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Depuis la Corogne jusqu'à l'embouchure du Tage, l'eau de la mer a peu varié de température; mais, depuis les 39 jusqu'aux 10 degrés de latitude, l'accroissement a été très-sensible et très-constant, quoiqu'il n'ait pas été toujours uniforme. Du parallèle du cap Montego à celui du Salvage, la marche du thermomètre a été presque aussi rapide que des 20° 8' aux 10° 46', mais elle s'est trouvée extrêmement ralentie sur les limites de la zone torride, de 29° 18′ à 20° 8'.

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Cette inégalité est sans doute causée par des courans qui mêlent les eaux de différens раrallèles, et qui, selon qu'on se rapproche ou des îles Canaries ou des côtes de la Guiane, portent au sud-est et à l'ouestnord-ouest. M. de Churruca, en coupant l'équateur, dans son expédition au détroit de Magellan, par les 25o de longitude occidentale, a trouvé le maximum de la température de l'Océan Atlantique, à sa surface, par les 6o de latitude nord. Dans ces parages, sur des parallèles également éloignés de l'équateur, l'eau de la mer étoit plus froide au sud qu'au nord. Nous verrons bientôt que ce phénomène varie avec les saisons, et qu'il dépend en grande partie de l'impétuosité avec laquelle les eaux coulent vers le nord et le nord-ouest, à travers le canal formé entre le Brésil et les côtes d'Afrique. Si le mouvement de ces eaux ne modifioit pas la température de l'Océan, l'accroissement de chaleur sous la zone torride devroit être énorme, parce que la surface de l'eau renvoie infiniment moins de rayons qui se

Au mois d'octobre 1788.

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rapprochent de la perpendiculaire que de ceux qui tombent dans une direction oblique. J'ai observé, dans l'Océan Atlantique comme dans la mer du Sud, que lorsqu'on change de latitude et de longitude à la fois, les eaux ne changent souvent pas d'un degré de température, sur des étendues de plusieurs milliers de lieues carrées; et que, dans l'espace compris entre le 27. degré nord et le 27. degré sud, cette température des mers est presque entièrement indépendante des variations qu'éprouve l'atmosphère 1. Un calme plat très-prolongé, un changement momentané dans la direction des courans, une tempête qui mêle les couches inférieures de l'eau aux couches supérieures, peuvent, pendant quelque temps, produire une différence de deux et même de trois degrés; mais

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Pour faire voir combien peu l'air influe sur la température de l'immense bassin des mers, j'ai ajouté, dans les journaux de route, l'indication de la chaleur de l'atmosphère à celle de la chaleur de l'Océan. Cette dernière peut changer par des causes très-éloignées, telles que la fonte plus ou moins rapide des glaces polaires, ou des vents qui soufflent sous d'autres latitudes et qui produisent des courans.

aussitôt que ces causes accidentelles cessent d'agir, la température de l'Océan reprend son ancienne stabilité. J'aurai occasion de revenir dans la suite sur ce phénomène, l'un des plus invariables que présente la nature.

J'ai dressé une carte de la température des mers, tant sur mes propres observations. faites des 44° de latitude nord aux 12o de latitude sud et des 43° aux 105° de longitude occidentale, que sur un grand nombre de matériaux que j'ai eu beaucoup de peine à réunir. Une masse d'eau considérable ne se refroidissant qu'avec une extrême lenteur, il suffit de plonger le thermomètre dans un seau que l'on vient de remplir à la surface de l'Océan. Quoique cette expérience soit bien simple, elle a été singulièrement négligée jusqu'ici. Dans la plupart des relations de voyages, on ne parle qu'accidentellement de la température de l'Océan, par exemple, à l'occasion des recherches faites sur le froid qui règne à de grandes profondeurs ou sur la rivière d'eau chaude qui traverse l'Atlantique. Je n'ai pu me servir de l'excellent ouvrage de M. Kirwan, sur les climats, parce que ce savant n'a pas suffisamment distingué, dans

ses tables de la température propre aux différentes latitudes, ce qui est dû à des expériences directes de ce qui est le résultat de la théorie. Mais la seconde expédition au détroit de Magellan', commandée par Churruca et Galeano, la relation du voyage de l'abbé Chappe, en Californie, l'ouvrage publié à Philadelphie, sous le titre de Navigation thermométrique, et surtout les expériences intéressantes faites, en 1800, par M. Perrins, à bord du vaisseau le Skelton, pendant le cours d'un voyage de Londres à Bombay, m'ont fourni de nombreux matériaux pour mon travail. Occupé, à Lima, de recherches sur la température de la mer, j'avois engagé un officier de la marine royale, M. Quevedo, à observer, jour par jour, pendant son trajet du Pérou en Espagne, par le cap de Horn, l'indication de deux thermomètres dont l'un seroit exposé à l'air et l'autre plongé dans les couches supérieures de l'Océan. Les observations faites par M. Quevedo, en 1802, à

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1 Don Cosme de Churruca, Apendice del Vaze al Magellanes, 1793, p. 98.

Thermometrical Navigation, 1799, p. 37. 3 Nicholson's Journal, 1804, p. 131.

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