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Fontaines qui coulez vos ondes solitaires
En flots capricieux,

Océan vaste et noir, fleuves, torrents, rivières
Aux bonds impétueux;

Et vous tous habitant leurs cavernes profondes
De poissons variés cohortes vagabondes :
Chantez le Dieu des dieux !

Vous animaux nombreux, ou privés ou sauvages,
Peuplant villes et bois ;

Vous passereaux lutins, caravanes volages,

Hôtes bruyants des toits;

Reptiles sous nos pieds, gais oiseaux sur nos têtes
Entonnez aujourd'hui votre chanson de fêtes:
Chantez le Roi des rois!

Et vous au front de qui sa main toute-puissante
Ceiguit la royauté,

Monarque sur le trône ou pâtre sous la tente,
Homme! en fils adopté;

Vous surtout Israël, enfant de sa tendresse,
Célébrez par des chants d'une vive allégresse
Sa douceur, sa bonté!

Vous prêtres du Seigneur, que sa volonté sainte
Entre tous a choisis

Pour offrir en son temple avec amour et crainte
L'encens des vœux soumis;

Et vous qu'll a sauvés, élus, âmes des justes,
Entonnez à sa gloire, ô légions augustes,
L'hymne du Paradis!

A genoux! à genoux! ô toute créature
De la terre et du ciel!

A genoux à genoux! que toute la nature
Chante au Dieu d'Israël

Un cantique sacré! que le ciel lui réponde!
Et que tout ce qui vit, jusqu'à la fin du monde
Bénisse l'Éternel!!

Février 1845.

JossE-B.-J. CELS, JUNIOR.

BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE.

Histoire du Communisme, ou Réfutation historique des utopies socialistes, par Paris, 1849, 1 vol. in-18°; chez V. Lecou, rue du

ALFRED SUDre.

Bouloi N° 10.

Renfermées, avant la révolution de février, dans le domaine philosophique, les doctrines du communisme et du socialisme ont fait inopinément invasion dans la politique, dans la société; l'empire qu'elles ont tout d'abord pris, les inquiétudes qu'elles ont répandues, ont été cause que beaucoup de personnes n'ont pu se rendre compte de tout ce qu'elles renferment d'absurde, de faux, d'immoral. On les a jugées bien plus sur les pernicieux effets qu'elles ont produits que sur l'idée complète qu'on a pu s'en faire.

M. Sudre a pris à tâche de publier un exposé lucide et consciencieux des divers systèmes d'organisation politique ou sociale qui agitent aujourd'hui le monde. Il les prend à leur origine aux temps antiques; car soit dit en passant, il est utile de savoir que les doctrines communistes ne sont pas nouvelles elles existaient avant l'époque de l'établissement du Christianisme; et malgré les transformations qu'elles ont subies, nous les retrouvons, aujourd'hui comme alors, luttant contre la société, contre les institutions admises par le plus grand nombre.

L'auteur parle ensuite de la prétention qu'ont les socialistes de rattacher le principe de leurs doctrines aux dogmes du Christianisme, et il prouve que l'égalité absolue entre les hommes et la communauté des biens n'ont été nulle part, dans l'Evangile, posées comme un principe fondamental de la loi

nouvelle. L'exemple que l'on cite des premiers chrétiens n'est qu'un fait accidentel et passager, et les dons qu'ils mettaient en commun, étaient bienplus destinés à des œuvres de charité qu'à fonder un système égalitaire. L'établissement des communautés religieuses et des ordres monastiques ne rend guères les communistes plus heureux dans leurs assertions qui ne comprend que la manière de vivre, les habitudes ascétiques et les mœurs contemplatives des couvents sont tout-à-fait inapplicables à la société?

Plusieurs chapitres de l'ouvrage de M. Sudre sont consacrés à l'énumération des diverses sectes qui, d'une manière plus ou moins absolue, ont professé les doctrines communistes: les Pélagiens, les Vaudois et les Albigeois, les Hussistes, les Anabaptistes, etc.; à des temps plus rapprochés, il décrit les utopies de Thomas Morus, de Campanella, etc.; au XVIIIe siècle, les systèmes de Morelly, de Nably, de Rousseau, de Warville; à l'époque de la première révolution française, ceux de Babeuf, de St-Just, de Robespierre; plus tard et de nos jours, ceux d'Owen, de St-Simon, de Fourier; enfin, il examine d'une manière approfondie les doctrines de Cabet, de Louis Blanc et de Proudhon.

