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plaines de la Basse-Égypte different des plateaux élevés de l'Abyssinie.

Les rapports que nous venons d'indiquer, entre le littoral de la Nouvelle-Andalousie et celui du Pérou, s'étendent jusqu'à la fréquence des tremblemens de terre et aux limites que la nature semble avoir prescrites à ces phénomènes. Nous avons éprouvé nous-mêmes des secousses très-violentes à Cumana; et, au moment où l'on reconstruisoit les édifices récemment écroulés, nous avons été à même de recueillir, sur les lieux, le détail exact des circonstances qui ont accompagné la grande catastrophe du 14 décembre 1797. Ces notions auront d'autant plus d'intérêt, que les tremblemens de terre ont été considérés jusqu'ici, moins sous un point de vue physique et géologique, que sous le rapport des effets funestes qu'ils ont sur la population et le bien-être de la société.

C'est une opinion très-répandue sur les côtes de Cumana et à l'île de la Marguerite, que le golfe de Cariaco doit son existence à un déchirement des terres accompagné d'une irruption de l'Océan. La mémoire de cette grande révolution s'étoit conservée parmi les

Indiens, jusqu'à la fin du quinzième siècle, et l'on rapporte qu'à l'époque du troisième voyage de Christophe Colomb, les indigènes en parloient comme d'un événement assez récent. En 1530, de nouvelles secousses effrayèrent les habitans des côtes de Paria et de Cumana. La mer inonda les terres, et le petit fort que Jacques Castellon avoit construit à la Nouvelle-Tolède s'écroula entièrement. Il se forma en même temps une énorme ouverture dans les montagnes de Cariaco, sur les bords du golfe de ce nom, où une grande masse d'eau salée, mêlée d'asphalte, jaillit du schiste micacé. Les tremblemens de terre

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1 C'est le premier nom donné à la ville du Cumana (Girolamo Benzoni, Hist. del Mondo nuovo, p. 3, 31 et 33). Jacques Castellon étoit arrivé de SaintDomingue en 1521, après l'apparition que le fameux Bartholomée de las Casas avoit faite dans ces contrées. En lisant avec attention les relations de Benzoni et de Caulin, on voit que le fort de Castellon étoit construit près de l'embouchure du Manzanares (alla ripa del fiume de Cumana ), et non, comme l'ont affirmé quelques voyageurs modernes, sur la montagne où se trouve aujourd'hui le château Saint-Antoine. (Caulin, Hist. corrografica, p. 126).

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Herera, Descripcion de las Indias, p. 14.

furent très-fréquens vers la fin du seizième siècle; et, selon les traditions conservées à Cumana, la mer inonda souvent les plages, et s'éleva jusqu'à 15 ou 20 toises de hauteur. Les habitans se sauvèrent sur le Cerro de San Antonio et sur la colline où se trouve aujourd'hui le petit couvent de St.-François. On croit même que ces fréquentes inondations engagèrent les habitans à construire le quartier de la ville qui est adossé à la montagne et qui occupe une partie de sa pente.

Comme il n'existe aucune chronique de Cumana, et que ses archives, à cause des dévastations continuelles des termites ou fourmis blanches, ne renferment aucun document qui remonte à plus de cent cinquante ans, on ne connoît pas les dates précises des anciens tremblemens de terre. On sait seulement que, dans les temps plus rapprochés de nous, l'année 1766 a été à la fois la plus funeste pour les colons, et la plus remarquable pour l'histoire physique du pays. Une sécheresse semblable à celles que l'on éprouve de temps en temps aux îles du cap Vert, avoit régné depuis quinze mois, lorsque, le 21 octobre 1766, la ville de Cumana fut entièrement détruite. La

mémoire de ce jour est renouvelée tous les ans par une fête religieuse accompagnée d'une procession solennelle. Toutes les maisons s'écroulèrent dans l'espace de peu de minutes, et les secousses se répétèrent pendant quatorze mois d'heure en heure. Dans plusieurs parties de la province, la terre s'entr'ouvrit et vomit des eaux sulfureuses. Ces éruptions furent surtout très-fréquentes dans une plaine qui s'étend vers Casanay, deux lieues à l'est de la ville de Cariaco, et qui est connue sous le nom du terrain creux, tierra hueca, parce qu'elle paroît entièrement minée par des sources thermales. Pendant les années 1766 et 1767, les habitans de Cumana campèrent dans les rues, et ils commencèrent à reconstruire leurs maisons lorsque les tremblemens de terre ne se succédèrent plus que de mois en mois. Il arriva alors sur ces côtes cè que l'on a éprouvé dans le royaume de Quito, immédiatement après la grande catastrophe du 4 février 1797. Tandis que le sol oscilloit continuellement, l'atmosphère sembloit se résoudre en eau. De fortes ondées firent gonfler les rivières; l'année fut extrêmement fertile, et les Indiens, dont les frêles cabanes

résistent facilement aux secousses les plus fortes, célébroient, d'après les idées d'une antique superstition, par des fêtes et des danses, la destruction du monde et l'époque prochaine de sa régénération.

La tradition porte que, dans le tremblement de terre de 1766 comme dans un autre très-remarquable de 1794, les secousses étoient de simples oscillations horizontales : ce ne fut que le jour malheureux du 14 décembre 1797, que pour la première fois, à Cumana, le mouvement se fit sentir par soulèvement, de bas en haut. Plus des quatre cinquièmes de la ville furent alors entièrement détruits; et le choc, accompagné d'un bruit souterrain trèsfort, ressembloit, comme à Riobamba, à l'explosion d'une mine placée à une grande profondeur. Heureusement la secousse la plus violente fut précédée d'un léger mouvement d'ondulation, de sorte que la plupart des habitans purent se sauver dans les rues, et qu'il ne périt qu'un petit nombre de ceux qui étoient rassemblés dans les églises. C'est une opinion généralement reçue à Cumana, que les tremblemens de terre les plus destructeurs s'annoncent par des oscillations très

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