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noître la longitude donnée par le garde-temps de Louis Berthoud. Le hasard voulut que, dans un pays où le ciel est constamment pur et serein, il y eût plusieurs nuits sans étoiles. Tous les jours, deux heures après le passage du soleil par le méridien, il se formoit un orage, et j'eus beaucoup de peine à obtenir des hauteurs correspondantes du soleil, quoique j'en prisse trois ou quatre groupes à différens intervalles. La longitude chronométrique de Cumana ne différa que de 4" en temps de celle que j'ai déduite des phénomènes célestes; cependant notre navigation avoit duré plus de quarante jours, et, pendant le voyage à la cime du pic de Ténériffe, l'horloge avoit été exposée à de grandes variations de température '.

Il résulte de l'ensemble des observations' que j'ai faites, en 1799 et 1800, , que la latitude de la grande place de Cumana est de 10° 27′ 52′′, et sa longitude de 66° 30′ 2′′. Cette longitude se fonde sur le transport du temps, sur des distances lunaires, sur l'éclipse

1 Obs. astr., T. I, p. xxiv. 2 Ibid., T. I, p. 42-92.

du soleil du 28 octobre 1799, et sur dix immersions des satellites de Jupiter, comparées à des observations faites en Europe. Elle diffère très-peu de celle que M. Fidalgo avoit obtenue avant moi, mais par des moyens purement chronométriques. La plus ancienne carte que nous ayons du nouveau continent, celle de Diego Ribeiro, géographe de l'empereur Charles-Quint, place Cumana par les 9° 30' de latitude', position qui differe de 58' de la véritable latitude, et d'un demidegré de celle à laquelle s'arrête Jefferys dans son Pilote de l'Amérique, publié en 1794. Pendant trois siècles on traça toute la côte de la Terre-Ferme sur un parallèle trop méridional, parce que, aux attérages de l'île de la Trinité, les courans portent vers le nord, et que, d'après l'indication du loch, les navigateurs se croient plus au sud qu'ils ne le sont réellement.

Le 17 août, un halo, ou couronne lumi neuse autour de la lune, fixa beaucoup

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1 D'après Herera, lat. 9° 50'. (Descripcion de las Indias occid., p. 9.) D'après la Carte de l'Océan Atlantique, publiée au dépôt de la Marine, en 1792; lat. 9° 52'. La carte de Ribeiro est de l'année 1529.

l'attention des habitans. On le regarda comme le présage de quelque forte secousse de tremblement de terre; car, d'après la physique du peuple, tous les phénomènes extraordinaires sont immédiatement liés les uns aux autres. Les cercles colorés autour de la lune sont

beaucoup plus rares dans les pays du nord, qu'en Provence, en Italie et en Espagne. On les voit surtout, et ce fait est assez remarquable, lorsque le ciel est le pur et que temps serein paroît le plus constant. Sous la zone torride, de belles couleurs prismatiques se présentent presque toutes les nuits, même à l'époque des grandes sécheresses: souvent, dans l'espace de peu de minutes, elles disparoissent plusieurs fois, sans doute parce que des courans supérieurs changent l'état des vapeurs légères dans lesquelles la lumière se réfracte. J'ai même observé quelquefois, me trouvant entre les 15 degrés de latitude et l'équateur, de petits halos autour de Vénus; on y distinguoit le pourpre, l'orangé et le violet mais je n'ai jamais vu de couleurs autour de Sirius, de Canopus ou d'Achernar. Pendant que le halo fut visible à Cumana, l'hygromètre marqua une forte humidité¿

cependant les vapeurs paroissoient si parfaitement dissoutes, ou plutôt si élastiques et si uniformément répandues, qu'elles n'altéroient

pas

la transparence de l'atmosphère. La lune se leva, après une pluie d'orage, derrière le château Saint-Antoine. Dès qu'elle parut sur l'horizon, on distingua deux cercles, un grand blanchâtre de 44° de diamètre, et un petit qui, brillant de toutes les couleurs de l'arcen-ciel, avoit 1° 43′ de largeur. L'espace entre les deux couronnes étoit de l'azur le plus foncé. A 40o de hauteur, elles disparurent sans que les instrumens météorologiques indiquassent le moindre changement dans les basses régions de l'air. Ce phénomène n'avoit rien de frappant, si ce n'est la grande vivacité des couleurs, jointe à la circonstance que, d'après des mesures prises avec un sextant de Ramsden, le disque lunaire ne se trouvoit pas exactement dans le centre des halos. Sans cette mesure, on auroit croire pu que tricité étoit l'effet de la projection des cercles sur la concavité apparente du ciel'. La forme

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l'excen

Le 17 août 1799: thermomètre, 25o,3; hygromètre de Deluc, 68°. La lune ayant 11° 28' de hauteur, le diamètre horizontal de la petite couronne

des halos et les couleurs que présente l'atmosphère des Tropiques éclairée par la lune, méritent de nouvelles recherches de la part

étoit 1° 50', et le diamètre vertical 1° 43′. Il y avoit, du centre de la lune au bord supérieur du petit halo, 44', et au bord inférieur, 59'. Tout l'espace entre le disque lunaire et l'extrémité du petit halo brilloit de couleurs prismatiques. Le diamètre horizontal du grand halo blanc étoit de 42° 3'. Lorsque la lune eut atteint 37° 34' de hauteur au-dessus de l'horizon, le diamètre du grand halo fut de 44 10', et la largeur de la bande laiteuse de 3o 35'. La lune ne montra plus d'excentricité, et le petit halo n'avoit que 1o 27' de diamètre. Ces mesures ont été prises sans lunette et en ramenant dans le sextant le bord de la lune en contact avec les extrémités très-tranchées des deux couronnes. Il me paroît difficile d'admettre que j'aie pu me tromper de 19' sur l'excentricité de la lune : la réfraction auroit plutôt diminué qu'augmenté l'étendue du halo vers le bord inférieur. Il ne faut pas confondre ce phénomène, qui appartient aux dernières couches de l'atmosphère, et qui s'observe par un ciel pur et sans vapeurs visibles, avec ces cercles colorés qui se projettent sur des nuages blancs chassés par le vent devant le disque lunaire, et qui n'ont que sept à huit cents toises de hauteur absolue. (Voyez Walker Jordan dans le Journ. de Nicholson, Vol. IV, p. 141; et Optique de Newton, 1722, p. 476).

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