Page images
PDF
EPUB

je vous avouerai, entre nous, ami lecteur, que je ne suis pas sorti de cette séance entièrement satisfait, et je comparerais volontiers le menu intellectuel qui nous a été servi, à un dìner d'apparat où les hors-d'œuvre, les friandises, le dessert, l'emporteraient de beaucoup en qualité sur le principal, sur les mets de résistance. Ainsi les intermèdes musicaux ont été fort agréables et convenables, sauf un peu trop de champagne et d'amour, au refrain de je ne sais plus quel duo,-ce qui sortait sans doute de la gravité dans laquelle tient à se maintenir une assemblée aussi grave. L'accessoire ne laissait donc rien à désirer. Mais le discours? mais les rapports? Celui de M. Renoul fils, secrétaire-adjoint, chargé d'examiner les mémoires présentés au concours, a recueilli le plus d'applaudissements: il était clair, vif et bien dit.

En voici un passage, où le savant directeur de notre Muséum, M. Cailliaud, couronné pour un beau travail sur la conchyliologie du départe ment, reçoit un éloge que nous aimons à répéter:

« Toute la vie de M. Cailliaud se résume en deux mots: ténacité, persévérance. Telle est sa devise; telle elle fut au commencement de sa carrière quand, simple ouvrier, poussé par je ne sais quelle inspiration providentielle, il partit pour ses longs voyages, s'élançant dans l'inconnu, n'ayant pour guide que son esprit d'observation, pour soutien que son ardeur au travail.... La Hollande, la Belgique, l'Italie, la Sicile, sont promptement parcourues et livrent de nombreux trésors au naturaliste, à l'antiquaire. Au milieu de dangers sans nombre et de circonstances romanesques, Cailliaud arrive à Constantinople. Mais son esprit aventureux ne lui permet pas le repos; il reprend ses voyages à travers l'AsieMineure, la Syrie; il arrive enfin en Égypte. Les travaux auxquels il se livre, les richesses qu'il découvre, vous les connaissez, Messieurs; je ne dois pas oublier que naguère il vous en a fait hommage. C'est alors que M. Jomard écrivait avec l'approbation de tous les membres de la Commission d'Égypte, vivant encore : « Ce que cette célèbre Commission n'a pas fait en 1802, un jeune voyageur l'a exécuté en partie, quinze ans plus tard, avec non moins de zèle que ses précurseurs, avec autant de succès qu'on en pouvait attendre d'un homme isolé, presque dépourvu de tout autre secours qu'un zèle ardent pour l'honneur de son pays, un courage et un dévouement infatigable ».... Cette ardeur, le temps n'a pu la refroidir. Tel il était durant les voyages de sa jeunesse, tel encore le retrouvons-nous lorsque, plus âgé, il s'est spécialement consacré aux sciences naturelles. »

En bon historien, je dois déclarer que le rapport du secrétaire-général et le discours du président n'ont pas réussi à enthousiasmer l'assemblée et n'ont point réveillé les échos endormis depuis l'an passé, où ils avaient si souvent et si bruyamment retenti en l'honneur de M. Anthime Ménard.

Que M. le secrétaire-général me permette de le lui dire en passant: il n'a pas eu la main très-heureuse dans quelques-unes de ses appréciations; par exemple, lorsqu'en accusant M. Louis Veuillot d'aimer jusqu'à la boue des rues de la Ville éternelle, il a cru pouvoir traiter l'auteur du Parfum de Rome de pamphlétaire, et sans doute pour que les deux fissent la paire- lorsqu'il a jeté à ce penseur de génie, à Joseph de Maistre, le surnom d'illustre rêveur! Ces attaques me rappelaient un enfant qui s'amusait, un jour, à lancer des pierrettes à la tête d'une statue de bronze.

Avant d'aller plus loin, la docte Compagnie me permettra-t-elle de lui soumettre humblement une légère observation?... Elle se subdivise en plusieurs sections, sections de médecine, de sciences naturelles et de lettres. L'office du secrétaire-général consiste à rendre compte des travaux produits par chacun de ces groupes. Eh bien! j'ose demander, au nom de la bienséance, que désormais on supprime l'énumération et l'analyse des questions traitées par MM. les médecins; ou, si l'on ne veut, à toute force, renoncer à cet usage étrange, je fais des vœux pour que ce passage soit dorénavant écrit en latin, puisqu'il est convenu que

Le latin dans les mots brave l'honnêteté.

