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tits, tous les désirs, toutes les affections, la conscience morale, l'amour du soi, etc., etc., tendent à s'épurer et s'épurent de plus en plus. Il y a un mouvement de progrès qui commence dans cette faculté, dès qu'il s'y fait sentir le plus léger indice d'amour pour l'expiation; et ce mouvement de progrès, qui n'est qu'une amélioration de plus en plus profonde, est d'autant plus sérieux que l'amour de l'expiation se maintient, se fortifie lui-même de plus en plus.

Appliquez en outre l'expiation, l'esprit d'expiation à la faculté de vouloir, d'agir, dès-lors, l'homme ne voudra, ne fera plus rien que ce qui est de plus en plus en plus conforme à l'ordre, au bien public, au bien général. De là aussi tous les dévouements, tous les sacrifices nécessaires à la société. De là une transformation implicite du monde tout entier.

S'il est donc vrai que les meilleurs effets viennent des meilleures causes, il est donc vrai aussi que le principe d'expiation, l'esprit d'expiation est autant au-dessus du principe d'orgueil que le bien est au-dessus du mal, que la vie est au-dessus de la mort.

Du reste, lisez l'histoire. Quels sont les hommes qui se sont le plus distingués dans les diverses spécialités? Sont-ce les hommes qui ont procédé de la présomption, de la suffisance, de l'orgueil, quand il s'est agi de la faculté de connaître, de sentir, de vouloir, etc., etc.? Non, ce sont ceux qui ont le mieux accepté, le mieux aimé le travail qui n'est qu'une forme de l'expiation. Voyez maintenant les peuples. A quelle époque Athènes était-elle le plus digne de sa renommée? Est-ce quand, ivre d'orgueil, elle se disputait les emplois sur la place publique? Non, c'est lorsque, échappant à la loi d'orgueil et dévouant sa faculté de connaître au travail, elle donnait à l'Europe Eschyle, Sophocle, Euripide, Socrate, Platon, Démosthène, etc., etc.; lorsque dévouant sa faculté de sentir et d'agir au travail, elle savait mourir à Marathon, à Salamine, à Platée.

L'expiation, c'est à dire, un esprit diamétralement opposé à l'esprit d'orgueil, à celui qui a présidé aux trois derniers siècles qui viennent de s'écouler, à celui qui domine aujourd'hui les hommes, telle est donc la loi, l'unique loi, la grande loi d'action pour l'humanité.

Expier en effet, et encore une fois c'est se réparer envers soi; se réparer envers Dieu, se remettre avec Dieu, c'est revenir de mieux en mieux à la cause première, à la cause de toutes les causes.

Mais il n'y a qu'un Dieu qui soit digne du culte et de l'amour de tous les hommes; celui qui correspond à la notion la plus pure et la plus élevée du Divin; celui dont nous parle M. Vacherot, un des représentants les plus distingués de la philosophie actuelle.

Expier par conséquent envers le Divin catholique, le Dieu catholique, c'est se mettre de plus en plus en rapport avec toutes les perfections infinies que comporte la nature du meilleur Divin qui existe.

Mais quand nous revenons sur l'observation de l'homme, nous constatons en lui des facultés principales dont nous avons déjà parlé, savoir, la faculté de connaître, de sentir, de vouloir, de se rappeler.

C'est donc dans l'expiation et par l'expiation catholique qu'on se donnera le moyen

de connaître de mieux en mieux,

de sentir de mieux en mieux,

de vouloir de mieux en mieux,

de se rappeler de mieux en mieux,

d'agir de mieux en mieux.

Mais en nous la faculté de connaître, de sentir, de vouloir, de se rappeler, etc., etc., ont surtout pour objet

le vrai,

le bon,

le juste,

le beau, le saint, l'utile.

