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1 M. Littré.

2 M. Renan.

Ici, c'est un savant qui veille',
Un rhéteur qui blasphème encor",
Un poète qui se réveille

Complétant l'infernal accord3.
Pour eux le ciel n'a plus de voiles,
Leurs yeux ont compté les étoiles
Et scruté le monde en tout sens.
Mais leur esprit s'indigne et doute,
Parce qu'en poursuivant sa route
Il n'a pas vu le Tout-Puissant.

Plus loin, c'est un chimiste habile
Tout fier de découvrir enfin
Dans la vapeur ou dans l'argile
Un secret de l'esprit divin.
Il décompose, il subtilise,
Il veut par la simple analyse
Saper la révélation.

C'en est fait, Dieu n'est qu'imposture;
Ce n'est plus Dieu, c'est la nature
Qui produit la création *.

Ailleurs un philosophe songe,
Pour démolir la vérité,

A jeter un nouveau mensonge
A l'univers épouvanté *.

A sa suite un autre rebelle
Voudrait trouver l'âme immortelle
Sur la pointe de son scalpel.
Il rit, Seigneur, de ta parole,
Parce qu'alors l'âme s'envole
Et ne vient pas à son appel.

Ailleurs encor c'est un artiste
Devant du marbre ou du métal.

3 Victor Hugo. Voir Les Misérables.

On connaît le système des générations spontanées. $ M. Taine.

Son front paraît sévère et triste;
Il cherche, il poursuit l'idéal.
Pour le chef-d'œuvre qu'il prepare
Il demande la beauté rare
A la chair, puis à son cerveau;
L'ingrat! à son tour il conspire
Contre Celui qui seul inspire
Le vrai, le bon, le bien, le beau.

Partout enfin l'homme travaille,
Et son orgueil songe en tout lieu
A grossir l'épaisse muraille
Qui doit le séparer de Dieu.
Quand il invente une machine,
Devant la matière il s'incline
Et brave le divin pouvoir.
S'il veut atteindre la richesse,
Il y parvient par une adresse
Où la vertu n'a rien à voir.

Mais pourquoi d'un côté cette clameur immense,
De l'autre ce sinistre et ténébreux silence?
On parle, on marche à petit bruit.
Des peuples révoltés c'est l'innombrable armée
Qui tour à tour paraît, menaçante, affamée,
Ou s'enfonce au sein de la nuit.

Tous brûlent de frapper sans trève
D'un coup superbe et cadencé
Le seul monument qui s'élève
Sur les ruines du passé.
Mais je ne sais quoi les arrête;
En vain leur bras puissant s'apprête
A soulever le lourd marteau;
Trop faible encor leur bras retombe.
Demain, ils seront dans la tombe,
Laissant à d'autres leur fardeau.

Arrête ici, folle pensée,

Et prends garde en montant si haut
De te voir soudain renversée

D'un revers de main du Très-Haut !
Ah! songe au châtiment funeste
Subi dans le séjour céleste
Par un Archange dévoyé,
Quand de Dieu le regard sublime
Sous ses pas entrouvit l'abîmé
Et l'y renversa foudroyé.

Songe que ce bel édifice,

Où tu voudrais porter les mains,
A déjà bravé la malice

Et la puissance des humains.

Les saints, les martyrs et les anges
Autour ont rangé leurs phalanges;
Ce rempart ne peut s'écrouler;
Tu n'es qu'un insecte, un atomé,
Tu n'es qu'une ombre, qu'un fantôme,
Et tu prétendrais l'ébranler!

Raison, raison, reprends ta voie,
Et détourne ton œil séduit
De la bannière que déploie
L'esprit trompeur qui te conduit.
Il n'est pour toi qu'une lumière :
Que la foi marche la première,
Tu peux la suivre pas à pas.
La raison cherche et la foi trouve;
C'est alors que l'homme réprouve
Des erreurs qu'il ne voyait pas.

Car sans la foi l'homme est dans l'ombre,
Semblable à cet aveugle-né

Qui marche un peu dans la nuit sombre

Quand il a longtemps tâtonné.

Mais la foi perçant ces ténèbres

Déchire ces voiles funèbres

Dont l'épaisseur cachait le jour;
La raison soudain s'illumine
Et va dans la splendeur divine
Puiser la lumière et l'amour.

Pour moi, j'ai vu les vains systèmes
Et d'Aristote et de Platon,
Approfondi les théorèmes
De Pythagore et de Zénon.
Ce sont des pierres arrachées,
Et des parcelles détachées,
Du vrai quelques fragments épars.
Mais toi seul, ô Christ! que j'adore,
Toi seul dont la voix parle encore,
As mis le vrai sous mes regards.

Maintenant, que les hommes roulent!
Je reste immobile et je croi.
Quand tous les principes s'écroulent,
Toujours Jésus-Christ est mon roi.
Je m'enveloppe en son symbole,
Je n'entends plus d'autre parole,
Et réclame la liberté,

Non cette liberté flétrie
Dont on a fait une furie,

Mais celle de la vérité.

Garde, ô Christ! mon âme fidèle;
Contre l'erreur viens la couvrir,
Pour que je puisse sous ton aile
Souffrir, prier, chanter, mourir.
Quand sonnera ma dernière heure,
Si d'être admis dans ta demeure
Je n'avais encor mérité,

Ah! souviens-toi qu'aujourd'hui même,
Contre le doute et le blasphème

Ma faible voix a protesté !

L'abbé AUGUSTE PIRAUD.

QUELQUES LOCUTIONS POPULAIRES EN VENDÉE

RELATIVES A LA SAINTE VIERGE.

Il fut un temps où la religion était en tous lieux, où elle se trouvait mêlée à toutes les préoccupations, à toutes les habitudes de la vie. Aujourd'hui elle est mise, si l'on peut ainsi parler, à côté de la vie ; on la retrouve à l'église si l'on y va; est-on solidement croyant, on la porte partout, mais cachée en son cœur; dans le commerce des relations sociales, elle demeure aussi étrangère qu'elle pouvait l'être dans ces premiers siècles où le chrétien vivait au milieu d'un monde qui n'était pas encore converti à la foi nouvelle.

Nous ne voulons pas dire que tout se passât pour le mieux, dans le temps dont nous parlons; l'usage engendre l'abus; lorsque chaque corporation d'ouvriers était fidèle à fêter son patron, fidèle à porter sa bannière aux jours de processions, nous n'affirmons pas que la tenue de la fin de la journée fût toujours aussi édifiante que la messe du matin; nous ne répondons pas que maints quolibets, pour mieux atteindre les protégés, n'aient pas été adressés au saint protecteur.

Aujourd'hui encore, dans les contrées, comme l'Italie, où le culte des saints est resté populaire, nous les avons souvent entendu apostropher par des imprécations blasphématoires; chez nous on ne blasphème plus que le saint nom de Dieu.

Il n'est rien d'horrible comme le blasphème; cependant cette détestable perversion du langage implique une certaine idée de la puissance de celui que l'on outrage. - «Tu pourrais faire marcher › mon cheval, tu ne le fais pas, je te maudis! » pouvait dire le

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