L'ETENDUE DU CANADA ET DES

ETATS-UNIS

COMPARÉE A CELLE DE DIVERSES PUISSANCES DE L'EUROPE.

A carte ci-jointe, destinée à donner une juste idée de l'étendue de plusieurs puissances de l'Europe par rapport à l'Amérique du Nord, n'a guère besoin de détails textuels; néanmoins, pour en faire comprendre l'importance et l'utilité, remarquons qu'il a été publié jusqu'à ce jour d'excellents atlas universels, donnant pour les régions du globe les plus peuplées des cartes admirablement dressées; mais il arrive qu'une puissance très peuplée, quoique d'une maigre étendue, occupe une feuille entière de l'atlas, tout aussi bien qu'une autre puissance d'une étendue bien supérieure. Alors, il y a confusion si l'on n'a pas soin de se munir d'un compas et de comparer entre elles les échelles relatives à chacune de ces cartes, on n'a aucune idée de la proportion qui existe entre les deux puissances que l'on envisage.

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Pour remédier à cela, le dernier congrès géographique tenu à Londres en 1895 a décidé de publier une carte de notre globe à l'échelle du millionième ; l'unité de mesure itinéraire sera le mètre et le premier méridien celui de Greenwich.

Il est facile de juger des dimensions que devra avoir cette carte, car le pourtour de la terre sur l'équateur étant de 40 mètres de l'est à l'ouest, la hauteur dépendra du système de projection adopté. 40 mètres forment environ 131 pieds anglais; ce sera un beau morceau, et il va sans

dire que cette carte se composera d'une quantité de feuilles d'égale grandeur pouvant se raccorder de proche en proche, de sorte que l'on pourra se constituer avec un certain nombre de feuilles une carte de l'étendue que l'on voudra.

La carte ci-jointe est dressée suivant la projection de Mercator, c'est-à-dire que les méridiens, au lieu de se rapprocher petit à petit en avançant vers le pôle, sont parallèles entre eux. Par suite de cela, il serait assez difficile de comparer entre elles deux puissances dont les cartes seraient dressées suivant cette projection, une de ces régions étant située dans la partie équatoriale et l'autre vers les latitudes élevées.

Tel n'est pas le cas lorsqu'on compare les pays d'Europe avec l'Amérique du Nord.

Sur cette carte, les diverses puissances européennes sont placées, sur le continent américain, à leur véritable latitude et l'échelle employée est la même de part et d'autre, de sorte qu'il n'y a pas lieu à confusion.

Prenons la France: elle est dessinée à cheval sur la province de Québec, de telle façon que le méridien de Paris concorde avec celui de Montréal. Nous remarquons de suite que Paris est plus rapproché du pôle que Montréal et occupe une latitude sensiblement égale à celle de Vancouver, Port-Arthur, le nord du lac Saint-Jean et Matane, sur la rive droite de l'estuaire du fleuve Saint-Laurent.

La plus grande distance nord-sud que l'on puisse parcourir en France, c'est-à-dire de Dunkerque à la frontière d'Espagne, près de Port-Vendres, est équivalente à la différence de latitude entre l'extrémité sud de la baie d'Hudson et les villes de Détroit ou Boston.

Brest à l'ouest et Menton' à l'est, aux bords de la Méditerranée sont les deux points extrêmes de la France comme longitude, et cette différence est à peu près équivalente à celle qui existe entre les villes de London (Ontario) et de Portland (Maine).

La Suisse, pays si montagneux, avec des pics de douze à quatorze mille pieds, peut être représentée par un ovale compris entre la Rivière-du-Loup (Fraserville), Frédéricton (Nouveau - Brunswick) et le village de SaintFrançois de Beauce.

L'Angleterre et l'Irlande sont enclavées dans la grande presqu'île du Labrador, dont elles n'occupent qu'une bien faible partie.

Londres correspond à peu près au détroit de BelleIsle et à l'extrémité sud de la baie d'Hudson comme latitude.

Pour ce qui concerne la température des Iles Britanniques, le contraste est frappant lorsqu'on voit que la ville d'Edimbourg, cette belle Athènes du Nord, occupe une latitude égale à celle de Hopedale, malheureux bourg de pêcheurs esquimaux, situé sur la côte du Labrador, et où les rigueurs d'un hiver glacial se font sentir pendant les deux tiers de l'année.

Également, la ville d'Inverness, au nord de l'Écosse, occupe une latitude égale à celle de Sitka (Alaska).

Le contraste est encore plus frappant si nous arrivons à la Belgique.

Cette petite puissance et la Hollande sont reproduites à cheval sur le Manitoba, toujours à leur véritable latitude.

La Belgique a une surface de 11,373 milles anglais carrés et celle de la Hollande est de 12,680.

Le total de ces deux surfaces nous donne 24,053 milles carrés, ce qui ne fait pas la moitié de celle du Manitoba, évaluée à 64,066 milles carrés.

La population de la Belgique est de 6,200,000 habitants; si la densité de la population était la même au Manitoba, ce dernier devrait avoir une population de 34,900,000 âmes; d'après les dernières statistiques, il n'en contiendrait qu'environ 160,000; les habitants du Manitoba

peuvent donc dormir tranquilles et n'ont pas à craindre de se voir bientôt aussi serrés qu'en Belgique.

Les Iles Britanniques sont reproduites à nouveau sur la région Ouest, afin de donner une juste idée de leur faible étendue par rapport aux territoires d'Alberta, Saskatchewan, etc... Valence, le pays des belles oranges, est à une latitude presque équivalente à celle de Denver, mais la température hivernale est loin d'être la même dans chacune de ces deux villes.

L'Amérique est vraiment le pays des grands fleuves : le Missouri traverse une région qui excède en longueur le parcours que l'on ferait en traversant la France dans toute sa largeur, la Suisse, puis l'Italie dans toute sa longueur; et ce cours d'eau n'est qu'un affluent du Mississippi; mais en remontant du confluent vers les deux sources, le Mississippi a un moins long cours.

La presqu'île scandinave, formée de la réunion de la Suède et de la Norwège, est allongée du sud au nord et reproduite sur le territoire du Nord-Ouest.

A Sitka, petite ville où se trouve concentré le commerce des fourrures de l'Alaska, et située dans une île du Pacifique, on ne pense guère avec plaisir à se diriger vers le nord; assez nord comme cela, dit-on, et si ce n'était que le commerce des fourrures oblige un certain nombre d'hommes un peu aventuriers à s'avancer vers le fleuve Yukon, dans l'intérêt de leurs affaires, l'Alaska serait un pays presque aussi inconnu, ou du moins aussi peu fréquenté que la région des tundras dans la partie nord de la Sibérie. (1)

La ville de Stockholm occupe sensiblement la même latitude que Fort Churchill, terminus sur la baie d'Hudson de la ligne projetée de Winnipeg à cette baie.

(1) Ce travail est dans nos cartons depuis plusieurs mois, attendant son tour pour paraître, ce qui explique pourquoi l'auteur ne parle pas du Klondyke et de la récente découverte de ses mines, qui a depuis entraîné une foule avide d'or à remonter le Yukon. (N. de la D)