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dence des rois maures, qui déployoient à leur cour tout le faste de l'Orient. Les perles des Grandes-Indes furent préférées à celles de l'Occident; mais le nombre de ces dernières qui circuloient dans le commerce, n'en étoit pas moins considérable dans les temps qui suivirent immédiatement la découverte de l'Amérique. En Italie, comme en Espagne, l'îlot de Cubagua devint l'objet de nombreuses spéculations mercantiles. Benzoni rapporte l'aventure d'un certain Louis Lampagnano à qui Charles - Quint avoit accordé le privilége de passer, avec cinq caravèles, sur les côtes de Cumana, pour y pêcher des perles. Les colons le renvoyèrent avec la réponse hardie que l'empereur, trop libéral de ce qui n'étoit pas lui, n'avoit pas le droit de disposer des huîtres qui vivent dans le fond des mers.

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La pêche des perles diminua rapidement

La Hist. del Mondo Nuovo, p. 34. Louis Lampagnano, parent de celui qui avoit assassiné le duc de Milan, Galeazzo Maria Sforza, ne put payer les négocians de Séville qui avoient fait les avances de l'expédition: il resta cinq ans à Cubagua, et mourut dans un accès de démence.

vers la fin du seizième siècle; et, d'après le rapport de Laet, elle avoit cessé depuis long-temps en 1633. L'industrie des Vénitiens, qui imitoient avec une grande perfection les perles fines, et l'usage fréquent des diamans taillés', rendirent les pêches de Cubagua' moins lucratives. En même temps les moules qui fournissent les perles devinrent plus rares, non, comme on le croit d'après une tradition populaire, parce que ces animaux, effrayés par le bruit des rames, s'étoient portés ailleurs, mais parce qu'en arrachant imprudemment les coquilles par milliers, on avoit empêché leur propagation. L'aronde aux perles est d'une constitution plus délicate` encore que la plupart des autres mollusques

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<< Insularum Cubagua et Coches quondam magna fuit dignitas, quum unionum captura floreret, nunc, illa deficiente, obscura admodum fama. » Læt. Nov. Orbis, p. 669. Ce compilateur exact, en parlant de la Punta Araya, ajoute que ce pays est tellement oublié : « ut vix ulla alia America meridionalis pars hodie obscurior sit. >>

2 La taille des diamans fut inventée par Louis de Berquen, en 1456; mais elle ne devint très-commune que dans le siècle suivant.

acéphales. A l'île de Ceylan, où, dans la baie de Condeatchy, la pêche occupe six cents plongeurs, et où son rapport annuel est de plus d'un demi-million de piastres, on a essayé en vain de transplanter l'animal sur d'autres parties de la côte. Le gouvernement n'y permet la pêche que pendant un seul mois, tandis qu'à Cubagua on exploitoit le banc de coquilles dans toutes les saisons. Pour şe faire une idée de la destruction de l'espèce causée par les plongeurs, il faut se rappeler qu'un bateau recueille quelquefois, en deux ou trois semaines, plus de 35,000 moules. L'animal ne vit que neuf à dix ans, et ce n'est que dans sa quatrième année que les perles commencent à se montrer. Dans 10,000 arondes, il n'y a souvent pas une seule perle de prix '. La tradition rapporte que, sur le banc de la Marguerite, les pêcheurs ouvroient les coquilles une à une à l'île de Ceylan, on entasse les animaux, on les fait pourrir à l'air; et, pour séparer les perles qui ne sont pas attachées à la coquille, on soumet au

1 Cordiner, Description of Ceylan, 1807, Vol. II, p. 187.

lavage des monceaux de pulpe animale, comme font les mineurs avec les sables qui renferment des pépites d'or, de l'étain ou des diamans,

Aujourd'hui, l'Amérique espagnole ne fournit d'autres perles au commerce que celles du golfe de Panama et de l'embouchure du Rio de la Hacha. Sur les bas-fonds qui entourent Cubagua, Coche et l'ile de la Marguerite, la pêche est aussi négligée que sur les côtes de Californie. On croit à Cumana que l'aronde aux perles s'est multipliée sensiblement après deux siècles de repos 2; et l'on se demande pourquoi les perles trouvées de nos jours dans les coquilles qui s'attachent aux filets des pêcheurs, sont si petites et de si peu d'éclat,

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Nouv.-Esp., T. II, p. 425; III, p. 263. Je suis surpris de n'avoir jamais entendu parler, dans nos voyages, de perles trouvées dans les coquilles d'eau douce de l'Amérique méridionale, quoique quelques espèces du genre Unio abondent dans les rivières du Pérou.

2 En 1812, on a fait à la Marguerite quelques tentatives nouvelles pour la pêche des perles.

3 Les habitans d'Araya vendent quelquefois de ces petites perles aux petits marchands de Cumana. Le prix commun est d'une piastre la douzaine.

tandis qu'à l'arrivée des Espagnols, on en vit de très-belles parmi les Indiens, qui sans doute ne se donnoient pas la peine de les recueillir en plongeant. Ce problême est d'autant plus difficile à résoudre que nous ignorons si des tremblemens de terre ont altéré la nature du fond, ou si des changemens de courans soumarins peuvent avoir influé, soit sur lą température de l'eau, soit sur la fréquence. de certains mollusques dont se nourrissent les arondes.

Le 20 au matin, le fils de notre hôte, jeune Indien très-robuste, nous conduisit, par le Barigon et le Caney, au village de Maniquarez. Il y avoit quatre heures de chemin. Par l'effet de la réverbération des sables, le thermomètre se soutenoit à 31o,3. Les cactiers cylindriques qui bordent la route, donnent au paysage un aspect de verdure sans offrir de la fraîcheur et de l'ombre. Notre guide, quoiqu'il n'eût pas fait une lieue, s'asseyoit à chaque instant. Il voulut se coucher à l'ombre d'un beau tamarinier, près des Casas de la Vela, pour y attendre l'entrée de la nuit. J'insiste sur ce trait de caractère que l'on observe chaque fois que l'on voyage avec

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