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mille francs; Mgr l'évêque de Nantes, qu'on est toujours sûr de trouver prêt à partager les douleurs de son troupeau, a prescrit à ses prêtres de faire une quête, le dimanche suivant, dans toute les paroisses de sa ville épiscopale. Cette collecte devait avoir lieu pour le produit en être versé dans le trésor pontifical; Mgr Jaquemet a pensé que le Père commun des fidèles, averti de notre malheur, nous aurait lui-même envoyé son obole. Il a cru le prévenir, ainsi qu'il le dit dans sa lettre pastorale.

Une liste de souscription a été, en outre, ouverte au secrétariat de l'Evêché et dans les journaux. Enfin, le Conseil Municipal a voté un crédit de dix mille francs pour ce même objet, et le Maire de Nantes a fait afficher sur les murs de notre cité une proclamation où il remercie tous ceux qui se sont montrés si dévoués dans cette circonstance, et où nous lisons avec bonheur ce juste hommage, qui confirme tout ce que nous avons dit précédemment : « Au premier cri d'alarme, le bataillon des Sapeurs-pompiers se rendait à son poste. En même temps arrivait au pas de course le brave 91me de ligne..... puis de dignes prêtres, de bons religieux, des citoyens de tout âge et de toutes les classes. »

LOUIS DE KERJEAN.

NÉCROLOGIE.

M. PITRE-CHEVALIER.

Nous apprenons avec douleur la mort de M. Pitre-Chevalier, qui avait su se faire, dans la littérature, une place des plus distinguées. Un des propriétaires du Musée des Familles,recueil dont il avait assuré le succès par une direction sage et morale, il se fit connaître par plusieurs autres ouvrages remarquables, entre autres des Etudes sur la Bretagne, puis par la Bretagne ancienne et moderne, livre qui obtint un grand succès.

On lui doit encore une traduction des Romans de Schiller, et Comédies de la princesse Amélie de Saxe. M. Pitre-Chevalier avait reçu la croix d'honneur en 1849, et il était veuf, depuis 1859, de Mlle Decan de Chatouville, qui, sous le pseudonyme de Lady Jeanne, avait publié, de son côté, quelques Nouvelles estimées.

Né à Paimbœuf, en 1812, et breton dans l'âme, M. Pitre-Chevalier

n'était âgé que de 51 ans, et cette perte imprévue afflige à la fois sa famille et ses nombreux amis, et tous ceux qui rendaient hommage à l'honorabilité de son caractère.

(Union du 17 juin).

THÉODORE ANNE.

LE COMMANDANT GUYET.

Un officier très-distingué vient de mourir à Paris : M. Charles Guyet a succombé, le 2 juin dernier, aux suites d'une paralysie qui le retenait à la chambre depuis trois ans.

Né dans la Vendée et destiné dès l'enfance au service de la marine, Guyet fut un des premiers élèves de l'école spéciale établie à Brest en 1811, sur le vaisseau le Tourville, école qui donna à la flotte toute une génération d'officiers distingués. M. Guyet en fut un des sujets remarquables. S'il ne s'éleva pas au-dessus du rang de capitaine de vaisseau (et le rang est assez beau déjà), c'est que sa santé le contraignit à prendre une retraite prématurée au moment où sans doute le grade de contre-amiral allait recompenser ses longs services.

Le commandant Guyet avait beaucoup navigué. Il assista, lieutenant de vaisseau, à la bataille de Navarin, sur le navire que montait l'amiral Lalande, alors capitaine. Lorsque le roi Louis-Philippe donna l'ordre au prince de Joinville d'aller à Sainte-Hélène chercher les restes mortels de l'empereur Napoléon, M. Guyet, sur la Favorite, accompagna la BellePoule que montait le commandant de l'expédition.

M. Guyet eut le commandement d'un vaisseau armé en flûte, et là fut la fin de sa carrière maritime.

Il est mort âgé de 66 ans, capitaine de vaisseau depuis fort longtemps; depuis dix-sept ans, officier de la Légion-d'honneur.

Ceux qui furent ses camarades à l'école de marine (celui qui consacre ces quelques lignes à sa mémoire, au souvenir d'un ami, est de ce nombre), tous ceux enfin qui ont servi avec lui ou sous ses ordres, savent combien les relations avec M. Charles Guyet étaient faciles et douces. On l'aimait pour sa bienveillance, qui n'excluait pas la fermeté; pour sa loyauté, qui ne se démentit jamais: c'était l'homme de son métier. Il sera universellement regretté.

A. JAL,

Historiographe de la Marine en retraite.

LES ARTISTES BRETONS & VENDÉENS

AU SALON DE 1863.

I.

