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vagues. Malgré l'extrême rapidité de ce mouvement, on peut se convaincre que l'animal bat l'air pendant le saut, c'est-à-dire qu'il étend et qu'il ferme alternativement les nageoires pectorales. Le même mouvement' a été observé dans la Scorpène volante des rivières du Japon, qui renferme aussi une grande vessie aérienne, tandis que la plupart des Scorpènes qui ne volent pas en sont dépourvues. Les Exocets, comme presque tous les animaux munis de branchies, jouissent du privilége3 de pouvoir respirer indifféremment, pendant assez long-temps et par les mêmes organes, dans l'eau et dans l'air, c'est-à-dire de soustraire l'oxygène à l'atmosphère, comme à l'eau dans laquelle il est dissous. Ils passent une grande partie de leur vie dans l'air, mais cette vie n'en est pas moins malheureuse. S'ils quittent la mer pour échapper à la voracité des Dorades, ils

1

Lacépède, Hist. nat. des poissons, Tom. III,

p. 290.

S. porcus, S. scrofa, S. dactyloptera. Delaroche, Ann. du Muséum, Tom. XIV, p. 189.

3 Mém. d'Arcueil, Tom. II, p. 397.

trouvent dans l'air des Frégattes, des Albatrosses et d'autres oiseaux qui les saisissent au vol. C'est ainsi que, sur les bords de l'Orénoque, des troupeaux de Cabiai', sortis fuir les Crocodiles, deviennent, sur le rivage, la proie des Jaguars.

de l'eau pour

Je doute cependant que les poissons volans s'élancent hors de l'eau uniquement pour se soustraire à la poursuite de leurs ennemis. Semblables à des hirondelles, ils se meuvent par milliers en ligne droite et dans une direction constamment opposée à celle des lames. Dans nos climats, au bord d'une rivière dont les eaux limpides sont frappées par les rayons du soleil, on voit souvent des poissons isolés, et n'ayant par conséquent aucun motif de crainte, bondir au-dessus de la surface, comme s'ils trouvoient plaisir à respirer de l'air. Pourquoi ces jeux ne seroient-ils pas plus fréquens et plus prolongés chez les Exocets qui, par la forme de leurs nageoires pectorales et par leur petite pesanteur spécifique 2, ont une extrême facilité à se soutenir

1 Cavia capybara, L.

2

Cuvier, dans les Ann. du Mus., Tom. XIV, p. 165; et Delaroche, ibid., p. 262 (note).

dans l'air? J'invite les naturalistes à examiner si d'autres poissons volans, par exemple l'Exocatus exiliens, le Trigla volitans et le T. hirundo, ont la vessie aérienne aussi grande que l'Exocet des tropiques. Ce dernier suit les eaux chaudes du Gulf-Stream lorsqu'elles remontent vers le Nord. Les mousses s'amusent à lui couper une partie des nageoires pectorales, et assurent que ces ailes se reproduisent, ce qui me paroît peu conforme à des faits observés dans d'autres familles de poissons.

A l'époque où j'avois quitté Paris, des expériences tentées à la Jamaïque, par le docteur Brodbelt', sur l'air renfermé dans la vessie natatoire de l'espadon 2, avoient fait croire à quelques physiciens que, sous les tropiques, dans les poissons de mer, cet organe étoit rempli de gaz oxygène pur. Préoccupé de cette idée, j'étois surpris de ne trouver dans la vessie aérienne des Exocets que 0,04 d'oxygène sur 0,94 d'azote et 0,02 d'acide carbonique. La proportion de ce

Duncan's An. of Medecine, 1796, p. 393. Nicholson's Journ. of Nat. Phil., Vol. I, p. 264. Xiphias gladius, Lin.

dernier gaz, mesurée par l'absorption de

l'eau de chaux dans des tubes gradués1, paroissoit plus constante que celle de l'oxygène, dont quelques individus offroient des quantités presque doubles. D'après les phénomènes curieux observés par MM. Biot, Configliachi et Delaroche', on peut supposer que l'espadon, disséqué par M. Brodbelt,

1

Anthracomètres, tubes recourbés et munis d'une large boule. Voyez mes Essais sur l'atmosphère, Pl. 1 (en allemand).

2 Mém. d'Arcueil, Vol. I, p. 267. Ann. du Mus., Tom. XIV, p. 184-217 et 245-289. Configliachi sull'analisi dell'aria contenuta nella vesica natatoria. Pavia, 1809, Occupés pendant huit mois d'expériences sur la respiration des poissons, nous avons observé, M. Provenzal et moi, que les poissons absorbent, non seulement l'oxygène, mais aussi de l'azote, et que la quantité de cet azote absorbé diffère dans les individus de la même espèce. Il s'en faut de beaucoup que l'oxygène inspiré soit représenté par l'acide carbonique qu'exhalent les poissons de toute la surface de leur corps; et ces faits tendent à prouver que les proportions d'oxygène et d'azote varient dans la vessie, selon que l'action vitale des branchies et de la peau est modifiée par la pression plus ou moins grande qu'éprouve le poisson à différentes profondeurs.

avoit habité les couches inférieures de l'Océan où quelques poissons' présentent jusqu'à 0,92 d'oxygène dans leur vessie aérienne.

Le 1er juillet, par les 17° 42′ de latitude et les 34° 21' de longitude, nous rencontrâmes les débris d'un vaisseau naufragé, Nous distinguâmes un mât, recouvert de varech flottant. Ce naufrage ne pouvoit avoir eu lieu dans une zone où la mer est constamment belle. Peut-être ces débris venoient-ils des mers orageuses du Nord, et étoient-ils reportés au même point où le navire avoit péri, entraînés par ce tournoiement extraordinaire qu'éprouvent les eaux de l'Atlantique dans l'hémisphère boréal.

Le 3 et le 4 nous traversâmes la partie de l'Océan où les cartes indiquent le banc du Maal-Stroom: vers la nuit on changea de route pour éviter ce danger, dont l'existence est aussi douteuse que celle des îles Fonseco et Sainte-Anne3. Il auroit été plus prudent

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2 Borda, Voyage de la Flore, Tom. II, p. 314.

3 Les cartes de Jefferys et de Van-Keulen indiquent

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