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du genre humain, il conçut de graves soupçons sur la fidélité de son épouse, au point que, transporté de colère, il porta un jour la main sur elle, et la laissa tout ensanglantée et demi-morte. L'innocence de Françoise s'étant manifestée, Pierre repentant la supplia de lui pardonner. Depuis lors, ils rivalisèrent de piété, et avancérent de jour en jour dans la pratique de la vertu. La servante de Dieu passait les jours et les nuits en prières, faisait ses délices de l'assistance aux offices et de la communion, aimait les pauvres, visitait les hôpitaux, et secourait surtout les lépreux pour qui elle fit construire des maisons et des hospices. Sur ces entrefaites, François, duc de Bretagne, étant mort, Pierre fut appelé à lui succéder, et reçut ainsi que son épouse la couronne ducale dans la cathédrale de Rennes, l'an du Seigneur 1450. La vertu de Françoise brilla alors du haut du trône, comme la lampe qui, placée sur le candélabre, répand de toutes parts une lumière admirable. Embrasée du feu de la charité, elle aimait Dieu d'un amour ardent, se dévouait au salut du prochain, et coopérait avec zèle à l'exaltation de l'Église et de la religion. Après la mort de son mari, on la vit entièrement morte au monde, refuser une brillante union, se lier par le vœu de continence perpétuelle, et résister fermement aux caresses et aux menaces des siens, qui cherchaient à la détourner de son projet. Elle prit ensuite l'habit des Carmélites, et donna un parfait exemple de vie religieuse, comme elle avait donné auparavant aux vierges, aux femmes mariées et aux veuves celui des vertus les plus éminentes. Préposée par Sixte IV au régime du monastère des TroisMarie, près de Nantes, elle y mourut le 4 novembre 1485, après avoir reçu les sacrements, en exhortant à la perfection ses sœurs qui pleuraient autour de son lit, et en adressant à Dieu de continuelles prières.

» Le Révérendissime Antoine-Alexandre Jaquemet, évêque de Nantes, a présenté des documents authentiques et dignes de foi à l'appui de ces détails, et cru pouvoir démontrer, à l'aide de ces documents, par devant le Saint-Siége, qu'un culte public ecclésiastique a été rendu de temps immémorial, et bien avant les décrets d'Urbain VIII, à Françoise d'Amboise. En conséquence, sur les ins

tances de ce prélat, le cardinal soussigné, préfet de la Sainte-Congrégation des Rites, et rapporteur de la cause, a soumis à la discussion le doute ci-après, dans la séance ordinaire tenue au Vatican Conste-t-il du culte public ecclésiastique rendu de temps » immémorial à ladite servante de Dieu, ou du cas excepté dans » les décrets d'Urbain VIII, de sainte mémoire? »

> Les Eminentissimes et Révérendissimes cardinaux de la SainteCongrégation des Rites, après un examen attentif, et ouï la censure orale et écrite du R. P. D. André-Marie Frattini, promoteur de la sainte foi, ont cru devoir répondre au doute proposé: Affirmativement, ou en d'autres termes : Il conste du cas excepté. — Le 11 juillet 1863.

» Sur la relation qui en a été faite à Notre Très-Saint Père le Pape Pie IX par le secrétaire soussigné, Sa Sainteté a daigné ratifier la décision de la S. Congrégation, et confirmer le culte public ecclésiastique rendu de temps immémorial à la Bienheureuse Françoise d'Amboise, duchesse de Bretagne. Le 16 des mêmes mois et an. »

Quant à la cause de la béatification du vénérable de Montfort, fondateur de la congrégation des Filles-de-la-Sagesse et des Pères de la Compagnie de Marie, les lettres de Rome en donnent les nouvelles suivantes : La cause ayant été introduite en 1838, la Congrégation des Rites a procédé à tous les actes préparatoires; l'approbation des écrits a eu lieu et l'on s'occupe des vertus. D'abord les postulateurs ont rédigé un mémoire apologétique. De son côté le promoteur de la foi vient d'imprimer ses oppositions en un grand in-4o de 156 pages, qui se rapporte à la vie entière du vénérable, aux difficultés sur la valeur des preuves, et aux objections contre l'exercice héroïque des vertus. Maintenant les postulateurs auront à répondre devant les trois Congrégations antépréparatoire, préparatoire et générale, qui sont la plus grande épreuve des causes de

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catholique de Malines.

