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du monticule de Saint-Joseph, nous fumes entourés d'une grande quantité de varec flottant. Ses tiges étoient munies de ces appendices extraordinaires en forme de godets et de panaches, que Don Hippolyto Ruiz a observés lors de son retour de l'expédition du Chili, et qu'il a décrits dans un mémoire particulier comme les organes sexuels du Fucus natans. Un heureux hasard nous mit à même de vérifier un fait qui ne s'étoit présenté qu'une seule fois aux naturalistes. Les paquets de varec recueillis par M. Bonpland, étoient absolument identiques avec les échantillons que nous devions à l'obligeance des savans auteurs de la Flore du Pérou. En examinant les uns et les autres au microscope, nous avons reconnu que ces prétendues parties de la fructification, ces étamines et ces pistils, appartiennent à un nouveau genre de la famille des Cératophytes. Les godets que M. Ruiz a pris pour les pistils naissent de tiges cornées, aplaties, et si étroitement unies à la substance du Fucus, qu'on seroit tenté de les prendre pour de simples nervures: au moyen d'une lame très-mince, on parvient à les détacher sans léser le parenchyme. Les

tiges non articulées sont d'abord d'un brunnoirâtre, mais elles deviennent, avec le temps, par dessiccation, blanches et friables: dans cet état, elles font effervescence avec les acides, comme la substance calcaire du Sertularia, dont les extrémités ressemblent assez aux godets des Fucus de M. Ruiz. Nous avons retrouvé dans la mer du Sud, en passant de Guayaquil à Acapulco, ces mêmes appendices du raisin des tropiques, et l'examen le plus attentif ne nous a laissé aucun doute sur un Zoophyte qui s'attache aux Fucus comme le lierre embrasse le tronc des arbres. Les organes décrits sous le nom de fleurs femelles ont plus de deux lignes de long, et cette grandeur seule auroit dû éloigner le soupçon que ces parties fussent de véritables pistils.

La côte de Paria se prolonge à l'ouest, en formant un mur de rochers peu élevés, à cimes arrondies et à contours ondoyans. Nous fumes long-temps sans voir paroître les côtes élevées de l'ile de la Marguerite, où nous devions relâcher pour prendre des informations sur la croisière des vaisseaux anglois, et sur le danger de toucher à la Guayra. Des hauteurs du soleil, prises sous

des circonstances très-favorables, nous avoient appris combien étoient fausses à cette époque les cartes les plus recherchées des marins. Le 15 au matin, lorsque le gardetemps nous plaça par les 66° 1′ 15′′ de longitude, nous n'étions point encore dans le méridien de l'île de la Marguerite, quoique, d'après la carte réduite de l'Océan Atlantique', nous dussions déjà avoir dépassé le cap occidental très-élevé de cette île, qui est indiqué par les 66° o' de longitude. L'inexactitude avec laquelle les côtes de la Terre-Ferme ont été figurées avant les travaux de MM. Fidalgo, Noguera et Tiscar*,

1 Dressée au dépôt de la marine, en 1786, revue et corrigée en 1792.

2 Carta general del Oceano Atlantico construida en el Deposito hydrografico de Madrid en el año 1800, et corregida en 1804. Carta esferica de las Islas Antillas con parte de la Costa del continente de America, trabajada por Don Cosme Churruca y Don Joacquin Francisco Fidalgo, 1802. Ces deux cartes ont servi de base à toutes celles qui ont paru dans ces derniers temps en diverses parties de l'Europé, et qui, calquées les unes sur les autres, ne diffèrent entre elles que par de nombreuses fautes

et j'ose ajouter avant les observations astronomiques que j'ai faites à Cumana, auroit pu devenir dangereuse pour les navigateurs, si la mer n'étoit pas constamment belle dans ces parages. Les erreurs en latitude surpas soient même celles en longitude, puisque les côtes de la Nouvelle-Andalousie se prolongent à l'ouest du cap des Trois-Pointes de 15 à 20 milles plus au nord que ne l'indiquent les cartes publiées avant l'année 1800.

chalcographiques. Les observations originales des astronomes espagnols se trouvent consignées en grande partie dans le bel ouvrage de M. Espinosa, qui a pour titre Memorias sobre las observaciones astronomicas hechas por los Navegantes Españoles en distintos Lugares del globo (2 vol. in-4.o, Madrid, 1809). J'ai comparé, point pour point, les résultats de ces observations avec ceux auxquels nous avons cru devoir nous arrêter, M. Oltmanns et moi (Observ. astron., Tom. I; Introd., p. xxxiij-xlix). Cette comparaison sera utile à ceux qui publieront un jour des cartes de l'Amérique, les nouvelles déterminations méritant d'autant plus de confiance que les positions ont été vérifiées d'après des méthodes astronomiques très différentes, et par des observateurs qui ne se sont communiqué leurs résultats que long-temps après avoir terminé leurs opérations.

Vers les onze heures du matin, nous eûmes connoissance d'un îlot très-bas, sur lequel s'élevoient quelques dunes de sable. En l'examinant avec des lunettes, on n'y découvrit aucune trace d'habitation ni de culture. Des Cactus cylindriques s'élevoient çà et là en forme de candélabres. Le sol, presque dénué de végétation, paroissoit ondoyant à cause de la réfraction extraordinaire que subissent les rayons du soleil en traversant des couches d'air en contact avec des plaines fortement échauffées. C'est par l'effet du mirage que, sous toutes les zones, les déserts et les plages sablonneuses offrent l'apparence d'une mer agitée.

L'aspect d'un pays si plat ne répondoit guère aux idées que nous nous étions formées de l'île de la Marguerite. Tandis qu'on étoit occupé à rapporter les relèvemens sur les cartes, sans pouvoir les faire cadrer, on signala du haut des mâts quelques petits bâtimens pêcheurs. Le capitaine du Pizarro les appela par un coup de canon; niais ce signal devient inutile dans des parages où le foible ne croit rencontrer le fort que pour en recevoir des outrages. Les bateaux prirent la fuite

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