Plus on expiera par conséquent, dans l'esprit catholique, plus on connaitra, plus on sentira, plus on voudra, plus on se rappellera, plus on pratiquera l'utile, le vrai, le bon, le juste, le beau, le saint; en d'autres termes plus on sera habile dans les spécialités (1) mécaniques; plus on sera savant; plus on sera puissant dans la morale, la jurisprudence, la politique, l'art; plus on sera complet; comme, plus on sera incomplet, si l'on prend l'in

verse.

Tout ceci est clair, est évident comme un axiome de géométrie.

L'expiation catholique, toutefois, ne sert pas seulement à conquérir le moyen de devenir le plus grand possible, dans toutes les spécialités, toutes les sciences, tous les arts. Elle produit encore un autre résultat: elle ramène d'abord toutes les facultés humaines et puis toutes les spécialités, toutes les sciences, tous les arts à un seul et même Idéal qui, pour nous servir d'une expression de l'École d'Alexandrie, est le lieu de tout idéal, est l'infini par excellence. Elle leur donne un principe qui est vrai, comme la vérité infinie; bon, comme la bonté infinie; juste, comme la justice infinie; beau, comme la beauté infinie; saint, comme la sainteté infinie, et pourvu

(1) On a dit que l'esprit catholique était contraire à l'industrie, aux arts mécaniques, etc., etc. Voyez un excellent article du Correspondant, où M. Fengueray réfute victorieusement cette idée. (2o année, 9e livraison, 10 août.) Voyez aussi un article intitulé De la Sanctification du Travail, par Cu. RICHARD, Revue de Bruxelles, 1er février 1847.

en outre de mille et mille autres attributs infinis. Elle fait donc circuler partout des torrents de sève et de vie, en même temps qu'elle imprime à tout un mouvement de convergence et d'unité, d'où résulte une force indéfinie au profit de l'universalité des choses et des hommes.

Mais combattre l'orgueil et favoriser l'esprit d'expiation au nom du Divin catholique, telle est la grande préoccupation de l'Église et du clergé catholique, du clergé modèle du monde entier.

Notre enseignement philosophique poursuit donc, par d'autres moyens, le même but que l'Église et le clergé catholique.

Aiusi par le Nouvel Enseignement philosophique, les générations ne seront plus chrétiennes dans la famille et payennes ailleurs; chrétiennes dans les actes les plus sérieux de leur vie, et payennes par l'esprit général dont elles vivent. Elles n'auront qu'un seul et même esprit dans l'enfance, l'adolescence, l'âge mûr et toutes les autres parties de l'existence. Elle se reconcilieront ainsi de plus en plus avec le catholicisme. Tel est aussi le but que nous nous proposons dans ce Nouvel Enseignement philosophique.

Nous sommes dans un temps où ce qu'on peut faire de mieux pour son pays, c'est de lui dire ouvertement et sans détour sa pensée la plus intime. Nous venons de dire la nôtre. Si nous nous sommes trompé, qu'on nous le démontre. Nous serons toujours prêt à revenir sur nos erreurs.

Mais voici, selon nous, la position actuelle, et ce n'est pas en niant le mat qu'on le guérit.

Le Catholicisme a contre lui trois siècles d'injustes préventions; et ces trois siècles ont fait une seconde nature à l'esprit et à l'âme de la minorité lettrée, de celle qui finit par disposer de tout.

Il a contre lui le Déisme, la religion naturelle et toutes les polémiques du 18e siècle.

Il a contre lui tout le rationalisme subalterne de notre époque et la presque totalité des hommes qui sont dans les Revues ou dans la presse quotidienne la plus influente.

Il a contre lui les objections les plus audacieuses (1) qu'il ait eu à subir. Il a contre lui la simplicité plus ou moins béate de ceux qui continuent à penser qu'en matière de Catholicisme, il faut croire (2) et rien de plus.

