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mer a séparé les deux Cordillères septentrionales, celles de l'île de la Marguerite et de la péninsule d'Araya; les petites îles de Coche et de Cubagua sont les restes de ce terrain submergé. Plus au sud, le vaste golfe de Cariaco se prolonge, comme une vallée longitudinale formée par l'irruption de l'Océan, entre les deux chaînons d'Araya et du Cocollar, entre les schistes micacés et le calcaire alpin. Nous verrons bientôt que la direction des couches, très-régulière dans les premières de ces roches, n'est pas tout-à fait parallèle à la direction générale du golfe. Dans les hautes Alpes de l'Europe, la grande vallée longitudinale du Rhône coupe aussi quelquefois, sous un angle oblique, les bancs calcaires dans lesquels elle a été creusée.

Les deux chaînons parallèles d'Araya et du Cocollar sont liés, à l'est de la ville de Cariaco, entre les lacs de Campoma et de Putaquao, par une sorte de digue transversale, qui porte le nom de Cerro de Meapire, et qui, dans des temps reculés, en résistant au mouvement

'Près de Sitten. Alpina, T. IV, p. 295. Bernoulli, Geogn. Uebersicht der Schweiz, p. 35-41.

des flots, a empêché les eaux du golfe de Cariaco de s'unir à celles du golfe de Paria. C'est ainsi qu'en Suisse, la chaîne centrale, celle qui passe par le col de Ferrex, le Simplon, le St.-Gothard et le Splügen, tient, au nord et au sud, à deux chaînes latérales, par les montagnes de la Fourche et de la Maloya. On aime à rappeler les analogies frappantes qu'offre, dans les deux continens, la charpente extérieure du globe.

La chaîne primitive d'Araya se termine brusquement dans le méridien du village de Maniquarez. Nous ferons voir plus bas que, trente-cinq lieues à l'ouest, on en trouve la continuation dans les gneiss de la Silla de Caracas et dans le granite de las Trincheras: nous nous bornons ici à ce qui a directement rapport aux environs de Cumana. La pente occidentale de la péninsule d'Araya, de même que la plaine au milieu de laquelle s'élève le château Saint-Antoine, est recouverte de formations très-récentes de grès et d'argile mêlés de gypse. Peut-être ces mêmes formations ont-elles rempli jadis les vallées longitudinales occupées aujourd'hui par l'Océan, et peut-être ont-elles favorisé l'irruption des

eaux, en opposant moins de résistance que les schistes micacés et le calcaire alpin. Près de Maniquarez, une brèche ou grès à ciment calcaire, qu'il est aisé de confondre avec une véritable roche calcaire, est immédiatement placée sur le schiste micacé; tandis que, sur la côte opposée, près de Punta Delgada, ce grès couvre un calcaire compacte, grisbleuâtre, presque dépourvu de pétrifications, et traversé par de petits filons de chaux carbonatée, cristallisée. Cette dernière roche est analogue à la pierre calcaire des hautes Alpes'.

La formation de grès, extrêmement récente de la péninsule d'Araya, renferme; 1.°, près de Punta Arenas, un grès stratifié, composé de grains très-fins qui sont liés par un ciment calcaire peu abondant; 2.o, au Cerro de la Vela, un grès schisteux2 dépourvu de mica et faisant passage à l'argile schisteuse qui accompagne la houille; 3.o, sur la côte occidentale, entre Punta Gorda et les ruines du

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château de Santiago, une brèche composée d'une innombrable quantité de coquilles marines pétrifiées et réunies par un ciment calcaire auquel sont mêlés des grains de quartz; 4.o, près de la pointe du Barigon, où l'on exploite la pierre employée pour les constructions à Cumana, des bancs de calcaire coquillier blancs-jaunâtres, dans lesquels reconnoît aussi quelques grains épars de quartz; 5.o, au Peñas negras, à la cime du Cerro de la Vela, un calcaire compacte grisbleuâtre, assez tendre, presque dépourvu de pétrifications, et recouvrant le grès schisteux. Quelque extraordinaire que puisse paroître ce mélange de grès et de calcaire compacte, on ne sauroit douter que ces couches appartiennent à une seule formation. Les roches secondaires très-récentes offrent partout des phénomènes analogues : la molasse du pays de Vaud renferme un calcaire coquillier fétide, et le calcaire à cerithes des bords de la Seine est quelquefois mêlé de grès 1.

Les couches de brèches calcaires que l'on

1 Cuvier et Brongniart, Géogr. min. des environs de Paris, 1811, p. 18, 25 et 135.

peut examiner le mieux, en allant, le long de la côte rocheuse, de Punta Gorda au château d'Araya, sont composées d'une infinité de coquilles pélagiques de quatre à six pouces de diamètre et en partie bien conservées. On y reconnoît, non des ammonites, mais des ampullaires, des solens et des térébratules. La plupart de ces coquilles sont mêlées; les huîtres et les pectinites sont quelquefois disposés par famille. Toutes se détachent facilement, et leur intérieur est rempli de cellulaires et de madrépores fossiles. Autrefois, en examinant les bancs de grès qui, à l'extrémité septentrionale de la Punta Araya, sont fréquemment baignés par la mer, j'avois pensé que des coquilles univalves, ressemblant au genre Hélix, et mêlées aux coquilles bivalves pélagiques, appartenoient à des espèces fluviatiles1. Ce mélange se trouve en effet 2 dans le calcaire de très-nouvelle formation qui recouvre la craie du bassin de Paris; mais, pour vérifier un fait si im

1

1 Reuss, Lehrbuch der Geognosie, T. II, p. 441.

2

D'après l'observation intéressante de M. Beudan. (Voyez Cuvier et Brongniart, l. c., p. 89.)

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