la beauté de son ouvrage, la connaissance des règles de son art et la force de son génie. De là il peut arriver, et souvent il arrive que l'ouvrage de celui qui est le moins savant, mais qui a le plus de génie, est meilleur que l'ouvrage de celui qui sait mieux les règles de son art, et dont le génie a moins de force. Suivant ce principe, Virgile a pu faire un poème épique plus excellent que tous les autres, parce qu'il a eu plus de génie que tous les poètes qui l'ont suivi; et il peut en même temps avoir moins su toutes les règles du poème épique. Ce qui me suffit, mon problème consistant uniquement en cette proposition que tous les arts ont été portés dans notre siècle à un plus haut degré de perfection que celui où ils étaient parmi les anciens, parce que le temps a découvert plusieurs secrets dans tous les arts, qui, joints à ceux que les anciens nous ont laissés, les ont rendus plus accomplis; l'art n'étant autre chose, selon Aristote même, qu'un amas de préceptes pour bien faire l'ouvrage qu'il a pour objet. Or, quand j'ai fait voir qu'Homère et Virgile ont fait une infinité de fautes où les modernes ne tombent plus, je crois avoir prouvé qu'ils n'avaient pas toutes les règles que nous avons, puisque l'effet naturel des règles est d'empêcher qu'on ne fasse des fautes. De sorte que, s'il plaisait au ciel de faire naître un homme qui eût un génie de la force de celui de Virgile, il est sûr qu'il ferait un plus beau poème que celui de l'Eneide, parce qu'il aurait, suivant ma supposition, autant de génie que Virgile, et qu'il aurait en même temps un plus grand amas de préceptes pour se conduire. >> Au tome III, sur ce que le Chevalier, l'un des interlocuteurs, content de l'apologie de Quinault, que l'Abbé vient de faire, le prie de rendre le mème service à Chapelain, l'Abbé répond; « La chose est un peu plus difficile. Ce n'est voulant faire honneur à notre siècle, on l'a en quelque sorte diffamé, en faisant voir qu'il s'y trouve des hommes capables d'écrire des choses si peu sensées. Pindare est des plus maltraités. Comme les beautés de ce poète sont extrêmement renfermées dans sa langue, l'auteur de ces dialogues, qui vraisemblablement ne sait point de grec, 1 et qui n'a lu Pindare que dans des traductions latines assez défectueuses, a pris pour galimatias tout ce que la faiblesse de ses lumières ne lui permettait pas de comprendre. Il a surtout traité de ridicules ces endroits merveilleux où le poète, pour marquer un esprit entièrement hors de soi, rompt quelquefois de dessein formé la suite de son discours; et afin de mieux entrer dans la raison, sort, s'il faut ainsi parler, de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons de sens qui ôteraient l'âme à la poésie lyrique. Le censeur dont je parle n'a pas pris garde qu'en attaquant ces nobles hardiesses de Pindare, il donnait lieu de croire qu'il n'a jamais conçu le sublime des psaumes de David, où, s'il est permis de parler de ces saints cantiques à propos de choses si profanes, il y a beaucoup de ces sens rompus, qui servent même quelquefois à en faire sentir la divinité. Ce critique, selon toutes les apparences, n'est pas fort convaincu du précepte que j'ai avancé dans mon Art poétique, à propos de l'ode : Son style impétueux souvent marche au hasard : Ce précepte effectivement, qui donne pour règle de ne point garder quelquefois de règles, est un mystère de l'art, qu'il n'est pas que M. Chapelain n'ait eu bien du mérite en sa manière, mais il se trouve deux obstacles à sa louange, difficiles à surmonter, l'un la dureté de sa versification et l'autre la prévention où l'on est contre la Pucelle. Cependant je veux bien faire son apologie pour votre satisfaction et pour la mienne, à condition que M. le Président (c'est le troisième interlocuteur) n'en prendra pas occasion de me dire que j'oppose Chapelain à Virgile, car je déclare hautement que ce n'est point mon intention et que je le fais seulement par l'intérêt que j'ai, en soutenant la poésie moderne, de défendre les poètes de notre siècle que l'on a maltraités. Après avoir montré que le sujet de la Pucelle est un des plus beaux qui aient jamais été, le même interlocuteur ajoute: «Il est vrai que la versification en est souvent dure, sèche et épineuse, et particulièrement dans les endroits où elle devrait être la plus tendre, la plus douce et la plus agréable, comme dans les matières d'amour et de galanterie. Ce n'est pas qu'il ne peuse juste et qu'il ne dise en substance ce qu'il faut dire; mais l'expression est souvent un peu disgraciée. Quand il veut faire le portrait