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haut, des flammes et des vapeurs mêlées d'acide sulfureux, s'élèvent du sol le plus aride. Dans d'autres parties de la même province, la terre vomit de l'eau et du pétrole. A Riobamba, une masse boueuse et inflammable qu'on appelle Moya, sort de crevasses qui se referment, et s'accumule en collines élevées. A sept lieues de Lisbonne, près de Colares, on vit, pendant le terrible tremblement de terre du 1er novembre 1755, sortir des flammes et une colonne de fumée épaisse du flanc des rochers d'Alvidras, et, selon quelques témoins, du sein de la mer'. Cette fumée dura plusieurs jours, et elle étoit d'autant plus abondante que le bruit souterrain qui accompagnoit les secousses étoit plus fort.

Des fluides élastiques versés dans l'atmosphère peuvent agir localement sur le baromètre, sinon par leur masse qui est très-petite comparativement à la masse de l'atmosphère, mais parce qu'au moment des grandes explosions, il se forme vraisemblablement un courant ascendant, qui diminue la pression

Phil. Trans., T. XLIX, p. 414.

de l'air. J'incline à croire que, dans la plupart des tremblemens de terre, rien ne s'échappe du sol ébranlé, et que là où les émanations de gaz et de vapeurs ont lieu, elles précèdent les secousses moins souvent qu'elles ne les accompagnent et les suivent. Cette dernière circonstance offre l'explication d'un fait qui paroît indubitable, je veux dire de cette influence mystérieuse qu'ont, dans l'Amérique équinoxiale, les tremblemens de terre sur le climat et sur l'ordre des saisons de pluie et de sécheresse. Si la terre n'agit généralement sur l'air qu'au moment des secousses, on conçoit pourquoi il est si rare qu'un changement météorologique sensible devienne le présage de ces grandes révolutions de la

nature.

L'hypothèse d'après laquelle, dans les tremblemens de terre de Cumana, des fluides élastiques tendent à s'échapper de la surface du sol, semble confirmée par l'observation du bruit effrayant que l'on observe pendant les secousses aux bords des puits dans la plaine des Charas. Quelquefois l'eau et le sable sont projetés à plus de vingt pieds de hauteur. Des phénomènes analogues n'ont

pas échappé à la sagacité des anciens quí habitoient des parties de la Grèce et de l'Asie mineure, remplies de cavernes, de crevasses et de rivières souterraines. La nature, dans sa marche uniforme, fait naître partout les mêmes idées sur les causes des tremblemens de terre et sur les moyens par lesquels l'homme, oubliant la mesure de ses forces, prétend diminuer l'effet des explosions souterraines. Ce qu'un grand naturaliste romain a dit de l'utilité des puits et des cavernes', est répété, dans le nouveau monde,

In puteis est remedium, quale et crebri specus præbent: conceptum enim spiritum exhalant : quod in certis notatur oppidis, quæ minus quatiuntur, crebris ad eluviem cuniculis cavata. Plin., Lib. II, c. 82 (ed. Par. 1723, T. I, p. 112). Encore aujourd'hui, dans la capitale de Santo Domingo, les puits sont regardés comme diminuant la violence des secousses. J'observerai à cette occasion que la théorie des tremblemens de terre, donnée par Sénèque (Nat. Quaest. Lib. VI, c. 4-31), contient le germe de tout ce qui a été dit de nos temps sur l'action des vapeurs élastiques renfermées dans l'intérieur du globe. (Comparez Michell, dans les Phil. Trans., T. LI, p. 566634; et Thomas Young, dans Rees, New Cyclopædia, Vol. XII, p. 2, art. Earthquake.)

par les Indiens les plus ignorans de Quito, lorsqu'ils montrent aux voyageurs les guaicos ou crevasses de Pichincha.

Le bruit souterrain, si fréquent pendant les tremblemens de terre, n'est le plus souvent pas en rapport avec la force des secousses. A Cumana il les précède constamment; tandis qu'à Quito, et depuis peu à Caracas et aux Antilles, on a entendu un bruit semblable à la décharge d'une batterie, long-temps après que les secousses avoient cessé. Un troisième genre de phénomènes, le plus remarquable de tous, est le roulement de ces tonnerres souterrains qui durent pendant plusieurs mois, sans être accompagnés du moindre mouvement oscillatoire du sol'.

Dans tous les pays sujets aux tremblemens de terre, on regarde comme la cause et le foyer des secousses le point où, vraisemblablement par une disposition particulière des

1 Les tonnerres souterrains (bramidos y truenos subterraneos) de Guanaxuato seront décrits dans la suite de cet ouvrage. (Nouv.-Esp., T. I, p. 303 de l'éd. 8°.) Le phénomène d'un bruit sans secousses avoit déjà été observé par les anciens. (Aristot., Meteor., Lib. II, ed. Duval, p. 802. Plin., Lib. Il, c. 80.)

couches pierreuses, les effets sont les plus sensibles. C'est ainsi que l'on croit à Cumana que la colline du château Saint-Antoine, et surtout l'éminence sur laquelle est placé le couvent de Saint-François, renferment une énorme quantité de soufre et d'autres matières inflammables. On oublie que la rapidité avec laquelle les ondulations se propagent à de grandes distances, même à travers le bassin de l'Océan, prouve que le centre d'action est très-éloigné de la surface du globe. C'est sans doute par cette même cause que lės tremblemens de terre ne sont pas restreints à de certaines roches, comme le prétendent quelques physiciens, mais que toutes sont propres à propager le mouvement. Pour ne pas sortir du cercle de ma propre expérience, je citerai ici les granites de Lima et d'Acapulco, le gneiss de Caracas, le schiste micacé de la péninsule d'Araya, le schiste primitif de Tepecuacuilco au Mexique, les calcaires secondaires de l'Apennin, de l'Espagne et de la Nouvelle-Andalousie', enfin les por

'J'aurois pu ajouter à cette liste des roches secondaires les gypses de la plus nouvelle formation, par

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