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Nous débarquâmes, vers les huit heures du matin, à la pointe d'Araya, près de la nouvelle saline. Une maison isolée' s'élève dans une plaine dénuée de végétaux, près d'une batterie de trois canons, qui est l'unique défense de cette côte depuis la destruction du fort Saint-Jacques. L'inspecteur de la saline passe sa vie dans un hamac, d'où il donne ses ordres aux ouvriers une barque du roi (la lancha del rey) lui porte, toutes les semaines, ses provisions de Cumana. On est étonné qu'une saline, qui jadis avoit excité la jalousie des Anglois, des Hollandois et d'autres puissances maritimes, n'ait pas donné lieu à l'établissement d'un village ou d'une ferme. A peine trouve-t-on, à l'extrémité de la pointe d'Araya, quelques cabanes de pauvres Indiens pêcheurs.

On découvre à la fois, dans ce site, l'îlot de Cubagua, les hautes cimes de la Marguerite, les ruines du château Saint-Jacques, le Cerro de la Vela et la chaîne calcaire du Bergantin, qui borne l'horizon vers le sud. Je profitai de cette vue pour prendre les

'La Rancheria de la Salina nueva.

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angles entre ces différens points, en les appuyant sur une base de quatre cents toises que j'avois mesurée entre la batterie et la colline appelée la Peña. Comme le Cerro de la Vela, le Bergantin et le château SaintAntoine de Cumana, sont également visibles à la Punta Arenas, située à l'ouest du village de Maniquarez, les relèvemens des mêmes. objets ont servi à déterminer approximativement la position respective de plusieurs points qui sont indiqués dans la carte minéralogique de la péninsule d'Araya. Il en résulte que la lagune de l'ancienne saline est à peu près par les 10o 35'. La différence de longitude entre Cumana et la nouvelle saline est, d'après M. Fidalgo, de 5′ 34′′ en arc. J'ai déterminé cette même différence par transport du temps'; les angles horaires étoient exacts, à 3 et 4 secondes près, mais je n'ai aucune confiance dans le résultat chronométrique, parce qu'il ne s'agit que d'un très-petit nombre de secondes, et que l'avance de l'horloge sur le temps moyen de Cumana n'a pu être vérifiée immédiatement

Observ. astr. T. I, p. 6, n. 17.

le

après mon retour, mais seulement quatre jours plus tard.

que

L'abondance de sel1 que renferme la péninsule d'Araya fut déjà reconnue 2 par Alonso Niño, lorsque, sur les traces de Colon, d'Ojeda et d'Amerigo Vespucci, il visita ces contrées en 1499. Quoique de toutes les nations du globe, les indigènes de l'Amérique soient ceux qui consomment le moins. de sel, parce qu'ils se nourrissent presque uniquement de végétaux, il paroît cependant les Guay queries fouilloient déjà les terrains argileux et muriatifères de la Punta Arenas. Même les salines, que l'on appelle aujourd'hui nouvelles, et qui sont situées à l'extrémité du cap Araya, ont été travaillées dans les temps les plus reculés. Les Espagnols, établis d'abord à Cubagua, et bientôt après sur les côtes de Gumana, exploitoient, dès le commencement du seizième siècle, les marais salans qui se prolongent en forme de lagune au nord-ouest du Cerro de la Vela. Comme à cette époque la péninsule d'Araya

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ne renfermoit pas de population stable, les Hollandois profitèrent de la richesse naturelle d'un sol qui leur paroissoit une propriété commune à toutes la nations. De nos jours, chaque colonie a ses salines particulières, et la navigation est tellement perfectionnée, que les négocians de Cadix peuvent envoyer à peu de frais du sel d'Espagne et de Portugal dans l'hémisphère austral, à une distance de 1900 lieues, pour les salaisons de Montevideo et de Buenos-Ayres. Ces avantages étoient inconnus du temps de la conquête; l'industrie coloniale avait fait alors si peu de progrès, que le sel d'Araya étoit transporté à grands frais aux Antilles, à Carthagène et à Portobelo'. En 1605, la cour de Madrid envoya des bâtimens armés à la Punta Araya, avec ordre d'y stationner et de chasser les Hollandois de vive force: ceux-ci continuèrent cependant encore à recueillir furtivement du sel jusqu'à ce que l'on construisît, en 1622, près des salines, un fort devenu célèbre sous le nom de Castillo de Santiago, ou de la Real Fuerza de Araya.

1 MSS. des Archives de Cumana. (Informes hechos sobre la Salina nueva.)

Les grands marais salans sont indiqués sur les cartes espagnoles les plus anciennes, tantôt comme une anse, tantôt comme une lagune. Laet, qui écrivit son Orbis novus en 1633, et qui avoit eu d'excellentes notions sur ces côtes, dit même tout exprès que la lagune étoit séparée de la mer par un isthme plus élevé que le niveau de la marée montante. En 1726, un événement extraordinaire détruisit la saline d'Araya, et rendit inutile le fort dont la construction avoit coûté plus d'un million de piastres fortes. On sentit un coup de vent impétueux, phénomène trèsrare dans ces parages où la mer n'est généralement pas plus agitée que l'eau de nos grandes rivières. Le flot se porta bien avant dans les terres, et, par l'effet de l'irruption de l'Océan, le lac salé fut converti en un golfe de plusieurs milles de long. Depuis cette époque, on a établi des réservoirs ou vasets artificiels au nord de la rangée de collines qui sépare le château de la côte septentrionale de la péninsule.

La consommation du sel s'élevoit, en 1799 et 1800, dans les deux provinces de Cumana'

A l'époque de mon voyage, le gouvernement de

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