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L'homme de

est vu de tous

» l'homme d'affaires est un ours qu'on ne » saurait apprivoiser; on ne le voit dans »sa loge qu'avec peine. » lettres, au contraire, >> et à toutes les heures; ...... il ne peut » être important et il ne le veut point » être (1) ». Ne serait-ce point ce passage qu'avait particulièrement en vue le successeur du philosophe à l'Académie française, lorsque, attestant ses collégues qui l'avaient connu de plus près, La Bruyère, assurait-il, en fesant les caractères des autres parfaitement exprimé le sien (2). N'y retrouvons nous pas, en effet, celui qu'on nous représente comme n'ayant d'autre ambition que de vivre tranquillement avec des amis et des livres?

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α

Quant au bon choix qu'il sut en faire, c'étaient, pour les livres, les anciens, j'en

(1) La Bruyère, chap. VI, Des Biens de fortune. Voyez tout le paragraphe dont on ne donne ici que la substance.

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(2) Discours de réception de l'abbé Fleuri, Recueil des Harangues prononcées par MM. de l'Académie française, seconde édition. Paris, 1714, tome III,

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tends ceux qu'adopte pour maîtres quiconque est appelé à le devenir : et c'étaient, parmi les modernes, pour ses livres comme pour ses amis, ceux qui ressemblaient aux anciens : C'étaient les Boileaux, les Racines les Molières, les La Fontaines; cet éloquent Bossuet qui l'appela, jeune encore, auprès du duc de Bourbon, pour lui enseigner l'histoire, et ce Malézieu plein de goût, dont il estimait les avis, et qui fut le confident des premiers travaux de Voltaire.

Si l'on en juge par le discours du successeur de La Bruyère à l'Académie française, les collégues de cet homme illustre avaient déploré sa perte comme celle d'un ami, frappé presque entre leurs bras, par une mort surprenante et prématurée. Ces paroles sont très- remarquables. On n'ignore point que l'auteur des Caractères avait blessé dans son livre un grand nombre d'Académiciens. Comme Boileau, plusieurs raisons (1) semblaient l'exclure de l'Académie

(1) Discours de réception de Boileau à l'Académie française

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où il n'a siégé que trois années. Serait-il vrai que dans un tems si court, l'habitude de le voir, une connaissance plus intime de son caractère eût suffi pour dissiper des préventions intéressées, calmer les ressentimens, et lui concilier tous les cœurs ? S'il est ainsi, quel autre témoignage voulonsnous de son caractère? Un changement si prompt et si rare ne suppose-t-il pas à-lafois, et les vertus qui commandent l'estime, et ces qualités aimables qui rendent la vertu douce et l'estime bienveillante ?

Tel se montre en effet La Bruyère, et, ce qu'il ne faut pas oublier, dans un ouvrage tout satirique. La politesse, l'urbanité, toutes les vertus sociales y sont peintes avec amour, et avec moins d'esprit encore que de complaisance. Le cachet de l'homme aimable ou du vertueux citoyen est empreint sur chaque page du philosophe inexorable et du critique rigoureux. Le censeur le plus amer des mœurs corrompues de son siècle, interdit à sa voix courageuse, mais pure de toute personnalité, la plaisanterie qui diffame, et le sarcasme qui voudrait avilir. Je tiens de lui cette maxime que

ceux qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres plutôt que de perdre un bon mot, méritent une peine infamante (1): Qu'on réfléchisse un moment que c'est un écrivain satirique qui n'a pas craint d'avancer cela; et qu'aucun de ses nombreux ennemis, en vomissant contre lui tant d'injures, ne s'est jamais hasardé à lui en faire l'application.

Ces écrivains satiriques, ces censeurs que les vices du siècle importunent, et qui moralisent en médisant, sont jugés, par représailles, avec une sévérité placée tout près de l'injustice. La satire met son auteur hors des lois de la charité : trop de gens trouvent leur compte à faire honneur au caractère des malices de l'esprit. Tel qui se sent blessé crie; tel crie de la blessure d'un autre : tous frappent l'ennemi commun pour empêcher qu'on ne l'écoute et si parmi leurs clameurs, l'imprudente équité s'élève pour le défendre, elle irrite l'amour-propre, et ne le persuade pas. Quand madame de Sévigné

(1) La Bruyère, chap. VIII, De la Cour.

disait

disait d'une manière charmante: Despréaux n'est cruel qu'en vers, Perrault n'en voulait rien croire et il est présumable, tout au moins, que ce n'est pas Fontenelle (1) qui a dépeint La Bruyère à son confrère d'Olivet comme un philosophe modeste, poli dans ses manières et sage dans ses discours:

Ce qui trouvera plus d'incrédules, c'est le témoignage que lui rend l'abbé d'Olivet luimême, de craindre toute sorte d'ambition, même celle de montrer de l'esprit. Craindre l'ambition de montrer de l'esprit dans un

.....

(1) Aucun des commentateurs de La Bruyère n'a fait remarquer les traits qu'il lance quelquefois contre Fontenelle; ils ont tout mis sur le compte de Perrault. Lequel des deux cependant est le plus visiblement désigné dans le Caractère de Cydias qui s'égale à Lucien et à Sénèque (le tragique), se met au-dessus de Vir gile et de Théocrite,... uni de goût et d'intérêts avec les contempteurs d'Homère, etc.? Ce dernier trait ne saurait convenir à Perrault que les contempteurs d'Homère reconnaissaient tous pour leur chef, et les premiers tombent évidemment sur l'auteur des Dialogues des Morts dont quelques-uns', je crois, étaient déjà connus; enfin sur l'auteur des Églogues et de la tragédie d'Aspar.

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