Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

NANTES, IMP. DE VINCENT FOREST ET ÉMILE GRIMAUD, PLACE DU COMMERCE, 1.

[ocr errors]

UN POÈTE IRLANDAIS

A LA BRETAGNE.

Depuis plusieurs années, des rapports aussi agréables qu'utiles se sont noués entre les archéologues des différentes branches de la famille celtique. Les Bretons du Pays de Galles prirent l'initiative à l'instigation d'un de nos plus éminents compatriotes, M. Rio, marié parmi eux. L'entrevue qui eut lieu, en 1838, entre les Armoricains et les Gallois inspira M. de Lamartine : les premières strophes de son poème, les seules qui répondissent un peu à la situation, sont encore dans toutes les mémoires :

Lorsqu'ils se rencontraient sur la vague ou la grève,
En souvenir vivant d'un antique départ,

Nos pères se montraient les deux moitiés d'un glaive
Dont chacun d'eux gardait la symbolique part;
Frère! se disaient-ils, reconnais-tu la lame?
Est-ce bien là l'éclair, l'eau, la trempe et le fil?
Et l'acier qu'a fondu le même jet de flamme
Fibre à fibre se rejoint-il?

Et nous, nous vous disons: O fils des mêmes plages!
Nous sommes un tronçon de ce glaive vainqueur:
Regardez-nous aux yeux, aux cheveux, aux visages,
Nous reconnaissez-vous à la trempe du cœur?...

452180

Il n'a pas dépendu de nous que « les deux tronçons du glaive » se réunissent en Armorique comme précédemment dans le Pays de Galles. On sait comment l'Association bretonne a été dissoute, à la veille d'un congrès qui aurait rassemblé à Vannes les plus dignes représentants de la race et de la science celtiques. (( Dix mille congrès pareils, disait à ce propos le Saturday Review (7 juin 1862), auraient à peine attiré l'attention de notre reine ou de ses conseillers; mais on a craint, à ce qu'il paraît, que cette réunion ne ressuscitât quelque nouvel Arthur. »

Quoi qu'il en soit, des particuliers ont pu rendre une politesse que la politique interdisait à une association, et plus d'un de nos frères des Iles Britanniques a pris place, sinon au bureau de notre classe d'Archéologie, du moins à la table bretonne. Parmi ces derniers, nous avons vu, avec autant d'orgueil que de satisfaction, M. Samuel Ferguson, qui joint au talent poétique de notre Brizeux une science d'archéologue qui lui a donné un des premiers rangs dans la Société royale d'Irlande. Il a passé plusieurs semaines en Bretagne, recherchant, étudiant, dessinant nos monuments primitifs, les comparant avec ceux de son pays, plein d'une admiration de jour en jour plus justifiée pour nos communs ancêtres. Il se trouvait parmi nous précisément à l'époque où l'ouverture du chemin de fer jusqu'à Quimper faisait répéter les présages plus éloquents que fondés de notre poète national sur l'avenir de la Bretagne, et inspirait cette lettre de part ridicule, énergiquement désavouée par tout patriote éclairé. Mais, qu'on le sache, il ne put s'empêcher de sourire des craintes puériles de quelques-uns de nos concitoyens. Il s'associa de grand cœur à nos protestations, et eût applaudi particulièrement à celle de ce digne religieux breton de la Compagnie de Jésus, vrai disciple du P. Maunoir, qui répondait naguère avec tant de chaleur et de raison aux prophètes de malheur : « Non, l'Armorique ne sera pas si tôt absorbée dans l'uniformité d'une civilisation plate et monotone. Bien longtemps elle conservera les traits qui accentuent si vigoureusement sa physionomie originale. Ce vieil idiome celtique subsistera.... La sauvegarde d'un isolement protecleur ne

cessera pas entièrement d'exister pour la majeure

[ocr errors]

partie de la population, et la ténacité de son caractère, son entêtement proverbial, sauveront, du moins en partie, les traditions, les usages, les coutumes d'autrefois. Et toutes ces causes réunies préserveront elles-mêmes ce qui est mille fois plus précieux que tout le reste : les croyances et les mœurs.... Sur bien des points la foi bretonne a été mise depuis longtemps en contact avec les grands centres et les influences étrangères. Qu'en est-il résulté? quelques éclaboussures sur la robe d'hermines, là, comme ailleurs, mais pas beaucoup plus qu'ailleurs..... L'Église a toujours vu l'éternel mélange de l'ivraie avec le bon grain et partant la nécessité de la lutte opiniâtre du bien contre le mal. Ces conditions qui sont, hélas! plus que jamais celles de nos sociétés modernes, acceptons-les sans trop de frayeur, et sans ces accès de mauvaise humeur toujours inutiles et parfois funestes, car tout ce qui décourage affaiblit. Après tout la race bretonne, plus encore, peut-être, que toute autre, est de taille à braver les chances dn combat1. >>

Bien mieux, l'état actuel de l'Irlande donna à M. Ferguson des sentiments d'envie pour notre Bretagne, « heureuse si elle connaissait son bonheur ! » Ces sentiments et d'autres non moins rassurants font le sujet d'une pièce de poésie qu'il a composée à son départ de notre pays. Pour la perfection de la forme, l'ampleur du souffle et l'abondance de la veine, elle mériterait d'être rapprochée de l'Élégie de la Bretagne, sur laquelle elle l'emporte par la justesse des idées et cette fortifiante doctrine de l'espérance qui a toujours été et sera toujours la suprême vertu de la race celtique. Seulement, tout le monde plaindra l'auteur de ce qu'il n'ait plus trouvé parmi nous, pour lui adresser sa consolante réponse, celui qui est monté « si triste »

Vers une autre Bretagne en des mondes meilleurs.

HERSART DE LA VILLEMARQUÉ,

Membre de l'Institut.

1 P. Toulemont, Études religieuses, historiques et litteraires, septembre-octobre

1863.

TO THE VISCOUNT DE LA VILLEMARQUÉ.

ADIEU TO BRITTANY.

I.

Rugged land of the granite and oak,

I depart with a sigh from thy shore,
And with kinsman's affection a blessing invoke

On the maids and the men of Arvôr.

II.

For the Irish and Breton are kin,

Though the lights of Antiquity pale

In the point of the dawn where the partings begin Of the Bolg and the Kymro and Gael;

III.

But though dim in the distance of time,
Be the low-burning beacons of fame,
Holy Nature attests us in writing sublime
On heart and on visage, the same;

« PreviousContinue »