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aux pôles, ou de la surface de la terre aux hautes régions de l'Océan aérien, j'ai considéré le décroissement de la chaleur comme suivant une progression arithmétique. Cette supposition n'est pas tout-à-fait exacte pour l'air : elle l'est encore moins pour l'eau, dont les couches superposées paroissent diminuer de température d'après des lois différentes, à différens degrés de latitude. Dans les expériences intéressantes faites par MM. Forster, Bladh, Wales, Ellis et Péron sur la rapidité du décroissement de chaleur dans l'Océan, ce décroissement a été trouvé si inégal, qu'un degré du thermomètre centigrade répond tantôt à douze, tantôt à quatrevingts toises, et même plus. On peut admettre en général que la température décroît six fois plus vite dans la mer que dans l'Océan

1 Les températures moyennes augmentent de l'équateur aux pôles, à peu près comme le carré des sinus de latitude (Journal de Phys., Tom. LXII, p. 447); et le décroissement de la chaleur, dans un plan vertical, rapproche le plus souvent, d'après MM. Orianì et Lindenau, de la loi d'une progression harmonique. (Tables barom., p. xlv. Mon. Cor., juin 1805. Ephém. Méd., 1788, p. 138.)

aérien, et c'est à cause de cette distribution du calorique dans les deux élémens, que des plantes et des animaux analogues à ceux des régions polaires trouvent, sous la zone torride, sur la pente des montagnes et dans la profondeur de l'Océan, le climat qui convient à leur organisation.

Les mêmes causes auxquelles on doit attribuer les chaleurs modérées que l'on éprouve en naviguant entre les tropiques, produisent aussi une égalité singulière dans la température du jour et de la nuit. Cette égalité est encore plus grande sur mer que dans l'intérieur des continens. Dans la province de Cumana, au centre de vastes plaines peu élevées au-dessus du niveau de l'Océan, le thermomètre se soutient généralement, vers le lever du soleil, de 4 à 5 degrés plus bas qu'à deux heures après midi. Dans l'Océan Atlantique, au contraire, entre les 11 et 17 degrés de latitude, les plus grandes variations de chaleur excèdent rarement 19,5 à 2 degrés, et j'ai souvent observé que, depuis dix heures du matin jusqu'à cinq heures du soir, le thermomètre ne varioit pas de o°,8. En parcourant quatorze cents observations

thermométriques faites d'heure en heure pendant l'expédition de M. de Krusenstern, dans la région équatoriale de la mer du Sud, que la température de l'air ne changeoit, du jour à la nuit, que de 1 à 1,3 degrés centésimaux '.

on voit

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J'ai tâché de mesurer souvent la force du soleil par deux thermomètres à mercure parfaitement pareils ', et dont l'un restoit exposé au soleil, tandis que l'autre étoit placé à l'ombre. La différence qui résulte de l'absorption des rayons dans la boule de l'instrument, n'excéda jamais 5o,7. Quelquefois elle ne s'élevoit même qu'à un ou deux degrés ; mais la chaleur que conserve le corps du

'J'ai constamment observé le thermomètre sur le tillac, du côté du vent et à l'ombre. Peut-être le baromètre et le thermomètre de M. de Krusenstern étoient-ils placés dans un endroit plus abrité, par exemple dans la grande chambre.

2 Cet instrument avoit une boule de trois lignes de diamètre, qui n'étoit pas noircie. Les échelles étoient renfermées dans des tubes de verre et très-éloignées de la boule. Les voyageurs préféreroient aujourd'hui, avec raison, les photomètres de M. Leslie. Nicholson, Journ. for Nat. Phil., Vol. III, p. 467.

vaisseau, et le vent humide qui souffle par bouffées, rendent ce genre d'expériences assez difficiles. Je les ai répétées avec plus de succès sur le dos des Cordillères et dans les plaines, en comparant d'heure en heure, par un temps parfaitement calme, la force du soleil à sa hauteur, à la couleur bleue du ciel et à l'état hygrométrique de l'air. Nous examinerons, dans un autre endroit, si les différences variables que l'on observe entre le thermomètre au soleil et le thermomètre à l'ombre, dépendent uniquement de l'extinction plus ou moins grande de la lumière à son passage par l'atmosphère.

TEMPÉRATURE DE LA MER.

Mes observations sur la température des eaux de la mer, ont eu pour but quatre objets très-différens les uns des autres : le décroissement de la chaleur dans les couches superposées les unes aux autres; l'indication des hauts fonds par le thermomètre ; la température des mers à leur surface; enfin la température des courans qui, dirigés de l'équateur aux pôles, et des pôles à l'équa

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ou

teur, forment des rivières chaudes 1 froides au milieu des eaux immobiles de l'Océan. Je ne traiterai ici que de la chaleur de la mer à sa surface, phénomène le plus important pour l'histoire physique du globe, parce que la couche supérieure de l'Océan est la seule qui influe immédiatement sur l'état de notre atmosphère.

Le tableau suivant est extrait des nombreuses expériences que renferme notre journal de route depuis le 9 juin jusqu'au 15 juillet:

Le Gulf-Stream.

Le courant du Chili, qui, comme je l'ai prouvé ailleurs, entraîne les eaux des hautes latitudes vers l'équateur.

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