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et de Barcelone, à neuf ou dix mille fanegas, chacune de seize arrobas ou quatre quintaux. Cette consommation est très-considérable, et donne, en décomptant sur la population totale cinquante mille Indiens qui ne mangent que très-peu de sel, soixante livres par individu. En France, d'après M. Necker, on ne compte que douze à quatorze livres, et cette différence doit être attribuée à la quantité de sel employée dans les salaisons. La viande de

Cumana comprenoit les deux provinces de la NouvelleAndalousie et de la Nouvelle-Barcelone. Les mots province et governio ou gouvernement de Cumana ne sont par conséquent pas synonymes. Un Catalan, Juan de Urpin, qui avoit été tour à tour chanoine, docteur en droit, avocat à Santo-Domingo et simple soldat au château d'Araya, fonda, en 1636, la ville de Nueva Barcelona, et essaya de donner le nom de NouvelleCatalogne (Nueva Cathaluña à la province dont la ville, récemment construite, devenoit la capitale. Cette tentative est restée infructueuse, et c'est du chef-lieu que la province entière a pris sa dénomination. Depuis mon départ d'Amérique, elle a été élevée au rang de Govierno. Dans la Nouvelle-Andalousie, le nom indien de Cumana a prévalu sur ceux de Nueva Toledo et Nueva Cordoba, que l'on trouve sur les cartes du 17.° siècle.

bœuf salée, appelée tasajo, est l'objet d'exportation le plus important du commerce de Barcelone. Des neuf à dix mille fanegas que fournissent les deux provinces réunies, il n'y en a que trois mille produites par la saline d'Araya; le reste est tiré des eaux de la mer au Morro de Barcelone, à Pozuelos, à Piritu et dans le Golfo triste. Au Mexique, le seul lac salé du Peñon Blanco fournit par an plus de 250,000 fanegas de sel impur'.

La province de Caracas a de belles salines aux écueils de los Roques; celle qui existoit jadis à la petite île de la Tortuga, où le sol est fortement imprégné de muriate de soude, a été détruite par ordre du gouvernement espagnol. On a fait un canal par lequel la mer a un libre accès aux marais salans. Les nations étrangères qui ont des colonies aux Petites Antilles, fréquentoient cette île inhabitée, et la Cour de Madrid, d'après les vues d'une politique ombrageuse, craignoit que la saline de la Tortuga ne donnât lieu à un établisseinent stable qui favorisât le commerce illicite avec la Terre-Ferme.

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Nouvelle-Esp., Vol. IV, p. 60 et 136 de l'éd. in-8",

La régie royale des salines d'Araya ne date. que de l'année 1792. Avant cette époque, elles étoient entre les mains de pêcheurs indiens qui fabriquoient le sel à leur gré, et le vendoient en payant au gouvernement la somme 1 modique de 300 piastres. Le prix de la fanega

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étoit alors de 4 réaux1; mais le sel étoit extrêmement impur, grisâtre, mêlé de parties terreuses, et surchargé de muriate et de sulfate de magnésie. Comme en outre l'exploitation ou le travail des saulniers se faisoit d'une manière très-irrégulière, on manquoit souvent de sel pour la salaison des viandes et des poissons, circonstance qui influe puissamment, dans ces contrées, sur les progrès de l'industrie, le bas-peuple indien et les esclaves se nourrissant de poissons et d'un peu de tasajo. Depuis que la province de Cumana dépend de l'intendance de Caracas, la vente du sel se fait par régie; et la fanega, que les Guay

'Dans cette Relation, comme dans l'Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, tous les prix sont évalués en piastres fortes et en réaux d'argent, reales de plata. Huit de ces réaux équivalent à une piastre forte, ou à 105 sous, monnoie de France. (Nouv. Esp., Vol. III, p. 381; IV, p. 178; V, p. 191 de l'éd. in-8°.)

queries vendoient une demi-piastre, coûte une piastre et demie1. Cette augmentation de prix est foiblement compensée par une plus grande pureté du sel et par la facilité qu'ont les pêcheurs et les colons de s'en procurer en abondance pendant toute l'année. L'administration de la saline d'Araya rendoit à la trésorerie, en 1799, un produit net de 8000 piastres.

Il résulte de ces notions statistiques que la fabrication du sel n'est pas d'un grand intérêt, si on la considère comme une branche d'industrie. Elle mérite plus notre attention à cause de la nature du sol qui renferme les marais salans. Pour bien saisir la liaison géologique dans laquelle se trouve le terrain muriatifère avec les roches de formations plus anciennes, nous allons jeter un coup d'œil général sur les montagnes voisines de Cumana et sur celles de la péninsule d'Arayà et de l'île de la Marguerite.

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La fanega se vend aux Indiens et aux pêcheurs qui ne paient pas les droits royaux (derechos reales) à Punta Araya 6, à Cumana 8 reales. Les prix sont, pour les autres castes, à Araya 10, à Cumana, 12 reales.

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Trois grandes chaînes s'étendent parallèlement de l'est à l'ouest. Les deux plus septentrionales sont primitives, et renferment les schistes micacés du Macanao et du Valle San Juan, de Maniquarez et de Chuparipari : nous les désignerons par les noms de Cordillère de l'ile de la Marguerite, et Cordillère d'Araya; la troisième chaîne, la plus méridionale de toutes, la Cordillère du Bergantin et du Cocollar, n'offre que des roches de formation secondaire; et, ce qui est assez remarquable, quoique analogue à la constitution géologique des Alpes à l'ouest du St.-Gothard, le chaînon primitif est beaucoup moins élevé que celui qui est composé de roches secondaires. La

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Dans la Nouvelle-Andalousie, la Cordillère du Cocollar n'offre nulle part des roches primitives. Si ces roches forment le noyau du chaînon, et s'élèvent au-dessus du niveau des plaines voisines, ce qui est peu probable, il faut croire qu'elles sont toutes recou-. vertes de calcaire et de grès. Dans les Alpes de la Suisse, au contraire, le chaînon que l'on désigne sous le nom trop vague de chaînon latéral et calcaire, offre des roches primitives qui, d'après les belles observations de MM. Escher et Léopold de Buch, sont sou¬ vent à découvert jusqu'à huit cent et mille toises de hauteur.

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