Les mythologues grecs racontent que Jupiter ayant un jour làché deux aigles, l'un vers l'Orient et l'autre vers l'Occident, les deux oiseaux se rencontrèrent au-dessus de Delphes, sur le Parnasse, lui indiquant ainsi le centre du monde, dont, tout maître des dieux qu'il était, il avait perdu la notion 1. Ce fut là pour l'antiquité grecque l'Omphalos, le point central et sacré de l'univers. De même les Indous eurent leur Midhyama et les Scandinaves leur Midheim (remarquable ressemblance philologique), les Irlandais leur Meath, les Hébreux leur Palestine, les Péruviens leur Cuzco, etc., sans compter que, de leur côté, les philologues placent le centre primitif de l'humanité sur les plateaux de la Bactriane et de l'Oxus. Aujourd'hui les deux aigles de Jupiter, après avoir, en sens inverse, accompli leur voyage de circumnavigation aérienne, se rencontreraient sans aucun doute au-dessus des buttes Montmartre. L'ombilic de la terre s'est déplacé, en effet. Il n'est plus ni à Delphes la fatidique, ni dans l'Héliopolis aux temples d'or des Incas. C'est

1 Remarquons entre parenthèses que cette fable présente ceci de sérieux qu'elle tendrait à démontrer, dans les âges les plus lointains, la vague connaissance des antipodes et peut-être de la rotondité de la terre, deux faits qui paraissent avoir été ignorés cependant d'Homère et d'Hésiode.

TOME IV. 2e SÉRIE.

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autour d'un autre centre que gravite le monde moderne, j'entends le monde civilisé, ou du moins ce que l'on est convenu d'appeler de ce nom. Un point terrestre, longtemps imperceptible et inconnu, a insensiblement grandi, et le voilà devenu la métropole de l'univers. C'est Paris qui, à tort ou à raison, s'arroge ce titre superbe : et quelle ville, en effet, oserait le lui disputer? Grecs, Indous, Scandinaves, Péruviens, ne s'accordent-ils pas désormais pour fixer leurs yeux sur lui comme sur le centre unique? Voyez plutôt cette incessante procession d'illustrations de toutes les nations et en tout genre qui défile devant cet arbitre suprême, sollicitant son suffrage et lui demandant la consécration de leur renommée.

Pour entrer davantage dans mon sujet et ne parler que des expositions, la création entière semble vouloir payer tribut à l'insatiable curiosité de ce sultan blasé.

Avant-hier, c'était la gent volatile qui étalait à ses yeux (en attendant qu'elle les offrît à son palais) ses races les plus remarquables rassemblées de tous les pays.

Hier, c'était l'espèce canine qui avait réuni des quatre points de l'univers, sous les tentes de cette arche de Noé qui s'appelle le jardin d'acclimatation, ses innombrables variétés, depuis le molosse colossal et les meutes de puissants limiers, jusqu'au chien de boucherie chinois sans poil et au microscopique griffon, douillettement couché, par une main attentive, sur un coussin de soie rose dans une cage de verre. (Je passe sous silence, et pour cause, une autre exposition plus récente encore et non moins intéressante, celle des affiches multicolores, en vers et en prose, illustrées ou non, chantant à l'envi sur tous les modes connus, y compris le pindarique, les vertus et les alléchantes promesses des citoyens candidats, et qui, comme des drapeaux glorieusement déchirés dans la chaude mêlée du scrutin, émaillent encore nos murailles de leurs débris).

Aujourd'hui (si magna licet componere parvis), ce sont les beauxarts qui sollicitent notre attention et qui, dans leur exposition de cette année, nous invitent à les comparer à eux-mêmes, à juger de leurs progrès ou de leur décadence. Tâche ardue et délicate, que

j'abandonne aux Aristarques du pittoresque, me bornant à parcourir rapidement les galeries du salon et à noter au courant du crayon, sur les marges du livret, les tableaux que la nationalité de leurs auteurs recommande plus spécialement au bienveillant intérêt des lecteurs de la Revue : le tout en façon de conversation et sans prétention aucune à la critique, à l'esthétique et autres mots majestueux en usage chez les Winkelmann d'en-deçà et d'au-delà du Rhin.

A Marte principium.

-

Comme toujours, le palais de l'Industrie voit se livrer sous ses paisibles vitrines des combats acharnés. Guerre en Crimée, guerre en Italie, guerre en Afrique, guerre en Chine, guerre partout. A l'obusier de l'Alma répond le canon rayé de Solferino. Pendant que, à l'extrémité de l'Asie, nos fantassins, bien supérieurs en audace et en exploits aux soldats si vantés d'Alexandre, enfoncent à coups de baïonnettes les portes si obstinément closes de la capitale de l'Empire du Milieu (encore un Omphalos cosmique), sur les versants des gigantesques dunes sablonneuses de l'Arègne, en plein Sâh'ra, Berbères et Arabes, nos auxiliaires, mettent en déroute un parti de Touareg, ces mystérieux voleurs de nuit qui, le visage à demi-voilé, brandissent, du haut de leurs mahara rapides comme le vent, le trident trombach, à la manière des guerriers Makaraka Niam-Niam du Bahr-el-Ghazal.

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C'est encore le salon carré qui est le principal champ de bataille. Ses parois disparaissent sous d'immenses toiles où le sang coule à flots. Ce ne sont que chevaux éventrés, mourants déjà livides, blessés râlants, mêlées furieuses, trompettes retentissantes, canons tonnant. C'est un spectacle à faire dresser les cheveux, s'il en reste encore, sur la tête vénérable d'un membre du Congrès de la paix. Mais, par contre, l'orgueil national a de quoi se repaître. Ses peintres ordinaires n'ont rien négligé pour le flatter et le satisfaire. Si leur pinceau montra parfois plus de patriotisme et de bonne volonté que d'autre chose; si, racontant de glorieux triomphes, il fut vaincu lui-même par la grandeur de la tâche, découvrons-nous, comme au défilé d'une vaillante garnison prisonnière, et disons:

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