Le congrès

MM. de Montalembert et Cochin. L'esprit catholique et l'esprit national. Mot d'un paysan morbihannais. Les nouvelles lignes bretonnes. De Lorient à Quimper. Une lettre de faire-part. Chateaubriand et M. Sainte-Beuve.

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Nécrologies.

a encore y

Malgré l'éparpillement de toutes les forces individuelles et l'accroissement de la puissance formidable qui s'est substituée en tout et partout à l'initiative privée, qui a tout absorbé et centralisé, il grâce à Dieu bien des hommes, bien des caractères libres et fiers qui éprouvent le besoin de résister et de se soustraire à une semblable domination. Une tendance impérieuse emporte aujourd'hui tous les bons esprits dans la recherche des moyens de défense qui peuvent rester encore à l'individu isolé contre une puissance terriblement oppressive et envahissante.

C'est à ce groupe qui s'accroît et se fortifie de jour en jour qu'appartient un de nos jeunes compatriotes, M. Léon Philouze, dont une brochure récente De l'association intellectuelle, mérite, à divers titres, d'être signalée et remarquée. Le jeune écrivain a une foi extrême dans la puissance de l'association. Il l'a étudiée dans son principe et dans ses résultats. Il sait tout ce que lui doivent la religion, la charité privée, le commerce, l'industrie, et il se demande pourquoi les lettres et les 1 Rennes, 1863, in-8°.

sciences ne tireraient point parti d'un principe d'une aussi merveilleuse fécondité.

M. Philouze commence par chercher si l'association intellectuelle est possible? Si elle peut s'organiser d'une manière forte et indépendante? Quels seraient son programme, ses moyens d'action, son but ? Et il trouve à toutes ces questions une solution claire, précise et pratique.

On se plaint des obstacles légaux que rencontre toute tentative d'association intellectuelle et il faut avouer qu'au premier examen ils semblent difficiles à surmonter. Toutefois, M. Léon Philouze n'a pas de peine à démontrer que sous ce rapport nos habitudes et nos mœurs sont encore au-dessous de notre législation. La loi accorde de nombreuses facilités dont nous sommes loin de savoir tirer profit. Ne permet-elle pas à vingt personnes de se réunir, à jours marqués, pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques ou autres ? Comment avons-nous usé d'une semblable facilité? Avons-nous fondé dans chacune de nos grandes villes des associations libres, ayant une vie propre et une existence indépendante de l'administration et des conditions qu'elle impose? « Soyons donc libres, s'écrie le jeune publiciste, et soyons-le par l'association organisée dans les limites de la liberté légale, sauf à voir celle-ci se rapprocher bientôt et sans effort, de la liberté naturelle que réclame le noble et légitime usage des facultés les plus élevées de l'homme. »

Telle est la pensée qui a dicté cette brochure, pensée généreuse et féconde que nous recommandons aux méditations de nos lecteurs.

