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maisons adossées aux rochers et aux collines sur la rive droite du Manzanares.

La plage près de l'embouchure du petit Rio Santa Catalina est bordée de Paletuviers', mais ces Manglares n'ont pas assez d'étendue pour diminuer la salubrité de l'air de Cumana. Le reste de la plaine est en partie dénué de vegétation, en partie couvert de touffes de Sesuvium portulacastrum, Gomphrena flava, G. myrtifolia, Talinum cuspidatum, T. cumanense, et Portulaca lanuginosa. Entre ces plantes herbacées s'élèvent çà et là l'Avicennia tomentosa, le Scoparia dulcis, un Mimosa frutescent à feuilles très-irritables 2, et surtout des Casses, dont le nombre est si grand dans l'Amérique

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Rhizophora mangle. M. Bonpland a retrouvé, la Plaga chica, l'Allionia incarnata, dans le même lieu où l'infortuné Lôfling avoit découvert ce nouveau genre des Nyctaginées.

2 Les Espagnols désignent par le nom de Dormideras (végétaux dormeurs), le petit nombre de Mimoses à feuilles irritables au toucher. Nous avons augmenté ce nombre de trois espèces qui étoient inconnues aux botanistes; savoir, le Mimosa humilis de Cumana, le M. pellita des savanes de Calabozo et le M. dormiens des rives de l'Apuré.

méridionale, que nous en avons recueilli, dans nos voyages, plus de trente espèces nouvelles.

En sortant du faubourg indien et en. remontant la rivière vers le sud, on trouve d'abord un bosquet de Cactiers, puis un endroit charmant ombragé de Tamariniers, de Bresillets, de Bombax et d'autres végétaux remarquables par leur feuillage et leurs fleurs. Le sol offre ici de bons pâturages, où des laiteries construites en roseaux sont séparées les unes des autres par des groupes d'arbres épars. Le lait reste frais lorsqu'on le conserve non dans le fruit du Calebassier tissu de fibres ligneuses très-denses, mais dans des vases d'argile poreuse de Maniquarez. Un préjugé, répandu dans les pays du nord, m'avoit fait croire que les vaches, sous la zone torride, ne donnoient pas du lait très-gras; mais le séjour à Cumana, et surtout le voyage les vastes plaines de Calabozo, couvertes de graminées et de sensitives herbacées, m'ont appris que les ruminans d'Europe s'habituent parfaitement aux climats les plus

par

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brûlans, pourvu qu'ils trouvent de l'eau et une bonne nourriture. Le laitage est excellent dans les provinces de la Nouvelle-Andalousie, de Barcelone et de Venezuela, et souvent le beurre est meilleur dans les plaines de la zone équinoxiale que sur le dos des Andes où les plantes alpines ne jouissant, dans aucune saison, d'une température assez élevée, sont moins aromatiques que dans les Pyrénées, les montagnes d'Estramadure et celles de la Grèce.

Comme les habitans de Cumana préfèrent la fraîcheur du vent de mer à l'aspect de la végétation, ils ne connoissent presque d'autre promenade que celle de la grande plage. Les Castillans, qu'on accuse en général de ne pas aimer les arbres et le chant des oiseaux, ont transporté leurs habitudes et leurs préjugés dans les colonies. A la TerreFerme, au Mexique et au Pérou, il est rare de voir un indigène planter un arbre, simplement dans le but de se procurer de l'ombre; et si l'on excepte les environs des grandes capitales, les allées sont presque inconnues dans ces pays. La plaine aride de Cumana présente, après de fortes ondées, un phéno

mène extraordinaire. La terre, humectée et réchauffée par les rayons du soleil, répand cette odeur de musc qui, sous la zone torride,' est commune à des animaux de classes trèsdifférentes, au Jaguar, aux petites espèces de chats-tigres, au Cabiaï ', au vautour Galinazo, au crocodile, aux vipères et aux serpens à sonnettes. Les émanations gazeuses, qui sont les véhicules de cet arome, ne semblent se dégager qu'à mesure que le terreau, renfermant les dépouilles d'une innombrable quantité de reptiles, de vers et d'insectes, commence à s'imprégner d'eau. J'ai vu des enfans indiens, de la tribu des Chaymas, retirer de la terre, et manger des millepiés ou Scolopendres de 18 pouces de longueur sur 7 lignes de large. Partout où l'on remue le sol, on est frappé de la masse de substances

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1 Cavia capybara, Lin.; Chiguire.

2 Vultur aura, Lin.; Zamuro ou Galinazo, le vautour du Brésil, de Buffon. Je ne puis me résoudre à adopter des noms qui désignent, comme appartenant à un seul pays, des animaux propres à tout un con

tinent.

3 Les scolopendres sont très-communs derrière le château Saint-Antoine, au sommet de la colline.

organiques qui, tour à tour, se développent, se transforment ou se décomposent. La nature, dans ces climats, paroît plus active, plus féconde, on diroit plus prodigue de la vie.

Dans la plage et près des laiteries dont nous venons de parler, on jouit, surtout au lever du soleil, d'une très-belle vue sur un groupe élevé de montagnes calcaires.

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Si le Brigantin (Cerro del Bergantin) est effectivement éloigné de Cumana de 24 milles ou de 22800 toises, comme l'indique la carte de M. Fidalgo publiée par le Dépôt hydrographique de Madrid, en 1805, des angles de hauteur que j'ai pris à la Plaga grande donnent à cette montagne 1255 toises de hauteur. Mais cette même carte, moins exacte pour les positions éloignées des côtes que pour ces côtes mêmes, assigne à la ville de Cumanacoa une latitude de 10° 5′, tandis qu'elle est, d'après mes observations directes, de 10° 16' 11" (Obs. astron., T. I, p. 96). Si cette position trop méridionale influe sur celle du Brigantin, il faut admettre que cette cime est beaucoup moins élevée. Elle se présente à la Plaga grande sous un angle de hauteur corrigé par la réfraction de la courbure de la terre, de 3o 6' 12". D'autres angles, appuyés sur une base de 196 toises qui a été mesurée dans un terrain où les eaux ont séjourné long-temps,

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