Eh! quoi, Messieurs de l'Académie, vous conviez à votre réunion un monde élégant et brillant, élégant et brillant, parce que la plus belle moitié du genre humain y est largement représentée; vous faites, avec une exquise courtoisie, les honneurs de votre grand salon à nos mères, à nos femmes, à nos filles, à nos sœurs; puis, voilà qu'un de vos dignitaires se lève, en face d'une table et d'un verre d'eau sucrée, pour leur lire, à haute et trop intelligible voix, des pages émaillées parfois de certains détails que des murs d'amphitéâtre seuls pourraient entendre sans embarras !... Tenez, chaque fois que pareille chose se renouvelle devant votre serviteur, je pense malgré moi à cette scène du Malade imaginaire où l'aimable Thomas Diafoirus dit à Angélique, dont il recherche la main : «Avec la permission de monsieur [votre père], je vous invite à venir voir l'un de ces jours, pour vous divertir, la dissection d'une femme sur quoije dois raisonner. » —— - Invitation qui provoque, vous le savez, cette réflexion de la suivante Toinette : - « Le divertissement sera agréable. Il y en a qui donnent la comédie à leurs maîtresses; mais donner la dissection est quelque chose de plus galant.

[ocr errors]

Je vote donc pour moins de galanterie et pour un morceau musical de plus, qui tiendrait lieu du morceau médical, sur lequel il est bien permis de coller cette étiquette: Non est his locus.

J'arrive un peu tard au discours. Pourtant il n'eût pas été sans intérêt

de l'examiner en détail; mais me voilà au bout de mon champ, ce qui me force à remettre la partie à une autre occasion. Bornons-nous donc, pour aujourd'hui, à établir que nous avons bien grand tort, d'après M. le docteur Blanchet, de nous plaindre sans cesse du temps où nous avons l'heur de vivre. Ingrats, aveugles que nous sommes, comment ne voyons et n'avouons-nous pas que, sous tous les rapports, pour les lettres, comme pour les arts et les sciences, notre âge a la gloire de ne le céder en rien à tous les siècles écoulés; en un mot, que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes et le meilleur des temps. Ainsi soit-il! mais nous sommes personnellement assez aveugle, assez ingrat, pour ne pas partager tout à fait l'optimisme de l'honorable président et pour trouver que cette thèse-là prête fortement à la controverse. C'est ce que votre chroniqueur ou un de ses confrères essaiera sans doute de démontrer, en l'an de grâce 1864, où il donne rendez-vous à tous ses lecteurs présents, et à bien d'autres encore, si les efforts et les travaux de la Revue reçoivent la récompense que leur souhaite de tout son cœur

LOUIS DE KERJEAN.

La Revue publiera prochainement l'Histoire de la lutte des Bretons insulaires contre les Anglo-Saxons, par M. A. de la Borderie.

ANNÉE 1863. DEUXIÈME SEMESTRE.

JUILLET.

Une question d'honneur national et littéraire, par M. le Vte Hersart de la Villemarqué, de l'Institut...

5

Les Antonins, de M. le comte Franz de Champagny, par M. Eugène de la Gournerie......

17

Les deux cousins, nouvelle bretonne, par M. E. du Laurens de la

Barre.....

Etudes sur l'histoire de Bretagne.

boise, par M. le Vte Edouard Sioc'han de Kersabiec........

Une légende du Tyrol, par M. Hippolyte Violeau..

32

Pierre II et Françoise d'Am

47

59

Poésies inédites de Maurice de Guérin. I. Un dimanche soir aux

grèves de Bretagne....

61

Notices et comptes rendus.

[merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

Otto Gartner, de M. Marin de Livonnière, par M. Ch. de Taillart.

trois derniers volumes du Dictionnaire de la Noblesse par La

65

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Lǝs artistes bretons et vendéens au salon de 1863, par M. Lucien

Dubois.....

81

Les Antonins, de M. le comte Franz de Champagny (fin), par
M. Eugène de la Gournerie..

97

Les deux cousins, nouvelle bretonne (fin), par M. E. du Laurens de la Barre...

112

TOME IV. 2e SÉRIE.

33

Le Cartulaire de Redon. - Réponse à quelques critiques de M. de
Courson, par M. Arthur de la Borderie....

125

[ocr errors]

Quelques locutions populaires en Vendée, par M. H. Grimouard de

Le siége de Lorient et la Procession de la Victoire, documents iné-
dits publiés par M. C. du Chalard...

[ocr errors]

.........

169

Récits vendéens. - Le fils du Garde-Chasse, par M. Emile Grimaud. 184
Le château de Lamballe, par M. Anatole de Barthélemy...
Souvenirs de la Révolution. La prise de Noirmoutier et la mort
de d'Elbée, racontées par un témoin oculaire.......
Notices et comptes rendus. — Jeanne-Marie Rolland. - Le Collec-
tionneur breton (1г• année), par M. Louis de Kerjean. — Le
Pôle et l'Equateur, de M. Lucien Dubois, par M. S. Ropartz.
- Confirmation du culte de la bienheureuse Françoise d'Am-

boise...

-

OCTOBRE.

Lettre à propos d'un article de M. A. de la Borderie, par M. Auré-

lien de Courson.....

[merged small][merged small][ocr errors]

Observations sur la lettre de M. de Courson, par M. A. de la

[merged small][merged small][ocr errors][subsumed][subsumed]
« PreviousContinue »