ÉPITRE II'. A MONSIEUR L'ABBÉ DES ROCHES*. A quoi bon réveiller mes muses endormies O le plaisant docteur, qui, sur les pas d'Horace, 5 Qui m'appelle au combat sans prendre un plus long termc. Aura plus tôt rempli la page et le revers. Moi donc, qui suis peu fait à ce genre d'escrime, Et souvent de dépit contre moi s'exerçant, Mais toi, qui ne crains point qu'un rimeur te noircisse, Attends-tu qu'un fermier, payant, quoiqu'un peu tard, 1. Composée en 1669, pour y intercaler l'apologue de l'huître, publiée en 1672. Voir l'Avertissement de l'épitre I. 2. Jean-François-Armand Fumée Des Roches descendait d'Armand Fumée, premier médecin de Charles VII; il mourut en 1711, âgé d'environ soixante-quinze ans. C'est à lui que Gabriel Guéret a dédié son Parnasse réformé. 3. Boileau travaillait déjà à son Art poétique. 4. Voir l'épitre I, v. 21. 5. Voir la satire IX; depuis la composition de cette satire, Linière avait fait une critique offensante de l'épitre IV, écrite avant celle-ci. 6. Crispinus minimo me provocat: Accipe, si vis, (HORACE, 1. I, sat. iv, v. 14-16.) Molière, les Femmes savantes, acte III, scène v. VADIUS. Je te défie en vers, prose, grec et latin, TRISSOTIN. Eh bien, nous nous verrons seul à seul chez Barbin. 7. Bénéfice, charge spirituelle accompagnée d'un certain revenu que l'église donnait à un homme qui était tonsuré ou dans les ordres, afin de servir Dieu et l'Eglise. Les évêchés, cures, chanoinies, chapelles, étaient les divers genres de bénéfices. 2 Vas-tu, grand défenseur des droits de ton église, 5 Qui, toujours assignants, 3 et toujours assignés, Un jour, dit un auteur, n'importe en quel chapitre, 7 Deux voyageurs à jeun rencontrèrent une huître. 1. Des Roches avait dans le Midi deux ou trois abbayes assez considérables (d'environ 30,000 fr. de rentes). L'abbé commendataire avait la permission de disposer, pendant sa vie, des fruits de l'abbaye. 2. Fameux avocat au parlement de Paris. (BOILEAU, 1713.) Barthélemy Au zanet, conseiller d'Etat, mort à Paris le 17 avril 1673, âgé de quatre-vingt-deux ans. 3. On mettrait aujourd'hui assignant, mais on sait quel était l'usage, au xvire siecle, sur le participe présent; il était variable et prenait la marque du pluriel. - Voir dans Rabelais ce que dit Bridoye des proces et de l'art de les laisser mùrir, et d'épuiser les parties. (Pantagruel. 1. III, ch. XLII.) 4. Un Normand qui sera de Caen même dira toujours Je suis devers Caen, et ne dira pas : Je suis de Caen. (SAINT-MARC.) Devers, dans le sens de du côté de, était d'un usage général. Régnier, sat. X : L'autre, se relevant, devers nous vint se rendre. Moliere Georges Dandin): « Tourne un peu ton visage devers mci. » Pour s'enfuir devers sa tanière. Hamilton, Gramont, 10 : « Ne tournez point tant la tête devers eux. ■ Plus que jamais confus, humilié, 5. On disait proverbialement : « Un Manceau vaut un Normand et demi. » — Voir les Plaideurs de Racine. 6. Deux autres avocats. (BOILEAU, 1713.) - Jacques Corbin était fils d'un auteur dont Boileau parle dans l'Art poetique. Le Mazier a déjà été nommé dans la sa tire 1. 7. M. Despréaux avait appris cette fable de son père, anquel il l'avait ouï conter dans sa jeunesse ; elle est tirée d'une ancienne comédie italienne. (BROSSETTE.) Tous deux la contestaient, lorsque dans leur chemin Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose. Demande l'huître, l'ouvre, et l'avale à leurs yeux, ÉPITRE III3. A M. ARNAULD, DOCTEUR DE SORBONNE 4 2 Oui, sans peine, au travers des sophismes de Claude,' Arnauld, des novateurs tu découvres la fraude, 1. On dit qu'un homme a gagné son procès avec dépens, quand sa partie (c'està-dire son adversaire) a été condamné à lui rembourser ses frais. 2. D'Alembert et Chamfort ont comparé cette fable à celle de La Fontaine, 1. IX, fabl. Ix. Ils n'ont pas eu de peine à établir la supériorité de notre grand fabuliste sur Boileau. La pièce de La Fontaine est pleine de détails ingénieux, pittoresques et dramatiques. Celle de Despréaux est un peu sèche; mais l'un est à son aise dans un genre où il est inimitable, et l'autre, sans entreprendre de rivaliser avec un adversaire redoutable, expose plus brièvement une leçon de morale. Il serait injuste de ne pas tenir compte de cette différence. C'était si bien l'intention du poète qu'il accusait, selon Brossette, La Fontaine de manquer de justesse en ne présentant dans sa fable qu'un juge sous le nom de Perrin-Dandin, observant que ce sont tous les gens de justice qui causent des frais aux plaideurs. Il faut de plus savoir gré à Boileau d'avoir dénoncé les abus de la justice et de la chicane. Il y reviendra avec plus de force dans le Lutrin. 