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tranquillité publique et sur la conservation de l'industrie. On admet généralement qu'il faut un espace de temps assez long pour que les mêmes causes puissent agir avec la même énergie; mais ce raisonnement n'est juste qu'autant que l'on considère les secousses comme un phénomène local, et que l'on suppose, sous chaque point du globe exposé à de grands bouleversemens, un foyer particulier. Partout où de nouveaux édifices s'élèvent sur les ruines des anciens, on entend dire à ceux qui refusent de rebâtir, que la destruction de Lisbonne, du 1.er novembre 1755, a été bientôt suivie par une seconde non moins funeste, le 31 mars 1761.

C'est une opinion extrêmement ancienne et très-répandue à Cumana, à Acapulco et à Lima, qu'il existe un rapport sensible entre les tremblemens de terre et l'état de l'atmosphère qui précède ces phénomènes. Sur les côtes de la Nouvelle-Andalousie, on est inquiet lorsque, par un temps excessivement chaud et après de longues sécheresses,

Arist. Meteor., Lib. II (ed. Duval, T. I, p. 798). Seneca, Nat. Quæst., Lib. VI, c. 12.

la brise cesse tout-à-coup de souffler, et que le ciel, pur et sans nuages au zenith, offre, près de l'horizon, à 6 ou 8 degrés de hauteur, une vapeur roussâtre. Ces pronostics sont cependant bien incertains; et, quand on se rappelle l'ensemble des variations météorologiques, aux époques où le globe a été le plus agité, on reconnoît que des secousses violentes ont également lieu par des temps humides et secs, par un vent très-frais, et par un calme plat et suffocant. D'après le grand nombre de tremblemens de terre dont j'ai été témoin au nord et au sud de l'équateur, sur le continent et dans le bassin des mers, sur les côtes et à 2500 toises de hauteur, il m'a paru que les oscillations sont généralement assez indépendantes de l'état antérieur de l'atmosphère. Cette opinion est partagée par beaucoup de personnes instruites qui habitent les colonies espagnoles, et dont l'expérience s'étend, sinon sur un plus grand espace du globe, du moins sur un plus grand nombre d'années que la mienne. Au contraire, dans des parties de l'Europe, où les tremblemens de terre sont rares comparativement à l'Amérique, les physiciens inclinent à admettre une

liaison intime entre les ondulations du sol et quelque météore qui se présente accidentellement à la même époque. C'est ainsi qu'en Italie, on soupçonne un rapport entre le Sirocco et les tremblemens de terre, et qu'à Londres on regarda, comme les avant-coureurs des secousses qui se faisoient sentir depuis 1748 jusqu'en 1756, la fréquence des étoiles filantes, et ces aurores australes 1 qui

'Phil. Trans., T. XLVI, p. 642, 663 et 743. L'aspect de ces météores conduisit presque en même temps deux savans distingués à des théories diamétralement opposées. Hales, frappé de son expérience sur la décomposition du gaz nitreux, lorsqu'il entre en contact avec l'air atmosphérique, imagina une théorie chimique d'après laquelle le tremblement de terre étoit l'effet «< d'une prompte condensation d'exhalaisons sulfureuses et nitreuses » ( Ibid., p. 678). Stuckeley, familiarisé avec les idées de Franklin, sur la distribution de l'électricité dans les couches de l'atmosphère, regarda le mouvement oscillatoire de la surface du globe comme l'effet d'un choc électrique qui se propage de l'air dans la terre (Ibid., p. 642 ). D'après l'une et l'autre de ces théories, on admettoit l'existence d'un gros nuage noir qui séparoit des couches d'air inégalement chargées d'électricité ou de vapeurs nitreuses, et ce nuage avoit été vu à Londres

depuis ont été observées plusieurs fois par M. Dalton.

Les jours où la terre est ébranlée par des secousses violentes, la régularité des variations horaires du baromètre n'est pas troublée sous les Tropiques. J'ai vérifié cette observation à Cumana, à Lima et à Riobamba; elle est d'autant plus digne de fixer l'attention des physiciens, qu'à Saint-Domingue, à la ville du Cap-françois, on prétend avoir vu baisser un baromètre d'eau de deux pouces ' et demi immédiatement avant le tremblement de terre de 1770. De même on rapporte que, lors de la destruction d'Oran, un pharmacien se sauva avec sa famille, parce que, observant par hasard, peu de minutes avant la catastrophe, la hauteur du mercure dans son

au moment des premières secousses. Je cite ces rêveries pour rappeler à quelles erreurs on s'expose, en physique et en géologie, si au lieu d'embrasser l'ensemble des phénomènes on s'arrête à des circonstances accidentelles.

1

Currejolles, dans le Journ. de Phys., T. LIV, p. 106. Cet abaissement ne répond qu'à deux lignes de mercure. Le baromètre resta assez immobile à Pignerol, en avril 1808. (Ibid., T. LXVII, p. 292.)

baromètre, il s'aperçut que la colonne se raccourcissoit d'une manière extraordinaire. J'ignore, si l'on peut ajouter foi à cette assertion; comme il est à peu près impossible d'examiner les variations du poids de l'atmos phère pendant les secousses mêmes, il faut se contenter d'observer le baromètre avant ou après que ces phénomènes ont eu lieu. Dans la zone tempérée, les aurores boréales ne modifient pas toujours la déclinaison de l'aimant et l'intensité des forces magnétiques'. Peut-être aussi les tremblemens de terre n'agissent-ils pas constamment de la même manière sur l'air qui nous entoure.

que,

Il paroît difficile de révoquer en doute loin de la bouche des volcans encore actifs, la terre, entr'ouverte et ébranlée par des secousses, répand de temps en temps des émanations gazeuses dans l'atmosphère. A Çumana, comme nous l'avons indiqué plus

J'ai eu occasion d'observer, conjointement avec M. Oltmanns, à Berlin, dans la nuit du 20 décembre 1806, un changement d'intensité magnétique. Le point de convergencc des rayons de l'aurore boréale a été déterminé astronomiquement par des azimuts. (Gilbert, Annalen, 1811, p. 274.)

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