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au sixième degré, il pouvait être leur héritier et à ce titre leur avoir succédé dans le comté de Beaufort.

Ce qui semble certain, c'est qu'Henri de Foix, fils du vicomte de Lautrec, fut réellement propriétaire du comté de Beaufort; qu'étant mort sans alliance en 1540, sa succession fut dévolue à sa sœur Claude de Foix, mariée en premières noces à Guy de Laval et en deuxièmes à Charles de Luxembourg. Elle mourut en 1553 sans descendance 1. Après ce décès, la propriété du comté de Beaufort passa dans la maison de Nevers.

Odet de Foix, vicomte de Lautrec, avait épousé Charlotte d'Albert, troisième fille de Jean d'Albert, sire de Dorval. Charlotte d'Albert était sœur germaine de Marie d'Albert qui fut mariée à Charles de Clèves, duc de Nevers; leurs enfants étaient donc cousins germains. Les descendants d'Odet de Foix étant morts sans postérité, les enfants de Charles de Clèves et de Marie d'Albert se trouvaient leurs plus proches héritiers et ce fut à ce titre que le comté de Beaufort devint la propriété de François I de Clèves, duc de Nevers, gouverneur de la Champagne. François I de Clèves mourut le 13 février 1562, ne laissant que trois filles ses trois fils étaient morts enfants et sans postérité Henriette de Clèves, épouse de Louis de Gonzague qui fut duc de Nevers et gouverneur de la Champagne, Catherine de Clèves, épouse en deuxièmes noces de Henri de Lorraine, duc de Guise et Marie de Clèves qui eut en partage dans la succession paternelle les biens situés en Champagne, aux termes d'un acte du 1er mars 1566. Elle fut marquise d'Isles (Isle-Aumont) et comtesse de Beaufort, et elle est inscrite sous ces titres dans diverses déclarations en date de 1569 que l'on trouve dans un ancien censier du comté de Beaufort 2.

Marie de Clèves épousa, en 1572, Henri Ier de Bourbon, prince de Condé et mourut le 30 octobre 1574, laissant une

1 P. Anselme, I, 253; III, 373-380; VI, 218; VII, 142.

2 Archives de l'Aube, fonds de Beaufort.

seule fille, Catherine de Bourbon, décédée sans alliance en 1595. Sa succession fut dévolue à ses deux tantes Henriette, duchesse de Nevers, veuve de Louis de Gonzague et à Catherine, duchesse de Guise. Un partage de cette succession intervint le 4 février 1596 et le comté de Beaufort fut attribué à la duchesse de Guise 1.

Ce fut l'année suivante, le 6 juillet 1597, que la duchesse de Guise vendit le comté de Beaufort et toutes ses dépendances à Gabrielle d'Estrée, à la maitresse si connue d'Henri IV. Cette vente est rappelée dans le contrat du 18 mars 1688, dont nous allons parler 2. Aussitôt cette acquisition faite, par lettres patentes de juillet 1597, le roi Henri IV réunit le comté de Beaufort et la baronie de Jaucourt et les érigea en duché-pairie en faveur de César, depuis duc de Vendôme, son fils naturel, né de Gabrielle d'Estrée, marquise de Monceaux, pour jouir de ces biens dans les mêmes conditions qu'en avaient joui les princes des maisons de Foix, d'Albret et de Nevers 3. »

César, duc de Vendôme, né en juin 1594, mourut en octobre 1665; il avait épousé Françoise de Lorraine, duchesse de Mercœur, dont il eut deux fils, Louis auquel échut le duché et le titre de duc de Vendôme et François auquel fut attribué le duché et le titre de duc de Beaufort. François, duc de Beaufort, on le sait, héritier de la valeur chevaleresque de son aïeul le roi Henri IV, se signala par de grands services dans de nombreux combats livrés aux ennemis de la France et dans des expéditions lointaines où le courage des armées françaises brilla du plus vif éclat, mais malheureusement, entraîné par son caractère turbulent et brouillon dans les

1.Inventaire des titres de Nevers par l'abbé de Marolles, publication du comte de Soultrait, p. 15 et 16; Moréri, I, première partie, 300; II, deuxième partie, 147; VII, 986; P. Anselme, III, 451; VI, 218; M. A. Roserot, Notice historique sur Villemaur, insérée dans la Revue de Champagne et de Brie, Juillet 1879.