3. Composée en 1673. 4. De 1674 à 1694, ce titre est omis dans les éditions de Boileau. « Il fallut attendre la mort d'Arnauld pour lui donner un titre qu'il avait tant illustré par ses écrits. » (BERRIAT-SAINT-PRIX.) Antoine Arnauld naquit à Paris, le 6 février 1612, il fut reçu de la maison de Sorbonne cn 1643, après bien des obstacles; il était docteur depuis 1641, Grammaire, belles-lettres, géométrie, logique, physique, métaphysique, théologie, droit civil et canonique, tout était de son ressort. Il se rendit redoutable aux protestants; devenu suspect à la cour, il se retira dans les Pays-Bas et mourut à Bruxelles en 1694. Ce fut en 1668 que Boileau vit Arnauld pour la première fois. 5. Il était alors occupé à écrire contre le sieur Claude, ministre de Charenton. (BOILEAU, 1713.) - Jean Claude, le plus célèbre des controversistes protestants et qui discuta contre Bossuet, Arnauld et Nicole, naquit à la Sauvetat (Lot-et-Garonne), en 1619, et mourut à la Haye, où il s'était réfugié après la révocation de l'édit de Nantes, le 13 de janvier 1687. Le livre d'Antoine Arnauld auquel Boileau fait allusion dans sa note est sans doute la Perpétuité de la foy de l'Eglise catholique touchant l'Eucharistie 1 Et romps de leurs erreurs les filets captieux, 3 Des superbes mortels le plus affreux lien, Et nous rend l'un de l'autre esclaves malheureux. Vois-tu ce libertin en public intrépide 5 Qui prêche contre un Dieu que dans son âme il croit? Il irait embrasser la vérité qu'il voit ; Mais de ses faux amis il craint la raillerie, Et ne brave ainsi Dieu que par poltronnerie. “ défendue contre le livre du sieur Claude. Paris, 1669, 1672 et 1684, 3 vol. in-4. (M. CHERON.) 1. Cette locution est remarquable; nous dirions aujourd'hui près de, et si nous conservions Prêt nous mettrions prêts à; mais le xvIIe siècle disait prêt de dans le sens de disposé à. Qu'on rappelle mon fils, qu'il vienne se défendre; 2. Lieu près de Paris, où ceux de la R. P. R. (religion prétendue réformée) avaient un temple. (BOILEAU, 1713.)- L'édification d'un temple à Charenton fut autorisée par lettres patentes d'Ilenri IV a 1er août 1606. Ce premier templequi n'était qu'un bâtiment insignifiant, fut détruit en 1621 dans une émeute con tre le protestantisme. Jacques de Brosse fut alors chargé de construire un véritable temple, qui disparut lors de l'édit de Louis XIV, du 18 d'octobre 1685, qui révoquait l'édit de Nantes et ordonnait la destruction de tous les temples pro testants. 3. Tu balançais son dieu dans son cœur alarmé. (VOLTAIRE, Zaïre, acte V, scène x.) 4. « Claude avait plus d'esprit et de conscience qu'on ne lui en suppose là. Ce livre de la Perpétuité était moins convaincant et plus choquant pour lui et pour les siens que Boileau ne se l'imagine. » (SAINTE-BEUVE. Port-Royal, V, p. 333.) Il y a dans ces vers une richesse d'expressions poétiques que les ennemis de Boileau lui ont reprochée comme autant de fautes. 5. Libertin pris dans le sens d'esprit fort. 6. Rien n'est plus lâche que de faire le brave contre Dieu. » (PASCAL.) C'est là de tous nos maux le fatal fondement. Des jugements d'autrui nous tremblons follement; Faisons au moins l'aveu de notre infirmité. A quoi bon, quand la fièvre en nos artères brûle, ' Le feu sort de vos yeux pétillants et troublés, 6 Mais cependant voilà tout son corps gangrené; 5 « Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie? » (L▲ BRUYÈRE.) Racine fait dire à Joad s'adressant aux Juifs: 2. 3. (Ath., acte III, scène vII.) (PERSE, sat. I, v. 7.) Nec te quæsiveris extra. Neu, si te populus sanum, recteque valentem (Épître IX, v. 41-42.) Nihil est. Videas tamen istud, (PERSE, sat. III, v. 94-95.) 5. Daus les éditions de 1683, 1685, 1694 et 1701, on lisait cangrené. Selo Vaugelas, il fallait écrire gangrené et prononcer cangrené. 6. Boileau dans ce passage imite et abrège Perse: Sed tremor inter vina subit, calidumque triental (Satire III, v. 99.) 7. « Scitis quia dies Domini, sicut fur in nocte, ita veniet. » (S. PAULUS, Epist. I ad Thess., v. 2.) « Si sciret paterfamilias qua hora fur venturus esset, vigilaret utique. » (MATTH., XXIV, 43.) Si ergo non vigilaveris, veniam ad te tanquam fur, et nescies qua hora veniam ad te. (Apocal., 11, 3.) a |