Au moment où paraissait ce travail d'une plume bretonne, l'initiative des évêques de Belgique ouvrait à Malines une assemblée où près de quatre mille catholiques, accourus de tous les points de l'horizon, discutaient librement toutes les questions pouvant intéresser leur foi. Là se trouvaient les noms les plus illustres du catholicisme. La Belgique y était représentée par le cardinal-archevêque de Malines, les évêques de Gand, de Bruges, de Tournay, par MM. de Gerlache, de Theux, Deschamps, Dumortier, de la Faille, le chanoine de Haern, Charles Perrin, Ducpétiaux, etc.; l'Angleterre, par S. E. le cardinal Wiseman, le docteur Manning, M. Wilberforce; la Suisse par un apôtre plein de verve et d'inspiration, M. l'abbé Mermillod; la France, par MM. de Montalembert, Léopold de Gaillard, Armand de Melun, le prince de Broglie, Cochin, Franz de Champagny. Mgr Mislin, l'illustre historien des Saints-Lieux, Mgr Nardi, M. Casoni, directeur du Journal de Bologne, assistaient aussi à ce Congrés auquel tous les pays avaient député les plus fermes, les plus dévoués champions de la cause religieuse.

Partagés en cinq sections, les membres du Congrès se sont livrés à un examen rapide de toutes les questions se rattachant aux œuvres religieuses et charitables, à l'instruction et à l'éducation de l'enfance ou de

la jeunesse, à l'art chrétien, à la liberté religieuse. Ils ont voté diverses résolutions parmi lesquelles nous devons mentionner la création d'un journal catholique international, l'organisation d'un compagnonnage chrétien, la fondation de cercles catholiques dans toutes les villes, la création d'une académie catholique, l'établissement de bibliothèques populaires, la rédaction d'une statistique religieuse de tous les pays, etc., etc.

Mais tous les moments du Congrès n'ont pas été pris par ces discussions et ces votes. A la fin de chaque journée les membres de la réunion se rassemblaient en séance publique et plus d'une fois ils ont eu la fortune de recueillir des discours qu'animait le souffle de la grande éloquence. Avec quel charme, avec quel intérêt, n'ont-ils pas entendu l'illustre cardinal Wiseman exposant la situation des œuvres catholiques et leur merveilleux développement sur le sol protestant, mais libre, de l'Angleterre; M. le vicomte de Melun défendant les droits imprescriptibles des pauvres et de la charité chrétienne contre les prétentions de l'esprit administratif; M. Woeste rappelant à grands traits dans le passé et dans le présent les luttes et les triomphes de l'Eglise; M. Foucher de Careil traitant de la solidarité des peuples chrétiens; M. l'abbé Mermillod saluant avec espérance le jour où toutes les Eglises chrétiennes seront réunies sous la houlette d'un même pasteur!

Mais les honneurs du Congrès, nous assurent tous ceux qui ont eu l'heureuse fortune d'y assister, ont été partagés entre M. de Montalembert et M. Cochin. Le grand orateur catholique a retrouvé des accents d'une fière éloquence pour retracer les grandeurs du catholicisme contemporain. Il a redit, en termes magnifiques, la sainteté, la douceur, la constance héroïque du père des fidèles, les vertus du clergé, la charité et le dévouement des ordres religieux. De longs applaudissements ont accueilli sa parole qui a rempli tous les cœurs de courage et d'espérance. De son côté, M. Cochin a peut-être obtenu le succès le plus original du Congrès. Il a déployé à la tribune, pour nous servir des propres expressions d'un témoin, « une verve inouïe d'improvisation familière et élevée, allant d'une anecdote piquante aux plus grandes vues de la philosophie, démontrant sans un mot de pédantisme que toutes les sciences prouvent Dieu et que tous les progrès servent Dieu, mettant les larmes dans tous les yeux par la simple comparaison de la lettre adressée par M. Renan à sa sœur, en lui dédiant sa triste Vie de Jésus, avec la lettre toute récente d'un pauvre missionnaire ignoré qui écrivait aussi à sa sœur pendant que les sauvages faisaient, autour de sa cage, les apprêts de son supplice.» M. Cochin, répondant à ceux qui affectent de croire que le catholicisme est exclusif des sentiments patriotiques, a prouvé, avec beaucoup d'esprit et d'à-pro

1 Correspondant du 25 août 1863.

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