de la belle Agnės, la manière dont il s'y prend est très ingénieuse et très poétique. Il feint qu'elle est au milieu d'un cabinet magnifique, garni de grands miroirs, où elle se voit tout entière et de tous côtés; que là elle admire sa taille noble et dégagée, son port majestueux et l'air charmant de toute sa personne, qu'elle y voit un front serein, des yeux vifs, une bouche vermeille, un teint, des cheveux, etc. Si l'expression avait secondé ce dessein, si dans cet endroit et dans cinq ou six autres de son poème il avait pu répandre une centaine de vers tendres, doux et agréables, que les dames eussent pris plaisir à lire et à apprendre par cœur, je suis sar que son poème aurait l'approbation qu'on lui a refusée... Quoi qu'il en soit, je soutiens, sans vouloir néanmoins prendre M. Chapelain pour mon héros, qu'on a eu tort de le traiter comme on a fait, et qu'il méritait d'être épargné, quand il n'aurait jamais composé d'autre ouvrage que l'ode qu'il fit pour le cardinal de Richelieu. »> 1. VAR. Ne sait point le grcc. (1693.) " point aisé de faire entendre à un homme sans aucun goût, qui croit que la Clélie et nos opéra 1 sont les modèles du genre sublime; qui trouve Térence fade, Virgile froid, Homère de mauvais sens, et qu'une espèce de bizarrerie d'esprit 2 rend insensible à tout ce qui frappe ordinairement les hommes. Mais ce n'est pas ici le lieu de lui montrer ses erreurs. On le fera peut-être plus à propos un de ces jours, dans quelque autre ouvrage 3. Pour revenir à Pindare, il ne serait pas difficile d'en faire sentir les beautés à des gens qui se seraient un peu familiarisé le grec; mais comme cette langue est aujourd'hui assez ignorée de la plupart des hommes, et qu'il n'est pas possible de leur faire voir Pindare dans Pindare même, j'ai cru que je ne pouvais mieux justifier ce grand poète qu'en tâchant de faire une ode en français à sa manière, c'est-à-dire pleine de mouvements et de transports où l'esprit parût plutôt entraîné du démon de la poésie que guidé par la raison. C'est le but que je me suis proposé dans l'ode qu'on va voir. J'ai pris pour sujet la prise de Namur,4 comme la plus grande action de guerre qui se soit faite de nos jours, et comme la matière la plus propre à échauffer l'imagination d'un poète. J'y ai jeté, autant que j'ai pu, la magnificence des mots; et, à l'exemple des anciens poètes dithyrambiques, j'y ai employé les figures les plus audacieu. ses, jusqu'à faire un astre de la plume blanche que le roi porte ordinairement à son chapeau, et qui est en effet comme une espèce de comète fatale à nos ennemis, qui se jugent perdus dès qu'ils l'aperçoivent. Voilà le dessein de cet ouvrage. Je ne réponds pas d'y avoir réussi; et je ne sais si le public, accoutumé aux sages emportements de Malherbe, s'accommodera de ces saillies et de ces excès pindariques. Mais, supposé que j'y aie échoué, je m'en consolerai du moins par le commencement de cette fameuse ode latine d'Ho. race, Pindarum quisquis studet æmulari, etc., où Horace donne à entendre que, s'il eût voulu lui-même s'élever à la hauteur de Pindare, il se serait cru en grand hasard de tomber. 5 Au reste, comme parmi les épigrammes qui sont imprimées à la suite de cette ode 6 on trouvera encore une autre petite ode de ma 1. Perrault dit à Boileau dans sa lettre : « Souffrez. monsieur, que je vous avertisse en passant que vous écrivez les opéras, et qu'il faut écrire les opera; ce pent être une faute de l'imprimeur, mais si c'est vous qui l'avez faite, vous auriez besoin de venir plus souvent à l'Académie. » Boileau profita de la leçon et écrivit les opera. Il dit dans ses Réflexions critiques sur Longin, VIII: e Bien que j'aie toujours entendu prononcer des opéras comme on dit des factums et des totons, je ne voudrais pas assurer qu'on le doive écrire, et je pourrais bien m'être trompé en l'écrivant de la sorte.»- « J'écris opéras au pluriel, malgré la décision contraire, parce qu'il me semble que la dernière syllabe de ce mot est longue au pluriel.» (D'ALEMBERT, Lib. de la Mus.. OEuvres, t. III, p. 358, note 1, dans Pougens.) « Depuis l'édition de 1835, l'Académie met I's au pluriel. » (E. LITTRE, Dict. de la langue française.) 2. VAR. D'esprit, qu'il a, dit-on, commune avec toute sa famille, rend... (1693.) 3. Il l'a fait dans les Euvres en prose; première réflexion sur Longin. 4. Louis XIV commença le siège de Namur le 26 de mai 1692. La ville fut prise le 5 de juin et le château le 30. 5. Les deux alinéas qui suivent ont été ajoutés en 1701. 6. On a mis cette ode à la suite de l'Ode sur la prise de Numur, |