Cette courte analyse témoigne de l'intérêt que le livre de M. Sudre doit présenter ce qui ajoute nécessairement au mérite de l'ouvrage, c'est la critique nette, claire et incisive que l'auteur a su faire de tous ces systèmes, qui ont toujours échoué dans l'application, et qui tendent à bouleverser de fond en comble l'ordre social établi; à briser, en un jour, toutes les habitudes, tous les droits acquis, et à enlever à l'homme, sous prétexte de le rendre plus heureux, une grande partie de son indépendance et de sa liberté. M. Sudre, après avoir montré combien les doctrines socialistes sont exagérées et impraticables, comment leurs partisans se rendent eux-mêmes, par la forme acerbe de leurs prédications, par la brutalité de leurs procédés, le plus grand obstacle à la réalisation de tout progrès légitime, termine son livre par les lignes remarquables que voici :

« Les utopistes prétendent, il est vrai, être animés d'un ardent dévouement pour les masses. C'est au nom des souffrances des pauvres, de l'amélioration du sort des classes abandonnées aux travaux manuels qu'ils proposent leurs projets de réformes. Ce sentiment, nous nous plaisons à le croire, est sincère de leur part. Il serait trop pénible de penser que des hommes ne fussent poussés à provoquer le bouleversement de l'ordre social, que par des vues d'ambition personnelle, par la soif d'une vaine renommée. Mais les modernes représentants de l'utopie ont le tort grave de prétendre être les seuls à éprouver ces sympathies, les seuls à poursuivre ce noble but; d'accuser d'insensibilité et d'égoïsme les hommes qui repoussent les déplorables moyens à l'aide desquels ils se flattent de l'atteindre. Grâce au ciel, personne en France n'a le monopole du dévouement et de la charité chrétienne. Ces

sentiments sont le bien de tous. Eh! quel est donc l'homme de cœur, l'homme d'intelligence qui ne reconnaisse qu'il y a des souffrances à soulager, des plaies à cicatriser, des progrès à accomplir; que l'amélioration du sort du grand nombre ne doive être le but constant des efforts de tous? Quel est celui qui ne consacre point à la solution de ce grave problème les efforts de sa pensée; qui ne contribue à cette œuvre sainte par la pratique de la bienfaisance et de l'humanité? Mais cette œuvre est hérissée d'obstacles et de difficultés, dont les moindres ne sont pas ceux qui proviennent du fait même de ceux dont il s'agit de rendre le sort meilleur. Elle exige de la persévérance et du temps disons-le, elle est éternelle, car c'est la tâche de l'humanité. » Les moyens, par lesquels cette œuvre doit s'accomplir, ne sont point ceux que proposent l'utopie, le communisme et ses divers rameaux socialistes. Ce qui peut hater le progrès dans cette voie, c'est le développement pacifique de la vraie démocratie, et celle qui assure la liberté de chacun, respecte le droit individuel, sans sacrifier l'intérêt social; c'est l'extension du crédit, de l'esprit d'association, des institutions de prévoyance, l'ardeur au travail, qui ne peut exister que par la sécurité de la propriété, principe de la confiance, stimulant de l'énergie productive; c'est la diffusion des lumières, l'amélioration de notre système d'éducation, accordant désormais plus de place à l'utile qu'au brillant et à l'agréable; c'est, enfin, le retour aux idées religieuses, la moralisation générale, la consolidation des sentiments de la famille, source des vertus privées et publiques.

