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Mow 18.20

1831, Apr. 1.

PRÉFACE.

LORSQUE j'entrepris de publier, réunis dans une seule collection, les ouvrages de nos sept Moralistes les plus célèbres, mon intention fut non-seulement d'en donner des éditions plus exactes, plus soignées, mais (et c'est là le principal objet de mon travail) de comparer les principes de ces auteurs, leurs systèmes; de mettre, pour ainsi dire, en contact leurs observations sur l'homme, en général, sur ses passions, ses vices, ses mœurs, à différentes époques de la civilisation, sur ses vertus et ses crimes, sa force et sa faiblesse.

« Chacun de ces auteurs, disais-je dans le Prospectus de cette entreprise, a son caractère particulier, et des opinions qui lui

sont propres; chacun a peint de couleurs variées, la société de l'époque où il vivait; a plus ou moins pénétré dans les abîmes du cœur humain. Mais, bien qu'ils se contre

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disent quelquefois et se combattent en apparence, tous n'ont eu qu'un même but, celui de rendre l'homme plus heureux, en lui indiquant ses erreurs pour qu'il les évite, ses devoirs pour qu'il les observe. C'est par des faits, des exemples, par des considérations tantôt fines et légères, tantôt graves et profondes, qu'ils ont démontré combien l'oubli des lois éternelles de la morale et de la sagesse entraîne de maux, combien leur stricte observation est profitable et nécessaire ».

De là résultaient et la nécessité de rapprocher leurs ouvrages, et celle d'indiquer par des notes claires et précises, les opinions qui leur sont communes, et les opinions qui ont été controversées entre eux, ou com

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battues par d'autres moralistes et comme quelques-uns ont souvent déguisé, ou mal exprimé leur pensée, de là aussi la nécessité d'un commentaire interprétatif. Mes notes auront donc un double objet : le rapprochement et la comparaison des idées, l'interprétation et l'éclaircissement des passages difficiles ou obscurs des auteurs.

J'aurais pu, sans doute, faire entrer dans cette réunion de Moralistes, un bien plus grand nombre d'écrivains. Il en est tant qui ont consacré leur vie à la recherche de la sagesse, qui en ont été ou qui ont cru en être les ministres et les interprètes! Mais les uns, comme Nicole, Bossuet, Bourdaloue, Massillon, étaient intéressés à ne donner qu'une base unique à la vertu, à voiler souvent ou à défigurer la vérité; les autres, tels que Voltaire, Rousseau, Diderot, Helvétius, et même Condillac, ont établi des systèmes qui n'ont point été généralement

admis, qui ont trouvé presqu'autant d'adversaires que de partisans. Ajoutons que, parmi ces derniers, plusieurs se sont livrés à des déclamations violentes contre de vieilles institutions qui leur paraissaient dangereuses et funestes, mais qu'il ne fallait pas chercher à renverser sans leur en substituer de meilleures, et sans avoir long-tems préparé les esprits à ces innovations. J'ai dû donner la préférence à des Sages dont les écrits ont eu l'approbation des hommes de tous les partis et de toutes les sectes; à des Sages qui ne peuvent être odieux ni au dévot ni au philosophe. D'ailleurs, il ne me sera pas difficile de prouver, dans mes notes, que tout ce que les prédicateurs dans les chaires, les philosophes modernes dans leurs écrits, ont dit et répété de bon, de vrai, de juste, d'utile en morale, avait été proclamé d'avance par l'un ou l'autre des Moralistes qui composent ma Pléïade.

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