2 P. Anselme, V, 709-715.

P. Anselme, IV, 84, 85, 86.

intrigues de la Fronde, il acquit sous le nom du Roi des Halles, un renom trop connu pour que nous insistions sur cette triste page de son histoire. François mourut au siège de Candie, le 25 juin 1669, sans alliance. Il laissait pour ses héritiers sa mère Françoise de Lorraine et son frère Louis, duc de Vendôme. Louis, qui depuis son veuvage était entré dans les ordres et avait été promu au cardinalat avait eu trois enfants Louis-Joseph, duc de Vendôme, Philippe, prince de Vendôme, grand-prieur de France et Jules César, mort en bas-âge 1. La succession de Françoise de Lorraine devait être chargée de dettes, car elle ne fut acceptée par son petitfils Louis-Joseph que sous bénéfice d'inventaire et ce fut en cette qualité d'héritier bénéficiaire de son aïeule et pour éteindre des dettes existant alors que Louis-Joseph, duc de Vendôme vendit, par contrat du 18 mars 1688, à CharlesFrançois-Frédéric de Montmorency-Luxembourg, prince de Tingry le duché-pairie de Beaufort, siz en Champagne, consistant en la baronie de Beaufort, Soulaines, Larzicourt et Jaucourt, plus la seigneurie de Villemahieu, sise audit Soulaines, retirée par puissance de fief, moyennant 460,000 livres, payables aux créanciers. Au mois de mai 1688, par lettres patentes du roi Louis XIV, cette acquisition fut approuvée et l'érection de ce duché en duché-pairie fut renouvelée en faveur de Charles-François-Frédéric de MontmorencyLuxembourg. Puis, par autres lettres patentes du roi à la date d'octobre 1689, délivrées à la requête de ce dernier, il fut statué que désormais Beaufort serait appellé Montmorency 3.

Dire ce qu'il advint de Beaufort depuis le jour où la famille

1 Moréri, V, première partie, 313.

2 Probablement le prince de Montmorency-Luxembourg, acquéreur, était seigneur dominant de Villemahieu.

3 P. Anselme, V, 709-715. Les 460,000 livres représentent la valeur intrinsèque de la livre étant de 1 fr. 86 multipliée par 2 pour le taux du pouvoir commercial - 1,711,200 francs.

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de Montmorency-Luxembourg en est devenue propriétaire pourrait sans doute présenter de l'intérêt, mais nous ne faisons pas l'histoire de cette ancienne chatellenie; tel n'est pas l'objet que nous nous sommes proposé dans notre travail. Nous avons voulu seulement faire connaitre les divers personnages par lesquels autrefois Beaufort fut successivement possédé, le rang élevé qu'ils ont occupé et signaler la célébrité de plusieurs d'entre eux; tel était notre but et nous espérons l'avoir atteint. Cependant nous nous croyons obligé de dire que Beaufort aujourd'hui a subi la condition commune à tant de choses qui ont vécu ici-bas; s'il a eu sa vie et son renom dans les siècles écoulés, le temps a presque tout détruit, a presque fait tout oublier.

Au touriste, qui curieux de l'histoire de notre vieille province de Champagne parcourrait nos contrées et arrivé sur le plateau qui donine le village de Montmorency, demanderait où fut le vieux château de Beaufort, que pourrait-on lui montrer, sinon un terrain vague, couvert de ronces et de quelques débris de pierres éparses? De l'ancienne forteresse de Beaufort, de ses puissantes murailles, de son imposant donjon dominant au loin la plaine, il ne se voit plus que le sol sur lequel ils étaient assis et la trace de ses fossés à demi comblés : il ne reste rien de plus... Si vous vouliez évoquer le passé de ces derniers vestiges et connaître s'il en reste quelques souvenirs, que vous répondra l'habitant de la contrée? Hélas! que sait-il? Des gloires de la vieille chatellenie au moyen-âge comme dans les temps plus rapprochés, du renom de ses châtelains, de ses comtes et de ses ducs, que saurait-il dire? Le temps encore a fait presque tout oublier.

1 Il ne reste plus aujourd'hui que l'emplacement du château et la trace des fossés avec leurs parapets en terre. Cet emplacement mesure une contenance de 2 hectares 69 ares 58 centiares. Les ruines du château existaient encore au XVIIIe siècle. Le donjon devait avoir un diamètre de 13 50; sa hauteur devait être de 26 mètres environ. Répertoire archéologique du département de l'Aube, par M. D'Arbois de Jubainville verbo : Montmorency, col. l'í.

De la fameuse maison de Broyes, des anciens comtes de Rethel, de la maison royale de Lancastre et des rois qu'elle a donné à l'Angleterre, qui s'en souviendrait? Qui même pourrait rappeler, remontant à une époque moins éloignée, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, Jacques d'Armagnac, ses trahisons et son supplice; Gaston de Foix, sa jeunesse et ses exploits? Un nom peut-être sera prononcé, il éveille de gracieuses pensées, d'ailleurs il se rattache au plus populaire de nos rois, celui de Gabrielle d'Estrée, la célèbre maîtresse d'Henri IV. Ce souvenir, on le comprend, a pu être respecté et ne pas tomber dans l'oubli. La chatellenie de Beaufort, nous le répétons, a subi la loi inexorable du temps, elle ne vit plus que dans les cartulaires de nos anciennes abbayes et dans nos vieilles chroniques. Cependant, si le village a perdu son vieux nom et avec lui les souvenirs des gloires de son passé, ne le plaignons qu'à demi, puisqu'il lui a été donné de s'appeler aujourd'hui du grand nom des Montmorency.

Troyes, le 10 juin 1880.

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