(1) S'il ne se retenait, disait récemment un des rédacteurs d'une des pre» mières Revues de Paris, il pourrait faire des objections fâcheuses au Catholi» cisme. Il pourrait demander par exemple pourquoi la religion chrétienne a » fait tant d'emprunts à la philosophie, pourquoi l'on a enté l'Évangile sur » Platon; pourquoi l'Évangile rappelle si souvent la morale du Portique. » Voy. VEUILLOT. Les Libres Penseurs.

(2) Si l'on supposait que la foi vient aux hommes par le cœur sans l'esprit et

Il a contre lui une philosophie d'instruction moyenne qui, embarrassée comme elle l'est, de toute espèce de travaux littéraires, historiques, mathématiques, etc., (1) ne peut être qu'incomplète et par cela même dangereuse; une philosophie qui, serait-elle tout ce qu'elle doit être pour le Baccalauréat, serait au-dessous des besoins publics.

Il a contre lui tous ces politiques experts à manier des affaires, mais qui sont restés, toute leur vie, presque étrangers aux solutions philosophiques et religieuses, sans lesquelles pourtant on ne peut rien pour les sociétés.

Il a contre lui tous ces esprits superficiels qui pensent qu'on change la nature, le génie, les mœurs d'un peuple, suivant la fantaisie d'un jour, d'une heure, d'un assaut donné, et qui ne voient pas qu'il est plus difficile de faire un changement de ce genre que de soulever le monde.

Il a contre lui toutes ces âmes froides et sèches, toutes ces âmes de métal qui n'ont jamais ni senti ni compris les suavités spiritualistes.

Il a contre lui ces quasi-vieillards qui l'ont accepté par peur depuis bientôt deux ans et qui le combattront encore, dès qu'ils seront rentrés au pouvoir. II contre lui le socialisme, le communisme, la démagogie, toutes les théories de la jouissance, ennemis qui n'ont pas la moindre force, quand on

par un instinct aveugle de grâce, sans un raisonnable discernement de l'autorité à laquelle on se soumet pour croire les mystères, on courrait risque de faire du Christianisme un fanatisme, et des chrétiens des enthousiastes. Rien ne serait plus dangereux pour le bon ordre et le repos du genre humain; rien ne peut rendre la religion plus méprisable et plus odieuse. (FÉNÉLON. Lettre V, sur la Religion.)

(1) On a très-bien senti en Belgique la vérité de ce que nous disons; et l'honorable M. Rogier mérite ici les plus grands éloges pour avoir pris l'initiative en dégageant la philosophie élémentaire d'une foule d'études qui gênaient sa marche.

Voici, en effet, ce que les Chambres belges out voté en juillet 1849, dans la loi organique de l'enseignement supérieur :

ART. 37.

« Nul n'est admis à l'examen de candidat en philosophie et lettres (bachelier » ès lettres), ni à celui de candidat en sciences (baccalauréat ès sciences), s'il » n'a obtenu le titre d'élève universitaire, et si depuis l'obtention de ce grade, >> il ne s'est écoulé une année académique.

ART. 45.

» L'examen pour le grade d'élève universitaire comprend :

» Des explications d'auteurs grecs et latins; une traduction du flamand, de » l'allemand ou de l'anglais, au choix du récipiendaire, à l'exclusion de sa » langue maternelle; la géographie ancienne et moderne; les principaux faits » de l'histoire universelle, l'histoire de la Belgique; l'algèbre jusqu'aux équa» tions du second degré inclusivement; la géométrie élémentaire et la trigo» nométrie rectiligne; les notions élémentaires de physique. »>

les étudie en eux-mêmes, mais qui ont et auront toujours une force considérable par le vague dont ils s'enveloppent.

Il est donc positif qu'il y a quelque chose de nouveau à organiser dans l'intérêt du Catholicisme et ce quelque chose n'est, ne peut être et ne doit être qu'un nouvel Enseignement philosophique, ajouté à celui que reçoivent aujourd'hui toutes les générations lettrées dans l'instruction moyenne.

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