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THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY

169101B

ASTOR, LENGY AND
TIDEN FOUNDATIONS

1942

QUESTION DES FLANDRES.

La politique ravalée au point de vue des partis, a eu, cette année, peu de part dans la discussion du budget de l'intérieur. Un seul orateur, jeune et inexpérimenté, a repris d'anciens errements et son succès ne doit pas tenter ses émules. Aucun écho n'a rendu ses paroles, et sa présomption lui a valu de la part du ministre des finances une rude leçon. Nous constatons avec plaisir ce progrès de M. Frère vers des idées plus modérées, et nous regrettons seulement que son langage n'ait pas conservé cette dignité calme et polie qui va toujours bien à un ministre, même envers ceux qui méritent le moins d'égards. Nous ne nous arrêterons pas au discours du député de Malines. Ce n'est qu'une compilation de phrases à l'usage du journalisme d'il y a deux ans, sans style et sans idées. Le sort de ce factum sera de s'ensevelir dans les oubliettes du Moniteur avec maints autres documents de pareille force.

La discussion a roulé principalement sur une question d'intérêt positif, celle des Flandres, et, il faut le reconnaître, nos députés n'ont plus, cette fois, gaspillé leur temps. Ils se sont enfin occupés des intérêts qui leur sont confiés. Du reste, si nous nous montrons satisfaits de leur bonne volonté, ce n'est pas à dire que nous le soyons également du résultat de leurs tentatives. Nos lecteurs se rappelleront les craintes que nous avons manifestées quand nous avons vu éliminer des Chambres, les hommes les mieux au fait de la situation flamande, ceux qui en avaient fait depuis longtemps l'objet de leurs études et le but de leurs efforts; quand nous les avons vu remplacer

par des hommes, aussi bien intentionnés sans doute, mais entièrement neufs et dépourvus de toute connaissance pratique. L'événement s'est chargé de justifier nos prévisions. Qu'on relise la plupart des discours qui ont trait à ce point, et qu'y trouvera-t-on? Une peinture d'une misère que personne ne conteste, que tout le monde connaît; des censures injustes contre le Gouvernement auquel on demande l'impossible, c'est-à-dire, un soulagement général et immédiat, et en fait d'idées, presque rien que des généralités, presqu'aucun moyen pratique. Les choses praticables, les choses pouvant conduire à un résultat utile, out encore été indiquées par les hommes de l'ancienne majorité, par ceux qui cherchent à briller non par une vaine phraséologie, mais par une étude sérieuse et constante des faits et des conséquences qui en découlent. Les discours de MM. de Theux et De Decker appuient notre témoignage.

Outre les discours que nous venons de signaler, trois autres méritent une attention particulière. Le premier est celui du ministre de l'intérieur, à qui on ne saurait refuser la qualité d'homme positif et entendu.

M. le ministre de l'intérieur a commencé par justifier le Gouvernement des reproches d'inertie, et il l'a fait de la manière la p'us péremptoire en énumérant ses actes. Il les résume ainsi : travaux publics; travaux agricoles; amélioration de l'industrie linière et introduction de nouvelles industries.

Nous voyons, par le compte-rendu de M. Rogier, qu'il a été dépensé dans les Flandres, en travaux hydrauliques, une somme de plus d'un million de francs pendant le cours de 1848. En 1847, une somme de 1,760,000 francs avait eu la même destination. 710,000 francs ont été employés à la construction de routes pendant ces deux années. La voirie vicinale a pris 330,000 francs.

Soyons assez justes pour reconnaître qu'une somme de plus de 3 1/2 millions dépensés en deux ans, dans les circonstances les plus difficiles, pour des ouvrages d'une utilité incontestable, ne sont pas un médiocre secours pour les Flandres. Ne nous arrêtons pas à considérer l'ouvrage fourni aux ouvriers. Ce soulagement, quelque intéressant qu'il soit, n'est que temporaire mais l'utilité des travaux est permanente.

M. Rogier rappelle avec raison, en fait d'améliorations agricoles, les travaux de défrichement et notamment ceux qui ont pour objet le Vrygeweyd et le défrichement projeté de la forêt d'Houthulst. Il rappelle les efforts faits pour engager les communes et les propriétaires à défricher leurs bruyères et leurs bois. Tout cela est parfaitement vrai seulement nous ne partageons pas l'étonnement qu'inspire à M. Rogier l'inertie des propriétaires. Il est connu que tout défrichement, fait un peu en grand, exige des connaissances, un temps et des capitaux qui ne sont pas à la disposition de tout le monde, et que le propriétaire qui défriche n'en retire guère que l'intérêt de sa mise

de fonds, quand il ne fait pas une mauvaise spéculation, ce qui arrive souvent dans les terrains ingrats sur lesquels se trouvent les bruyères et les bois. Une commune peut faire une tentative de cette nature. Elle peut céder l'usage gratuit de son terrain aux colons pendant plusieurs années. Ce fonds est improductif s'il est à l'état de bruyère, et, fùt-il en bois, la perte temporaire du revenu serait amplement compensée en ce que les pauvres ménages qu'on y établirait, ne tomberaient plus à la charge publique. Le propriétaire de bois est dans une toute autre situation. Il a besoin de ses ressources, et il doit demander à la terre mise en culture au moins ce qu'il en tirait quand elle était boisée. Il ne peut louer qu'à des fermiers qui aient des moyens de succès, et, qu'on ne l'oublie pas, le défrichement est toujours une entreprise plus ou moins aléatoire.

