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et d'autres vipères, munies de crochets venimeux, fréquentent, dans le temps de la ponte, ces endroits brûlans et arides, pour y déposer leurs œufs sous le sable.

Le château Saint-Antoine est construit à l'extrémité occidentale de la colline. Il ne se trouve pas sur le point le plus élevé, étant dominé à l'est par un sommet non fortifié. Le Tunal est regardé ici et partout dans les colonies espagnoles, comme un moyen de défense militaire assez important. Lorsqu'on élève des ouvrages de terre, les ingénieurs cherchent à multiplier les cierges épineux et à favoriser leur accroissement, comme ils ont soin de conserver les crocodiles dans les fossés des places de guerre. Sous un climat où la nature organique est si active et si puissante, l'homme appelle à sa défense les reptiles carnassiers et les plantes armées de formidables épines.

Le château Saint-Antoine, sur lequel, les jours de fêtes, on arbore le pavillon castillan, n'est élevé que de trente toises au-dessus du niveau des eaux dans le golfe de Cariaco 1.

2 Cette élévation est conclue de la distance zénithale

Placé sur une colline nue et calcaire, il domine la ville et se présente d'une manière très-pittoresque aux vaisseaux qui entrent dans le port. Il se détache en clair sur le sombre rideau de ces montagnes qui élèvent leurs sommets jusqu'à la région des nuages, et dont la teinte vaporeuse et bleuâtre se marie avec l'azur du ciel. En descendant du fort Saint-Antoine vers le sud-ouest, on trouve, sur la pente du même rocher, les ruines de l'ancien château Sainte-Marie. C'est un site délicieux pour ceux qui veulent jouir, vers le coucher du soleil, de la fraîcheur de la brise de mer et de l'aspect du golfe. Les hautes cimes de l'ile de la Marguerite présentent au-dessus de la côte rocheuse de l'isthme d'Araya; vers l'ouest, les petites îles de Caracas, Picuita et Boracha rappellent les

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se

du mât auquel on attache les flammes servant de signaux. J'ai trouvé, à la grande place de Cumana, cet angle, non corrigé, par la réfraction de 83° 2′ 10′′. D'après le plan topographique de Cumana, levé, en 1793, par M. Fidalgo, la distance horizontale de la Gran-Plaza, au Castillo de San Antonio, est de 220 toises.

'Le promontoire du Macanao.

catastrophes qui ont déchiré les côtes de la Terre-Ferme. Ces îlots ressemblent à des ouvrages de fortification; et, par l'effet du mirage, tandis que le soleil échauffe inégalement les couches inférieures de l'air, l'Océan et le sol, leurs pointes paroissent soulevées, comme l'extrémité des grands promontoires de la côte. On se plaît, pendant le jour, à suivre ces phénomènes inconstans 1; on voit, à l'entrée de la nuit, se rasseoir sur leurs bases, ces masses pierreuses suspendues en l'air; et l'astre dont la présence vivifie la nature organique, semble, par l'inflexion variable de ses rayons, imprimer le mouvement à la roche immobile, et rendre ondoyantes les plaines couvertes de sables arides.

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La ville de Cumana, proprement dite, occupe le terrain contenu entre le château Saint-Antoine et les petites rivières du Manzanares et de Santa Catalina. Le Delta, formé

1 La véritable cause du mirage ou de la réfraction extraordinaire que subissent les rayons, lorsque des couches d'air de densités différentes se trouvent superposées les unes aux autres, a déjà été entrevue par Hooke. Voyez ses Posth. Works, p. 472.

par la bifurcation de la première de ces rivières, offre un terrain fertile couvert de Mammea, d'Achras, de bananiers et d'autres plantes cultivées dans les jardins ou charas des Indiens. La ville n'a aucun édifice remarquable, et la fréquence des tremblemens de terre ne permet pas d'espérer qu'elle puisse en avoir un jour. Il est vrai que les fortes secousses se répètent dans une même année, moins souvent à Cumana qu'à Quito, où l'on trouve cependant des églises somptueuses et très-élevées. Mais les tremblemens de terre de Quito ne sont violens qu'en apparence; et par la nature particulière du mouvement et du sol, aucun édifice ne s'écroule, A Cumana, comme à Lima et dans plusieurs villes placées loin de la bouche des volcans actifs, il arrive que la série des secousses foibles est interrompue, après une longue suite d'années, par de grandes catastrophes qui ressemblent aux effets de l'explosion d'une mine. Nous aurons occasion de revenir plusieurs fois sur ces phénomènes, pour l'explication desquels on a imaginé tant de vaines théories, et que l'on a cru classer en les attribuant à des mouvemens

perpendiculaires et horizontaux, au choe et à l'oscillation'.

Les faubourgs de Cumana sont presque aussi populeux que l'ancienne ville. On en compte trois, celui des Serritos, sur le chemin de la Plaga chica, où l'on trouve quelques beaux Tamariniers; celui de Saint-François, vers le sud-est, et le grand faubourg des Guayqueries ou Guaygueries. Le nom de cette tribu d'Indiens étoit tout-à-fait inconnu avant la conquête. Les indigènes qui le portent appartenoient jadis à la nation des Guaraounos que l'on ne trouve plus que dans les terrains marécageux compris entre les bras de l'Orénoque. Des vieillards m'ont assuré que la langue de leurs ancêtres étoit un dialecte du Guaraouno; mais que, depuis un siècle, il n'existe, à Cumana et à l'île de la Marguerite, aucun indigène de cette tribu

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Cette classification date du temps de Posidonius. C'est le succussio et l'inclinatio de Sénèque (Nat. Quæst., Lib. VI, c. 21). Mais les anciens avoient déjà remarqué judicieusement que la nature des secousses est trop variable pour qu'on puisse l'assujétir à ces lois imaginaires. (Platon chez Plut., de placit. philos., Lib. III, c. 15, ed Reiske, T. IX, p. 551.)

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