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Jetons un coup d'oeil au delà du cercle polaire, parmi ces îles qui forment l'archipel Larry, et nous voyons qu'en Norwège, existe à la même latitude la ville de Hammerfest, la plus septentrionale du globe. Il est rare qu'au cœur de l'hiver, la température y descende audessous de 55° Fahrenheit. Cette différence de température d'un continent à l'autre est due, comme tout le monde le sait, à ce courant bienfaiteur, le Gulf-Stream, qui amène sur les côtes nord-ouest d'Europe les eaux chaudes du golfe du Mexique, après avoir cependant perdu, sur son long parcours, une grande partie de sa chaleur.

Pour finir :

En comparant entre elles les longitudes de Duluth, à l'extrémité ouest du lac Supérieur, et de Kingston, vers l'extrémité est du lac Ontario, nous remarquerons que cette différence de longitude excède la plus grande largeur E. O. de la France; de même, du nord au sud, les grands lacs occupent une étendue telle que la différence de leurs latitudes extrêmes correspond sensiblement à celle existant entre Paris et l'extrémité sud de la France. C'est cette remarque qui peut donner la meilleure idée de l'étendue de ces grands lacs, qui constituent la plus grande masse d'eau douce existant à la surface de notre globe.

Comme je le disais au début, inutile d'entrer dans trop de détails textuels, car l'inspection de la carte en dira beaucoup plus que toutes les dissertations que l'on pourrait broder sur le sujet.

La géographie, autant que possible, doit s'apprendre par les yeux, par l'étude des cartes détaillées publiées sur chaque région jusqu'à nos jonrs; la partie descriptive ne doit venir qu'ensuite, lorsqu'on est bien pénétré de la situation et de l'étendue de chaque région.

Malheureusement, dans les établissements scolaires, la géographie et l'histoire ne forment qu'un, sont enseignées

par le même professeur, lequel, la plupart du temps, n'a jamais mis le pied hors de la région dans laquelle il a vu le jour; ou du moins, s'il a quelque peu voyagé, ce n'est que d'une façon toute superficielle. Il n'y a cependant rien comme de voyager, d'assister sur place à chaque phénomène, en se rendant compte des choses par soi-même, pour pouvoir enseigner la géographie avec fruit.

Cela coûte cher, de voyager! répondra-t-on. C'est vrai. Celui qui achève ces lignes a eu le grand avantage de parcourir en détail la plupart des régions de notre globe, et c'est par suite de cela qu'il serait heureux que beaucoup d'autres personnes prennent goût à cette science si délaissée jusqu'à ce jour, la géographie, qui, tout en nous instruisant, nous fait reconnaître notre petitesse par rapport à ce qui nous entoure, et nous démontre que plus on connaît, plus on désire apprendre.

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IL NE FAUT JAMAIS ETRE DUR ENVERS

LES PAUVRES

ILLUSTRATION D'APRÈS CALLOT.

N samedi soir, veille de Pâques, par un petit temps sec et froid du milieu d'avril, on eût aimé s'arrêter dans la cuisine de la mère Marguerite, à la Côte Saint-Paul. Un bon feu flambait dans le poêle, son vieux, le père Jérôme Théberge revenait du marché ; acagnardé sur sa chaise en face du feu pétillant, les coudes appuyés sur ses cuisses, il tenait d'une main entre ses jambes écartées sa grande bourse de cuir, et de l'autre main, il y précipitait à coup de pouce, un par un, quinze à vingt écus bien sonnants, le gain réalisé à vendre le beurre, les œufs, et quelques volailles.

Un sourire aigre de paysan cupide témoignait le plaisir que lui causait la musique monotone du tintement argentin. La mère Marguerite, tout en achevant les apprêts du souper, glissait de côté vers la bourse sonore un regard aigu, et son œil réjoui clignotait au bref éclair du brillant disque d'argent traversant la lueur rougeâtre.

Entre ces deux êtres rudes et laborieux, l'union s'était faite en leur jeunesse un peu par amour, beaucoup par calcul, en parfaite connaissance de leur goût égal de l'ordre et de l'épargne; et à mesure qu'ils avaient prospéré, leur âpreté au gain s'était accrue. Après quinze ans de ménage, sans enfants, ils en étaient à ne pas savoir ce qu'est une querelle conjugale.

L'égoïsme à deux et l'avarice commune les avaient soudés en une paix continue que ne connaissent pas des ménages plus généreux.

Le couvert dressé sur la table, les époux étaient prêts à se bien restaurer, quand il leur sembla qu'une plainte avait traversé la porte.

Ils tendirent l'oreille, étonnés ils habitaient seuls, n'ayant pour domestique qu'un garçon du village logé chez ses parents.

-C'était bien une voix de personne ! murmura la femme un peu inquiète.

-Bah! je ne crois pas, répliqua l'homme, le bois est

tout proche, le vent souffle, c'est lui qui joue de la lyre avec les branches.

-Point; j'ai raison, écoute, on frappe.

-Eh bien! Entrez.

Ce disant, par précaution, Théberge avait mis la main sur un énorme tisonnier, et sa femme avait prestement recouvert d'une assiette l'omelette fumante, autant par crainte d'être obligée d'en offrir au nouveau venu que par sagesse, pour l'empêcher de refroidir.

Celui qui entra n'avait pas la mine terrible. C'était un vieux bonhomme maigre et long, barbu et chevelu à l'excès, misérablement haillonneux, à peine

chaussé; un besacier dont la besace était vide.

-Hébé! qu'est-ce qu'il veut, cet homme ? interrogea durement la bonne femme.

Et avant qu'il eût formulé un désir ou une prière, Théberge d'un ton péremptoire ajouta :

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-Vous vous trompez d'enseigne, il n'y a pour vous rien à fricoter ici. Hé! ne manquez pas de fermer la porte en

sortant.

Mais le vieux ne s'empressa pas de sortir; au contraire, paisible et souriant malgré le mauvais accueil, il s'avançait vers la cheminée.

-Ma bonne madame Théberge, je ne vous demande pas une part de l'excellente omelette que vous cachez sous cette assiette...

-Qui vous dit que c'est une omelette?

-Mon nez; la cuisine est toute parfumée de la bonne odeur qu'elle a répandue. Je ne vous demande d'abord que de me chauffer un peu à votre feu; ça ne Vous privera pas de chaleur.

-Ça dépend, bougonna Théberge; si tu te mets devant moi...

-Je me mettrai de côté.

-S'il ne demande que ce profit! aventura le mari très indécis, en questionnant sa femme d'un coup d'œil.

-Si ça te plaît d'avoir auprès de toi, quand tu soupes, un vagabond pouilleux ?

Du dégoût et de la mauvaise humeur de la fermière ne s'émut pas le vieux mendiant.

-Je ne demandais que de me chauffer d'abord, puis de me coucher dans votre grange, sur une botte de paille. Je suis trop las pour aller plus loin.

-Là, rien que cela! voyez-vous ? Et ce n'est pas tout peut-être, s'exclama la fermière hargneuse, qui vivant à son aise, avait l'horreur des pauvres.

-Le bon Dieu me protège! non, ça n'est pas tout. Il m'aurait bien fallu avant d'aller me coucher un morceau de pain pour ne pas mourir de faim.

-Hein! tu vois, dit-elle, en s'adressant à son mari. Hébergeons monsieur de bout en bout. Est-ce que nous voilà chargés à présent d'alimenter et de loger tous les fainéants et les pousse-cailloux !

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