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des Indiens, et qui a fait naître les idées les plus fausses sur la constitution physique des différentes races d'hommes. L'indigène cuivré, plus accoutumé a la chaleur ardente du climat que le voyageur européen, s'en plaint davantage, parce qu'il n'est stimulé par aucun inté rêt. L'argent est sans appât pour lui; et s'il s'est laissé tenter un moment par l'idée du gain, il se repent de sa résolution dès qu'il est en route. Le même Indien, qui se plaint lorsque, dans une herborisation, on le charge d'une boîte remplie de plantes, fait remonter un canot contre le courant le plus rapide, en ramant pendant quatorze ou quinze heures de suite, parce qu'il désire retourner dans sa famille. Pour bien juger de la force musculaire des peuples, il faut les observer dans des circonstances où leurs actions sont déterminées par une volonté également énergique.

Nous examinâmes de près les ruines du château Santiago', dont la construction est

'Sur la carte qui accompagne l'histoire de l'Amérique de Robertson, on trouve le nom de ce château confondu avec celui de la Nueva Cordoba. Nous avons

remarquable par son extrême solidité. Les murs, en pierre de taille, ont cinq pieds d'épaisseur; on est parvenu à les renverser en faisant jouer des mines: on trouve encore des masses de sept à huit cents pieds carrés qui sont à peine crevassées. Notre guide nous montra une citerne (el aljibe) qui a trente pieds de profondeur, et qui, quoiqu'assez endommagée, fournit de l'eau aux habitans de la péninsule d'Araya. Cette citerne a été terminé en 1681 le gouverneur Don Juan de Padilla Guardiola, le même qui construisit à Cumana le petit fort de Sainte-Marie1. Comme le bassin est couvert d'une voûte en plein cintre, l'eau s'y conserve très-fraîche et d'une excellente qualité, Les conferves qui, tout en décomposant le carbure d'hydrogène, abritent aussi des vers et de petits insectes, n'y prennent pas naissance. On avoit cru, pendant des siècles, que la péninsule

par le

déjà fait observer plus haut, p. 326, que cette dernière dénomination étoit jadis synonyme de Cumana. (Herera, p. 14.)

Castillo de Santa-Maria, ou Fuerte de N. S. de la Cabeza. Voyez plus haut, p. 217. (Caulin, p. 281.)

d'Araya étoit entièrement dépourvue de sources d'eau douce; mais, en 1797, après beaucoup de recherches inutiles, les habitans de Maniquarez sont parvenus à en découvrir.

En traversant les collines arides du cap Cirial, nous sentimes une forte odeur de pétrole. Le vent souffloit du côté où se trouvent les sources de cette substance, dont les premiers historiens de ces contrées ont déjà fait mention'. Près du village de Maniquarez, le schiste micacé sort au-dessous de la roche secondaire en formant une chaîne de montagnes de 150 à 180 toises d'élévation. Cette roche primitive est dirigée, près du cap Sotto, du nord-est au sud-ouest: ses couches inclinent de 50o au nord-ouest 3. Le schiste micacé est blanc d'argent, à texture lamelleuse et ondulée, et renferme beaucoup de grenats. Des couches de quartz, dont la puissance varie

Oviedo, Lib. XIX, cap. 1. « Liqueur résineuse, aromatique et médicinale. >>

2 Piedra pelada des créoles.

3 Hor. 3-4 de la houssole de Freiberg. Tout près du village de Maniquarez, les couches varient hor. 11 et 12 en inclinant souvent au sud-ouest.

de 3 à 4 toises, traversent le schiste micacé, comme on peut l'observer dans plusieurs ravins étroits, creusés par les eaux. Nous détachâmes avec peine un fragment de cyanite' d'un bloc de quartz laiteux et fendillé, qui étoit isolé sur la plage. C'est la seule fois que nous ayons trouvé cette substance dans l'Amérique méridionale 2.

Les poteries de Maniquarez, célèbres depuis un temps immémorial, forment une branche d'industrie qui se trouve exclusivement entre les mains des femmes indiennes. La fabrication se fait encore suivant la méthode employée avant la conquête. Elle annonce à la fois et l'enfance des arts et cette immobilité de mœurs qui caractérisent tous les peuples indigènes de l'Amérique. Trois siècles n'ont pas suffi pour introduire le tour de potier sur une côte qui n'est éloignée de l'Espagne que de trente ou quarante jours de navigation. Les indigènes ont des

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2 A la Nouvelle-Espagne, la cyanite n'a encore été découverte que dans la province de Guatimala, à Estancia grande. Del Rio, Tablas min., 1804,

notions confuses sur l'existence de cet instrument, et ils s'en serviroient si on leur en présentoit le modèle. Les carrières d'où l'on tire l'argile sont à une demi-lieue à l'est de Maniquarez. Cette argile est due à la décomposition d'un schiste micacé coloré en rouge par de l'oxide de fer. Les Indiennes préferent les parties les plus chargées en mica. Elles façonnent avec beaucoup d'adresse des vases qui ont deux à trois pieds de diamètre, et dont la courbure est très-régulière. Comme elles ne connoissent pas l'usage des fours, elles placent des broussailles de Desmanthus, de Cassia et de Capparis arborescent autour des pots, et leur donnent la cuite en plein air. Plus à l'est de la carrière qui fournit l'argile, se trouve le ravin de la Mina. On assure que, peu de temps après la conquête, des orpailleurs vénitiens y ont tiré de l'or du schiste micacé. Il paroît que ce métal n'est pas réuni dans des filons de quartz, mais qu'il se trouve disséminé dans la roche, comme il l'est quelquefois dans le granite et le gneiss.

Nous rencontrâmes à Maniquarez des créoles qui venoient d'une partie de chasse de Cubagua. Les cerfs de la petite espèce

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