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nous, les oscillations du sol à la tension des fluides élastiques, citoient en faveur de leur opinion la cessation totale des secousses à l'île l'ouverture d'une crevasse dans

d'Eubée, par

la plaine Lelantine'.

Nous avons tâché de réunir, à la fin de ce chapitre, les phénomènes généraux qu'offrent les tremblemens de terre sous différens climats. Nous avons fait voir que les météores souterrains sont soumis à des lois aussi uniformes que le mélange des fluides gazeux qui constituent notre atmosphère. Nous nous sommes abstenus de toute discussion sur la nature des agens chimiques qui sont les causes des grands bouleversemens qu'éprouve de temps en temps la surface de la terre. Il suffit de rappeler ici que ces causes résident à d'immenses profondeurs, et qu'il faut les chercher dans les roches que nous appelons primitives, peut-être même, au-dessous de la croûte ter

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« Les secousses ne cessèrent qu'après qu'il se fut ouvert dans la plaine de Lélante (près de Chalcis) une crevasse qui vomit un fleuve de boue enflammée. » Strabo, Lib. I, ed. Oxon. 1807, T. I, p. 85. (Voyez aussi la traduction de M. Du Theil, T. I, p. 137, note 4.)

reuse et oxidée du globe, dans les abîmes qui renferment les substances métalloïdes de la silice, de la chaux, de la soude et de la potasse.

On a tenté récemment de considérer les phénomènes des volcans et ceux des tremblemens de terre, comme les effets de l'électricité voltaïque, développée par une disposition particulière de strates hétérogènes. On ne sauroit nier que souvent, lorsque de forțes secousses se succèdent dans l'espace de quelques heures, la tension électrique de l'air augmente sensiblement à l'instant où le sol est le plus agité; mais, pour expliquer ce phénomène, on n'a pas besoin de recourir à une hypothèse qui est en contradiction directe avec tout ce que l'on a observé jusqu'ici sur la structure de notre planète, et sur la disposition de ses couches pierreuses.

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1 Voyez les expériences électroscopiques faites en Piémont, dans les vallées de Pélis et de Clusson, en 1808. Journ. de Phys., T. LXVII, p. 292.

CHAPITRE V.

Péninsule d'Araya.—Marais salans.-Ruines du château Saint-Jacques.

LES premières semaines de notre séjour à Cumana furent employées à vérifier nos instrumens, à herboriser dans les campagnes voisines, et à reconnoître les traces qu'avoit laissées le tremblement de terre du 14 décembre 1797. Frappés d'un grand nombre d'objets à la fois, nous éprouvâmes quelque embarras à nous assujétir à une marche régulière d'études et d'observations. Si tout ce qui nous environnoit étoit propre à nous inspirer un vif intérêt, nos instrumens de physique et d'astronomie excitoient à leur tour la curiosité des habitans. Nous fûmes distraits par de fréquentes visites; et, pour ne pas mécontenter des personnes qui paroissoient si heureuses de voir les taches de la lune dans une lunette de

Dollond, l'absorption de deux gaz dans un

tube eudiométrique, ou les effets du galvanisme sur les mouvemens d'une grenouille, il fallut bien se résoudre à répondre à des questions souvent obscures, et à répéter, pendant des heures entières, les mêmes expériences.

Ces scènes se sont renouvelées pour nous pendant cinq ans, chaque fois que nous avons séjourné dans un lieu où l'on avait appris que nous possédions des microscopes, des lunettes ou des appareils électro-moteurs. Elles étoient généralement d'autant plus fatiguantes, que les personnes qui nous visitoient avoient des notions confuses d'astronomie ou de physique, deux sciences que, dans les colonies espagnoles, on désigne sous le nom bizarre de la nouvelle philosophie, nueva filosofia. Les demi-savans nous regardoient avec une sorte de dédain, lorsqu'ils apprenoient que nous ne portions point parmi nos livres le Spectacle de la Nature de l'abbé Pluche, le Cours de physique de Sigaud La Fond, ou le Dictionnaire de Valmont de Bomare. Ces trois ouvrages et le Traité d'Economie politique du baron de Bielfeld sont les livres étrangers les plus connus et les plus estimés dans l'Amérique espagnole, depuis Caracas et le Chili

jusqu'à Guatimala et au nord du Mexique. On ne paroît savant qu'autant qu'on peut en citer les traductions, et c'est seulement dans les grandes capitales, à Lima, à Santa-Fe de Bogota, et à Mexico, que les noms de Haller, de Cavendish et de Lavoisier commencent à remplacer ceux dont la célébrité est devenue populaire depuis un demi-siècle.

La curiosité qui se porte sur les phénomènes du ciel et sur divers objets des sciences naturelles, prend un caractère bien différent chez des nations anciennement civilisées et chez celles qui ont fait peu de progrès dans le développement de leur intelligence. Les unes et les autres offrent, dans les classes les plus distinguées de la société, des exemples fréquens de personnes étrangères aux sciences; mais, dans les colonies et chez tous les peuples nouveaux, la curiosité, loin d'être oiseuse et passagère, naît d'un désir ardent de l'instruction; elle s'annonce avec une candeur et une naïveté qui n'appartiennent en Europe qu'à la première jeunesse.

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Je ne pus commencer un cours régulier d'observations astronomiques avant le 28 juillet, quoiqu'il m'importât beaucoup de con

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