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GEORGES DE VAUDREY

d'après une peinture du Musée de Troyes.

DE

GEORGES DE VAUDREY

MARQUIS DE SAINT-FAL

AU MUSÉE DE TROYES

PAR

M. ALPHONSE ROSEROT

MEMBRE RÉSIDANT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE L'AUBE

I

Le musée de la ville de Troyes possède un intéressant portrait d'homme, en buste, dont on voit ci-contre une reproduction lithographique. L'inscription mise en haut du tableau nous apprend que ce personnage est Georges de Vaudrey, marquis de Saint-Fal 1.

Si nous consultons la généalogie de Vaudrey produite en 1670 devant M. de Caumartin, intendant de Champagne, nous voyons que deux membres de cette famille ont porté le prénom de Georges et possédé la seigneurie de Saint-Fal; que l'un était mort dès 1608 et que l'autre, fils du premier, mou

1 L'orthographe généralement usitée est Saint-Phal. Son emploi date du XVII siècle, époque où l'on modifia souvent mal à propos l'orthographe des noms de lieux; cette transformation ne nous parait pas justifiée. Les formes anciennes sont Sanctus-Fidolus, Saint-Fal, Saint-Fale et Saint-Falle.

rut en 16161. Quel est donc celui des deux Georges que représente la peinture du musée de Troyes?

M. Quicherat a reproduit dans son Histoire du costume en France, page 457, d'après une gravure du temps, le portrait du maréchal de Souvré, gouverneur de Louis XIII. Il est vêtu de la même manière que notre Georges de Vaudrey et porte notamment une collerette de forme tout à fait semblable; le savant auteur date son costume des années de la jeunesse de Louis XIII. On sait que ce prince naquit en 1601 et monta sur le trône en 1610; ce serait donc entre 1601 et 1610 environ qu'aurait été peint le portrait de Georges de Vaudrey.

En observant le tableau qui nous occupe, nous voyons que le personnage paraît avoir de trente à trente-cinq ans. Si nous admettons que Georges Ier se soit marié au plus tôt à vingt ans, ce qui est assez croyable, nous trouvons qu'il aurait eu cinquante-cinq ans à la fin des dix premières années de la jeunesse de Louis XIII, c'est-à-dire en 1611, car il s'était marié en 1575 2. Il est donc difficile de voir dans cette peinture les traits de Georges Ier, ce qui nous conduit à opter pour Georges II, lequel se maria en 1608 3. Sans doute, il n'est pas toujours possible de déterminer, même approximativement, l'âge d'une personne d'après sa physionomie, et il est permis de supposer que Georges Ier de Vaudrey aurait été, à l'époque où fut fait ce portrait, plus âgé qu'il ne le paraissait. Mais il importe de remarquer que nous avons raisonné sur l'hypothèse la moins favorable à notre thèse en admettant que Georges Ier se serait marié dès l'âge de vingt-ans, et si tenant compte de l'usage le plus répaudu même au seizième siècle nous avions fixé à vingt-cinq ou trente ans l'âge qu'il devait avoir lors de son mariage, nous aurions été amenés à lui donner soixante à soixante cinq ans en 1611.

1 Contrat de mariage de Georges de Vaudrey, fils unique de feu Georges de Vaudrey, 4 août 1608. Nomination d'un tuteur à Charles-Louis-Anne de Vaudrey, fils de deffunt Georges de Vaudrey, 31 août 1616.

2 Généalogie de Vaudrey produite devant M. de Caumartin. 3 lbidem.

M. Le Brun-Dalbanne a consacré quelques pages à l'étude de ce portrait, dont il a cherché à déterminer l'auteur, et il a conclu en faveur de Louis Le Nain 1. Cet artiste est mort en 1648. A quelle époque a-t-il commencé de peindre des portraits? On l'ignore; les mémoires de dom Leleu, sur la ville de Laon, nous apprennent seulement que Louis Le Nain et ses frères fleurissaient en l'an 16322: ces indications sont trop vagues pour que nous ayions songé à les utiliser dans ce travail d'identification.

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Georges II de Vaudrey était fils de Georges Ier de Vaudrey, bailli de Troyes en 1583 et encore en 1588 3, et de Jeanne du Plessis de Beaupréau. Cette dernière mourut à Paris au mois d'avril 1584. Ses restes mortels furent transférés à Troyes et inhumés en l'église collégiale de Saint-Etienne 5.

:

Son père, en qualité de bailli de Troyes, fonction qu'avait également remplie Anne de Vaudrey, son grand-père, était le premier personnage du pays. On sait en effet que les baillis, malgré les restrictions apportées à leurs attributions primitives, étaient encore dans les derniers siècles de la monarchie des fonctionnaires occupant une haute situation ils commandaient la noblesse de leur bailliage. Aussi lorsque la reine de France, Louise de Lorraine, passa à Troyes au mois de juillet 1582, revenant de son pays natal, elle s'arrêta au château de Saint-Fal où elle coucha. Elle y fut magnifiquement reçue par le marquis de Saint-Fal 6.

1 Les tableaux des inconnus, au Musée de Troyes (Mémoires de la Société académique de l'Aube, 1871).

2 Champfleury, Nouvelles recherches sur la vie et l'œuvre des frères Le Nain (Gazette des Beaux-Arts, VIII, 267).

3 Arch. de l'Aube, E. 52 et Courtalon, II. 364.

4 Gén. de Vaudrey pour M. de Caumartin.

5 Courtalon, I. 136-137.

• Courtalon, I. 435.

Georges II épousa en 1608 Anne Largentier, fille de Nicolas Largentier, baron de Chapelaine', seigneur de Chamoy et de Vaucemain 2, et de Marie Le Mairat. Il était alors chevalier de l'ordre du Roi 3. Nous ne voyons pas qu'il ait rempli de fonctions publiques; aussi l'histoire de sa vie nous est tout à fait inconnue. Nous avons dit plus haut qu'il mourut en 1616.

Son grand-père, Anne de Vaudrey, bailli de Troyes du 28 novembre 1559 au mois de février 1579, époque de sa mort, fut élu député de la noblesse du bailliage de Troyes aux Etats-Généraux de 1560 et de 1576 5. Il prit part au siége de Vézelay en 1569, en qualité de maréchal de camp, et se signala par son intolérance envers les protestants. Enfin il acquit un triste renom en devenant l'un des exécuteurs de la Saint-Barthélemy à Troyes: le 4 septembre 1572 il fit massacrer quarante-cinq personnes qu'il avait fait incarcérer peu de jours auparavant et qui étaient convaincues ou simplement soupçonnées d'avoir favorisé la propagande des idées de la Réforme 6.

Georges Ier, fils d'Anne et père de Georges II, se rallia au Béarnais, et lorsqu'en 1592 le duc de Guise mit le siège devant le château de Saint-Fal, la garnison résista courageusement sous les ordres du capitaine La Planche; le duc de Guise dut lever le siége: ses soldats se vengèrent de leur insuccès en mettant le feu au pays dont un tiers fut brûlé 7.

Troyes, le 1er novembre 1880.

1

1 Commune de Vassimont (Marne).

2 Commune de Sommeval (Aube).

3 Gén. de Vaudrey produite devant M. de Caumartin.

4 Boutiot, Histoire de Troyes, III. 455 et IV, 117.

5 Documents inédits relatifs à la ville de Troyes et à la Champagne méri

dionale, publiés par la Société académique de l'Aube, I, 213.

6 Boutiot, Histoire de Troyes, III, 469 et 635. IV, 23 et suiv. 36-39.

7 Boutiot, ibidem, IV, 217-218.

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