» Mais, avant tout, il faut que l'immense majorité dévouée à ces grands principes, qui forment la base des sociétés, et dont le maintien est l'honneur des nations, en assure le triomphe par son union et sa fermeté. Il faut que toutes les divisions de partis, que les rivalités d'ambitious, qui trop souvent compromettent chez nous l'intérêt général, s'effacent devant le danger commun. Le salut du pays, le salut de la civilisation est à ce prix. »

Bruxelles,

Les Libres Penseurs, par M. L. VEUILLOT, Paris, 1848. J.-B. De Mortier, 1849, 1 vol. in-12o, 372 p. Voici un livre auquel plusieurs revues françaises ont rendu hommage en reproduisant d'assez longs extraits tirés de toutes les parties du volume. Tout en vantant les qualités supérieures du livre, ce n'est que justice de l'annoncer ainsi, parce que l'auteur n'a pas de plan arrêté. Comme l'a trèsbien dit M. Ch. Lenormant, on ouvre le livre partout où l'on veut; on s'arrête, on continue, on revient sur ses pas; c'est un labyrinthe plein des accidents les plus variés. Ce n'est pas une lecture, c'est une promenade. Toute analyse serait vaine et sécherait les fleurs de ce parterre étincelant. Le livre des Libres Penseurs est une suite de portraits; il nous fait remonter à la source d'un genre d'écrits qui a eu sa place bien marquée parmi les écrits classiques du XVIIe siècle, ceux des moralistes. Mais quels

:

sont ces portraits que Veuillot a tracés vigoureusement, comme Labruyère traçait finement les siens? « J'appelle, dit-il, « libres penseurs, » les lettrés ou se croyant tels, qui, par livres, discours et pratiques ordinaires, travaillent sciemment à détruire en France la religion révélée et sa morale divine professeurs, écrivains, législateurs. gens de banque, gens de palais, gens d'industrie et de négoce, ils sont tout, ils font tout, ils règnent.... » On devine avec quelle verve le rédacteur en chef de l'Univers a entrepris de livrer rude guerre à toutes ces classes d'hommes dont il a étudié les allnres et les tendances à Paris et en province, dans les rangs les plus élevés de la société et dans des rangs intermédiaires. Qui contesterait à Veuillot le mérite de ses esquisses? Qui oserait nier l'éclat des armes dont il se sert pour combattre ses adversaires en champs clos, et en quelque sorte tour à tour? Mais toute louange accordée au talent de l'écrivain, lui concéderons-nous qu'il a toujours marché droit, qu'il a toujours atteint son but comme moraliste chrétien? Nous croyons qu'il a quelquefois mis trop de rigueur dans la vérité de ses peintures, alors qu'il s'attaquait aux mœurs lâches et molles d'un certain monde; nous croyons encore qu'il aurait dû dissimuler davantage certaines personnalités que la charité chrétienne ne permet à personne de désigner aussi expressément et d'immoler aussi rudement aux traits de la satire, et qu'il aurait dû rendre justice au savoir et au génie de quelques hommes, malgré leurs torts et leurs fautes, au lieu de confondre leurs noms avec des moins justement abhorrés.

La religion et la liberté considérées dans leurs rapports, par M. L.-E. BAUTAIN, chanoine honor. de Paris, de Strasbourg, doct. en théol., en médecine, ès-lettres, etc. Paris, 1848, in-8°. Bruxelles, 1849, in-8°, 269 p. Ces conférences, commencées le 16 janvier 1848 à Notre-Dame de Paris, ont été terminées le 20 février. L'auteur a bien fait de les publier; elle marqueront dans l'histoire des idées de notre temps. Il a lui-même donné dans sa préface les motifs qui l'ont porté à rompre cette fois avec son ancienne habitude de ne pas livrer à la publicité les conférences qu'il fait depuis plusieurs années dans diverses églises de Paris. Il a voulu donner une date certaine à cette discussion solennelle qu'il a soutenue contre ceux qui accusent la religion catholique d'être hostile à la liberté. « Notre tache a été finie à temps, nous dit-il; à un enseignement grave, qui pose et discute les principes, il faut du calme, des esprits attentifs, des âmes non agitées par les commotions du dehors et les passions du moment. Pendant le combat, toutes les questions deviennent personnelles; devant la vérité les personnes disparaissent, le droit et la justice doivent dominer. Nous remercions Dieu de nous avoir donné encore avant l'orage quelques jours tranquilles pour considérer impartialement, sans passion, ce qu'il y a de vrai dans le rapport de la religion et de la liberté, et pour le dire à nos concitoyens de la

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