Nous ne pouvons qu'applaudir aux efforts faits par le Gouvernement pour obvier à la falsification des graines de lin de Riga, pour mettre les engrais plus à la portée des cultivateurs, pour répandre l'instruction professionnelle parmi les agriculteurs. Nous partageons encore son avis quand il assigne de justes limites à l'action gouvernementale en protestant contre cette tendance à mettre l'État à la place de chacun.

M. Rogier énumère ensuite tout ce que le Gouvernement a fait pour soutenir et relever l'industrie des toiles, pour introduire de nouvelles industries, et il répond, par une longue liste de faits, à l'impatience de ceux qui se figurent peut-être que la situation flamande peut se changer par une loi du jour au lendemain.

Nous avons trop souvent blàmé M. Rogier de se montrer homme de part pour ne pas saisir avec empressement l'occasion de le féliciter quand il se montre homme d'État et administrateur. Remarquons en outre que, cette fois, il a eu la loyauté de proclamer que ses devanciers avaient aussi des droits à la reconnaissance publique et que plusieurs de leurs errements avaient été simplement suivis. La liste qu'il en donne aurait pu être augmentée, mais ce retour à la justice distributive n'en est pas moins digne d'éloge. Plût à Dieu qu'on ne s'en fut jamais écarté! Le ministère s'en trouverait mieux luimême, car il n'aurait pas aujourd'hui à se défendre contre d'absurdes exigences enfantées par des vanteries maladroites.

M. Dechamps est venu justifier à son tour le Gouvernement et faire justice d'une ignorante impatience: « Chacun, dit-il, a son système, et ce système » est presque toujours exclusif de tous les autres; le dernier venu s'imagine » de la meilleure foi du monde, avec la plus entière et la plus naïve convic>>tion, que tout ce qu'on a imaginé, pensé, fait avant lui, n'a été qu'une » accumulation de bévues et de fautes. On parle de tous les faits posés » antérieurement avec le plus superbe dédain; on est impitoyable dans sa » critique qui ne fait grâce à rien; mais quand on arrive aux conclusions, quand il faut présenter son remède, sa panacée, le ton baisse, on devient

» plus modeste, et, le plus souvent, on n'a à nous offrir que d'assez malheu>> reuses conceptions et des projets incomplets ou irréalisables. » Que de personnes dans la presse et dans la Chambre auxquelles ces paroles ont dû faire l'effet d'un coup de massue! Elles feront bien de les méditer et de retenir encore cet autre passage du caustique orateur : « Il ne faut jamais que le » Gouvernement promette ou qu'il ait l'air de promettre plus qu'il ne peut » tenir. »>

Après cette petite exécution, M. Dechamps rappelle la grande enquête relative à l'industrie linière, instituée en 1840 par le comte de Theux et le rapport de la commission « qu'il serait bien désirable que chacun eut lu et » dans lequel sont consignées et discutées beaucoup d'idées que l'on a la » prétention de croire neuves aujourd'hui. » Autant d'asséné en passant. Il rappelle l'enquête parlementaire de 1841; celles de MM. Liedts et Nothomb; la réunion des délégués des chambres de commerce en 1845 et 1846 pour élaborer le projet d'une société d'exportation; la commission instituée au ministère de la justice en 1846, pour rechercher les causes du paupérisme; les avis demandés aux conseils provinciaux des Flandres, consultés de nouveau par le ministère actuel; enfin, l'érection du comité consultatif, créé par M. Rogier et dont nous attendons le travail. -« Ainsi, Messieurs, » poursuit-il, conseils provinciaux, comités consultatifs, chambres de com» merce, enquêtes administratives, enquêtes parlementaires, discussions par»lementaires, rien n'a été oublié, tous les avis ont été recueillis, l'étude peut » être considérée comme complète; je désire que le débat actuel y ajoute » quelque chose, mais j'y compte peu. »

L'orateur se demande ensuite si cette étude n'a servi à rien. Il ne veut pas soutenir que tout ait été fait, que toutes les mesures aient été également bien combinées: évitant cette exagération, il se borne à combattre l'exagération opposée qui consiste à prétendre que rien ne s'est fait, que tout est à faire. Cet éloignement de toute jactance ne nous étonne pas de sa part: la modestie est volontiers compagne du talent véritable.

Rappelant la situation linière de 1854, M. Dechamps confond par des faits et des chiffres les détracteurs du Gouvernement. Comme il le fait observer avec justesse, ceux qui accusent aujourd'hui l'inertie gouvernementale, sont précisément ceux qui ne voulaient pas qu'il agit en 1834, qui voulaient appliquer les principes du libre échange à l'industrie toilière. Le Gouvernement ne laissa pas d'agir malgré eux, et des tarifs protecteurs furent établis pour l'industrie linière, et, depuis en 1841, pour la filature. Il en résulta que l'exportation des toiles se releva jusqu'à 30 millions et monta jusqu'à 37 en 1858. M. Dechamps conclut avec raison qu'en l'absence de cette mesure, l'ancienne industrie serait morte et que la nouvelle ne serait pas née.

L'orateur nous retrace ensuite les négociations avec la France, les événe

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